Netanyahu n’est plus sous sédatif à l’hôpital, mais c’est toujours Levin qui gouverne
Depuis la formation du gouvernement actuel, le ministre de la Justice a rassemblé une armée de ministres et de députés contre laquelle Netanyahu et Gallant étaient impuissants lundi

L’essence du réseau d’influence du gouvernement actuel n’avait jamais été aussi claire que lundi à 15h04, lors de la session plénière de la Knesset.
La tension était palpable chez le ministre de la Justice, Yariv Levin, et le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, suite à l’appel téléphonique reçu par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui s’est empressé de quitter la session plénière. Tout au long du vote final sur la loi visant à limiter l’usage du critère du « caractère raisonnable » pour les décisions politiques, premier étape de la refonte judiciaire à être adoptée, les deux ministres ont gardé un œil attentif sur Netanyahu, qui semblait vouloir se dérober.
C’était la deuxième fois que le Premier ministre semblait sur le point d’assouplir la législation et de parvenir à un compromis de dernière minute avec l’opposition, au mépris des deux Premiers ministres de facto assis à ses côtés.
La première fois, Netanyahu a quitté la pièce après avoir reçu une note, et Ben Gvir a rapidement envoyé Levin après lui pour l’empêcher de faire quoi que ce soit qui sorte de l’ordinaire. Ben Gvir a dit à Levin : « Va voir ce qui se passe avec lui là-bas » en lui donnant une légère tape sur l’épaule.
Levin est donc parti en mission et est rapidement revenu rapporter à Ben Gvir que tout allait bien et qu’il ne s’était rien passé. A 15h04, c’était au tour de Ben Gvir de calmer Levin.
Le Premier ministre, qui avait quitté la pièce après l’appel téléphonique, est revenu dans la salle plénière. Ben Gvir s’est rapidement approché de lui pour lui demander si quelque chose avait changé. « Rien, ne t’inquiète pas », a répondu Netanyahu. Ben Gvir s’est empressé d’annoncer la bonne nouvelle à Levin et les deux hommes ont alors souri, satisfaits. Le Premier ministre restait sous leur emprise.

Netanyahu aurait voulu retarder la loi ou parvenir à une sorte de compromis, mais il ne le peut plus. Il est désormais prisonnier du camp de Levin au sein du gouvernement et du parti d’extrême droite Ben Gvir qui, lundi, est allé jusqu’à menacer explicitement de renverser le gouvernement si la loi n’était pas adoptée et si le « bar à salades » promis à ses électeurs n’était pas servi à temps, avant les entrées de la dictature.
Le Premier ministre est aux fers. Tout le monde le sait. La députée du Likud, Tally Gotliv, le dit ouvertement. « Le Premier ministre a réalisé la puissance de la coalition et a compris qu’il ne pourrait simplement pas décider de retarder la législation », a déclaré Gotliv à Zman Yisrael, le site frère du Times of Israel en hébreu.
« Nous avons en face de nous un électorat de droite qui nous a fait confiance. Ce n’est pas un siège privé », a-t-elle poursuivi. « Je pense que pour la première fois, le Premier ministre s’est rendu compte qu’il ne pouvait d’aucune manière faire marche arrière. Il y a ici un groupe très, très fort qui veut répondre aux souhaits de ses électeurs. C’est tout ».

Levin, l’architecte de la ligne dure de la refonte judiciaire, s’est lancé lundi dans une démonstration publique de force, aux côtés de son bon ami le député Simcha Rothman, président de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice, et a piétiné tout ce qui se trouvait sur son chemin, de la Cour Suprême au ministre de la Défense. Ce dernier, Yoav Gallant, dont la responsabilité est de préserver le pays alors qu’il assiste à la dissolution de son armée de réserve, a tenté de faire adopter une version modérée du projet de loi, mais, face à Levin, il n’avait aucune chance.
Au cours des sept derniers mois, depuis son entrée en fonction, Levin a recruté huit ministres du parti au pouvoir, le Likud, qui adhèrent à ses ordres, ainsi qu’un groupe de législateurs. Face à cette armée politique, même le ministre de la Défense et l’armée israélienne n’avaient aucune chance lundi.
Il suffisait de voir Gallant exposer ses malheurs à sa collègue ex-générale, la députée Orna Barbivaï, du parti Yesh Atid de l’opposition. Par des mouvements circulaires de la main, Gallant a décrit l’imbroglio ministériel qui entoure le Premier ministre. « J’ai essayé, mais voilà la réalité », a déclaré Gallant en joignant les mains en signe de désespoir.

Les proches collaborateurs de Netanyahu ont promis lundi que la réforme était désormais chose faite, et que Netanyahu n’irait pas plus loin. La mesure prise lundi à la Knesset, à savoir endiguer le critère de raisonnabilité, était le plus petit des succès que Netanyahu pouvait apporter à la droite, et c’est ce qu’il a fait.
Netanyahu a lui-même déclaré lundi que dorénavant, les avancées législatives se feraient sur la base d’un consensus large. Les représentants de l’opposition auront toutefois du mal à s’asseoir avec lui à la Résidence du Président après les événements de lundi.
Tout le monde comprend que Netanyahu est un Premier ministre « captif ». Les centaines de milliers de manifestants qui se sont rassemblés à travers le pays lundi soir ont écouté les propos de Levin lors de son discours de clôture, et ont ignoré Netanyahu et ses promesses creuses.

« Nous avons franchi la première étape d’un processus historique », a assuré Levin depuis la tribune de la Knesset, avant de descendre et de prendre un selfie victorieux avec Rothman et tous leurs amis des partis HaTzionout HaDatit et Otzma Yehudit, partisans de la ligne dure.
Pendant près de deux heures, dimanche matin, Levin a officiellement assumé les fonctions de Premier ministre par intérim, alors que Netanyahu était sous sédatifs pour se faire poser un pacemaker. A en juger par l’aspect de la situation lundi, Levin n’a pas encore remis les clés du pouvoir à Netanyahu.
Ce texte a été publié en hébreu sur Zman Yisrael.
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