Nomination par Trump d’un rabbin controversé à un poste de développement
Le rabbin Aryeh Lightstone, lié à la droite israélienne, dirigera l'Abraham Fund, le bureau du développement au Moyen-Orient ; les Démocrates tirent la sonnette d'alarme

JTA — L’administration Trump a choisi celui qui deviendra le premier dirigeant d’un fonds américain dont l’objectif est de faire avancer la paix israélo-arabe : un rabbin de droite qui, par le passé, avait aidé à collecter des fonds pour un groupe politique israélien considéré comme tellement extrême que même des leaders éminents du mouvement pro-Israël avaient choisi de couper les liens avec lui.
Le rabbin Aryeh Lightstone, haut conseiller de David Friedman, l’ambassadeur américain en Israël, supervisera ainsi le Fonds Abraham, ont expliqué des sources à JTA.
Ce fonds est une conséquence de la signature des récents accords de normalisation – les dits « Accords d’Abraham » qui ont été conclus entre Israël, les Emirats arabes unis et Bahreïn.
L’un des tous premiers projets du fonds sera de moderniser les postes de contrôle utilisés par les Palestiniens de Cisjordanie pour entrer en Israël, ce qui, selon l’agence, facilitera leurs déplacements.
Des Démocrates du Congrès ont tiré la sonnette d’alarme suite à cette nomination, disant qu’elle représentait un nouvel exemple de « l’enfouissement » par Trump de personnalités politiques proches de sa sensibilité à des postes importants avant son départ. Dans ce cas, ont-ils estimé, la nomination lie les Etats-Unis au mouvement pro-implantations israélien, auquel le président élu Joe Biden est lui-même opposé.
Contrairement aux nominations politiques qu’un nouveau président est souvent amené à repourvoir, remplacer quelqu’un à une fonction comme celle de Lightstone nécessite un processus plus contraignant.
« Il est impossible de placer quelqu’un qui est clairement partisan dans un rôle qui a un pouvoir important en termes de prises de décision et qui utilise l’argent des contribuables dans cette partie du monde », a commenté un conseiller de la Maison Blanche qui, comme tous ceux qui ont accepté de réagir à cet article, a réclamé de conserver l’anonymat, la nomination de Lightstone n’étant pas encore officielle.
Lightstone, 40 ans, a travaillé dans des organisations à but non-lucratif juives, notamment au sein de l’Orthodox Union et du National Council for Synagogue Youth. C’est un ancien directeur de Shining Light, une entité de collecte de fonds américaine liée à la droite israélienne.
Shining Light avait ainsi donné un million de dollars à Im Tirtzu, un groupe politique qui critique âprement et depuis longtemps les activistes libéraux israéliens. Les activités d’Im Tirtzu avaient amené John Hagee, pasteur pro-israélien de droite reconnu, à rompre ses liens avec le groupe et un juge israélien avait statué que qualifier Im Tirzu de « fasciste » ne s’apparentait pas à de la diffamation.

Lightstone est proche du cercle des conseillers juifs de Trump. Il avait officié, au début de l’année, lors du mariage du haut-conseiller du président américain à l’immigration, Stephen Miller, avec Kate Waldman, aide du vice-président Mike Pence, qui avait eu lieu au Trump International Hotel.
Quand il avait été nommé à l’ambassade aux côtés de Friedman, les experts en éthique s’étaient demandé si le travail de Lightstone pour le gouvernement ne serait pas influencé par ses liens financiers.
En plus de s’inquiéter de ses orientations idéologiques, les Démocrates du Congrès sont préoccupés du manque d’expérience professionnelle de Lightstone dans le secteur du développement.
De son côté, l’administration Trump a expliqué que Lightstone, homme d’affaires qui a été impliqué dans les accords de normalisation entre Israël, les EAU, Bahreïn et le Soudan, était absolument qualifié pour le rôle. Un haut-responsable de l’administration a indiqué que le poste était celui d’un officiel capable de prendre des décisions et d’attirer les investissements et que de nombreux économistes et autres spécialistes le soutiendraient.
L’ambassade n’a pas répondu à une demande d’entretien avec Lightstone.
Les Démocrates, pour leur part, craignent que l’initiative de cette nomination par Trump ne reflète la course effrénée entamée par son administration visant à procéder à des changements qui seront compliqués à défaire pour Biden. Un responsable a dit à CNN cette semaine que, en particulier s’agissant de politique étrangère, l’objectif était d’allumer tant d’incendies que le président élu aurait des difficultés à en venir à bout.
Ces nominations à des postes-clés sont un outil de ces incendies. Ainsi, l’administration Trump a désigné Michael Ellis au poste de conseiller général de l’Agence de sécurité nationale secrète, juste après le scrutin. Ellis avait appartenu à une équipe de partisans qui avait tenté de saboter l’enquête menée par Robert Mueller sur l’influence russe au cours des élections de 2016. L’impression, parmi les Démocrates, est que Trump tenterait de mettre en place un « Etat profond » de bureaucrates idéologiques pour saper Biden.
La haute-administration américaine a nié que Lightstone, qui continuera à assumer ses fonctions auprès de l’ambassadeur, servira de boussole idéologique dans son nouveau rôle.
« C’est un type de terrain qui fait ce qu’il a à faire », a commenté l’officiel en évoquant Lightstone, un homme qui à la réputation d’être sympathique et sociable.

Le responsable a ajouté que le rôle de Lightstone avait été déterminant pour amener des entreprises américaines à investir dans des partenariats entre l’Etat juif et le Moyen-Orient, sans toutefois citer d’exemples.
Les Démocrates du Congrès, alarmés par la nomination prévue de Lightstone, ont précisé ne pas avoir de problème, de manière plus générale, avec le fonds Abraham – une extension de l’agenda que Jared Kushner, le gendre et conseiller du président américain Donald Trump, a avancé pour faire la promotion des liens commerciaux entre Israël et les pays arabes.
Ils ont néanmoins trouvé troublant que l’administration rattache le fonds à la banque de développement gouvernementale, la US International Development Finance Corp. qui, selon eux, doit travailler sans adopter une quelconque affiliation politique et idéologique de manière à conserver une efficacité dans des territoires parfois volatiles.
« Je ne comprends pas comment la sécurité aux frontières et les checkpoints pourraient dépendre de la Development Finance Corp. », s’est étonné un conseiller du Sénat. La banque a été fondée l’année dernière, combinant deux agences de développement plus anciennes – la Overseas Private Investment Corp. et la Development Credit Authority.
The Development Finance Corp. indique, sur son site internet, « établir des partenariats avec le secteur privé pour financer des solutions aux défis les plus critiques que doivent affronter aujourd’hui les pays en voie de développement. Ses investissements, continue l’autorité, « servent de forces stabilisatrices dans les pays en développement du monde entier et notamment dans certains des pays et des régions les plus défavorisés et touchés par les conflits ».
Alors qu’il lui était demandé si financer des infrastructures israéliennes en Cisjordanie n’était pas, en soi, un choix idéologique, le haut-responsable de l’administration Trump a répondu que la banque s’occupait, entre autres mandats, de politique américaine, et que la modernisation des checkpoints était actuellement conforme à cette dernière.
Un haut-responsable de l’administration a expliqué que la modernisation des postes de contrôle contribuerait à améliorer la vie des Palestiniens – et non pas, comme le disent ces derniers, à renforcer une infrastructure qui implante encore davantage la présence d’Israël en Cisjordanie.
« J’ai 200 000 Palestiniens qui entrent en Israël et qui attendent en moyenne deux à trois heures, tous les jours, aux postes de contrôle », a commenté le responsable. « Si je peux améliorer cela, et cela ne coûte pas beaucoup d’argent, et que je fais en sorte que cette attente soit réduite à 30 secondes, alors je dégage 40 000 heures de travail par jour. »
Israël a modernisé les checkpoints au cours de ces dernières années et les travailleurs palestiniens peuvent dorénavant franchir la frontière bien plus rapidement.
Dans ce nouveau rôle, Lightstone se baserait en Israël – une décision que les Démocrates ont mis en cause. La majorité des pays qui seraient impliqués dans le Fonds Abraham n’ont pas de liens avec l’Etat juif, qui est lui-même doté d’une économie robuste, moderne, et qui n’a pas besoin d’aide au développement.
En plus de l’amélioration des postes de contrôle, le Fonds Abraham – selon des membres du Congrès proches du dossier – cherche des investisseurs pour les explorations de gaz naturel en Israël.
L’officiel de l’administration Trump a indiqué que l’Etat juif entretenait des liens informels avec un grand nombre des pays ciblés par l’initiative et que les futurs projets viseraient les pays en voie de développement.