Paris luttera « sans relâche » contre l’antisémitisme, dit Macron après l’attaque à Djerba
La synagogue de la Ghriba, la plus ancienne d'Afrique, avait déjà été visée en 2002 par un attentat-suicide au camion piégé qui avait fait 21 morts
« Toujours, sans relâche, nous lutterons contre la haine antisémite », a prévenu mercredi Emmanuel Macron après l’attentat devant la synagogue de la Ghriba à Djerba, en Tunisie, qui a coûté la vie à quatre personnes dont deux fidèles juifs.
« L’attaque contre la synagogue de la Ghriba nous bouleverse. Nous pensons avec douleur aux victimes, au peuple tunisien, nos amis. Nous sommes aux côtés de la famille de notre compatriote assassiné », a ajouté le président français dans un message publié sur Twitter.
Dans un communiqué, le Consistoire « fustige cet acte aussi lâche qu’odieux, venu profaner ce moment unique de prières et d’union que partageaient des centaines de pèlerins rassemblés au sein de la synagogue ».
Le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, et le président du Consistoire central, Elie Korchia, « sont en lien avec le Ministère des Affaires étrangères pour garantir le rapatriement des corps de leurs proches au plus vite en France », a précisé le Consistoire.
De son côté, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a appelé à un rassemblement mercredi à Paris, à 17H00 GMT, au métro Belleville, « afin de rendre hommage aux victimes de cet attentat antisémite ».
Les autorités tunisiennes enquêtent pour élucider les circonstances de l’attaque menée par un gendarme ayant tué deux de ses collègues et deux fidèles devant une synagogue sur l’île de Djerba, pendant le pèlerinage juif annuel, avant d’être abattu.
La synagogue de la Ghriba, la plus ancienne d’Afrique, avait déjà été visée en 2002 par un attentat-suicide au camion piégé qui avait fait 21 morts.
« Une enquête criminelle préliminaire a été ouverte », a déclaré à l’AFP Fethi Bakkouche, porte-parole du tribunal de Médenine (sud-est), dont dépend l’île de Djerba.
L’attaque a eu lieu en deux temps alors que des centaines de fidèles participaient au pèlerinage juif annuel de la Ghriba qui touchait à sa fin mardi soir.
Un dispositif de sécurité a été déployé dans le périmètre de la synagogue, fermant toutes les routes y donnant accès, ont constaté des correspondants de l’AFP sur place.
Selon le ministère tunisien de l’Intérieur, le gendarme auteur des tirs a d’abord tué l’un de ses collègues par balle sur le port de Djerba et s’est emparé de son arme et ses munitions. Il s’est ensuite rendu aux abords de la synagogue, distante d’une quinzaine de kilomètres, où il a ouvert le feu sur les forces de l’ordre qui assuraient la sécurité du lieu, avant d’être abattu.
Deux fidèles, un Israélo-Tunisien et un Franco-tunisien ont été tués par les tirs de l’assaillant, et quatre autres ont été blessés et évacués vers un hôpital, selon les autorités.
Six gendarmes ont également été blessés par les tirs de l’assaillant. L’un d’eux a succombé à ses blessures mardi soir, selon le ministère de l’Intérieur.
Selon l’ancien ministre tunisien du Tourisme, René Trabelsi, une figure de la communauté juive tunisienne présent dans la synagogue au moment de l’attaque, les fidèles tués sont deux cousins : Aviel Haddad, un juif tunisien de 30 ans, et Benjamin Haddad, 42 ans, qui résidait en France et se trouvait à Djerba pour participer au pèlerinage.
Dans une interview (en arabe) à la radio Mosaïque FM, il a indiqué que « sans l’intervention rapide des forces de sécurité, un carnage aurait eu lieu car des centaines de visiteurs se trouvaient sur les lieux ».
Selon M. Trabelsi, l’assaillant portait son uniforme de gendarme et un gilet pare-balles.
Les Etats-Unis ont également condamné l’attaque. « Nous exprimons nos condoléances au peuple tunisien et saluons l’action rapide des forces de sécurité tunisiennes », a réagi sur Twitter Matthew Miller, le porte-parole du département d’Etat.
Selon les organisateurs, plus de 5 000 pèlerins juifs, essentiellement venus de l’étranger, ont participé cette année au pèlerinage de la Ghriba qui a repris l’année dernière après deux ans d’interruption en raison de la pandémie de Covid-19.
Organisé 33 jours après Pessah, le pèlerinage de la Ghriba est au cœur des traditions des Tunisiens de confession juive, qui ne sont plus que 1 500, majoritairement installés à Djerba, contre 100 000 avant l’indépendance en 1956.
Des pèlerins viennent aussi traditionnellement de pays européens, des Etats-Unis ou encore d’Israël, mais leur nombre a considérablement diminué après l’attentat de 2002.
L’attaque survient au moment où le tourisme enregistre une forte reprise en Tunisie après un net ralentissement pendant la pandémie. Ce secteur clef pour l’économie avait été gravement affecté après les attentats de 2015 contre le musée du Bardo à Tunis et un hôtel de la station balnéaire de Sousse, dont le bilan s’était élevé à 60 morts dont 59 touristes étrangers.
« Comme tous les autres pays, la Tunisie n’est pas épargnée de ce genre de tentatives de déstabilisation », a déclaré mercredi le ministre du Tourisme Mohamed Moez Belhassine depuis Djerba, haut lieu du tourisme en Tunisie. « Nous sommes mobilisés pour faire réussir la saison touristique ».
L’attaque survient alors que la Tunisie traverse une grave crise financière et institutionnelle qui a empiré depuis que le président Kais Saied s’est emparé des pleins pouvoirs en juillet 2021, faisant vaciller la démocratie née de la première révolte du Printemps arabe en 2011.