Partisans et opposants à la refonte prient pour l’unité au mur Occidental
À l'approche de Tisha BeAv, les organisateurs du rassemblement et de la marche qui s'ensuivra à Jérusalem demandent à tous de penser à la destruction engendrée par la discorde
Des milliers de fidèles ont participé dimanche à une prière au mur Occidental pour l’unité, organisée par des Juifs des deux bords de la refonte du système judiciaire, alors que la Knesset a commencé son débat avant un vote sur le premier projet de loi de ce paquet de réformes largement controversé.
De nombreux participants à la prière à Jérusalem, organisée conjointement par des hommes politiques et des rabbins de tous bords, ont ensuite marché du lieu saint jusqu’à un rassemblement pour l’unité devant le Musée d’Israël, près de la Knesset.
Cet événement est l’un des nombreux organisés et promus ces derniers mois pour les personnes ayant des points de vue opposés sur la refonte, afin d’encourager l’unité dans un contexte de polarisation autour du projet du gouvernement d’affaiblir considérablement le système judiciaire.
Parmi les organisateurs de la prière et du rassemblement de dimanche figuraient des rabbins modérés et des conservateurs, dont le rabbin David Stav du groupe Tzohar, ainsi que des personnalités de premier plan, dont Benny Gantz, chef du parti d’opposition HaMahane HaMamlahti et opposant au gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu et à sa réforme du système judiciaire.
« À l’approche de Tisha BeAv, nous sommes dans une situation désespérée, au bord du précipice », a déclaré Stav au Times of Israel alors qu’il se rendait au rassemblement.
Tisha BeAv est un jour de deuil pour la destruction du Temple de Jérusalem en 586 avant notre ère, puis pour son remplacement en 421 ou 423 avant notre ère. Cette date, qui est largement considérée comme un rappel de la ruine due à la désunion nationale, tombe cette année le 27 juillet.
« Dans des moments comme celui-ci, nous ne pouvons pas laisser passer une telle date sans appeler chaque Juif à se pencher sur sa signification dans le contexte actuel », a déclaré Stav.
Malka Puterkovsky, une influente professeure de Talmud qui vit dans l’implantation de Tekoa, a décrit l’événement comme « une rare source d’optimisme ces jours-ci ».
Puterkovsky a déclaré avoir été inspirée par « la diversité des participants, allant des rabbins orthodoxes aux leaders de la protestation, dont Shikma Bressler ».
Favorable à l’idée de remédier aux failles perçues dans le système judiciaire, Puterkovsky est néanmoins opposée à la refonte telle qu’elle est mise en œuvre.
« La présence de nombreuses personnes critiques à l’égard du système judiciaire montre que l’on comprend de plus en plus que le gouvernement actuel, en imposant des changements [législatifs] au système judiciaire, n’est pas la voie à suivre », a déclaré Puterkovsky.
Stav a décrit l’événement de prière comme « un appel au Tout-Puissant pour qu’il envoie la sagesse et le bon conseil à nos dirigeants afin que notre État sorte intact de cette situation ».
« Ce rassemblement nous rappelle tout ce que nous avons à perdre en cas d’échec », a déclaré Stav, qui a ajouté qu’il n’était ni pour ni contre la refonte.
Le rabbin Yaakov Medan, partisan déclaré de la réforme et directeur du prestigieux séminaire Yeshivat Har Etzion, situé dans l’implantation d’Alon Shvut en Cisjordanie, a appelé les personnes des deux camps à s’unir autour de l’événement.
« Nous nous rassemblerons pour les prières du matin devant le Tout-Puissant, laïcs et pieux, et nous prierons pour qu’Il refroidisse le feu dévorant qui ronge nos âmes », a déclaré Medan dans un communiqué avant l’événement. « Notre objectif est de dire que nous sommes nombreux, et c’est une bonne chose. Il y a deux points de vue ici, mais ce que nous partageons est plus grand que ce qui nous divise : la pérennité du peuple juif et celle de Tsahal qui nous protègent tous. »
Après la prière Shacharit shel Shabbat, qui est normalement récitée le samedi matin et qui comprend une prière pour l’État d’Israël et la fraternité entre les Juifs où qu’ils vivent, de nombreux participants ont entonné des chants, notamment « Jerusalem shel Zaav » de Naomi Shemer et « Kol HaOlam Kulo Gesher Tzar Meod » de Rabbi Nachman.
Certains des fidèles, dont beaucoup portaient des drapeaux israéliens, ont ensuite marché jusqu’au Musée d’Israël, près de la Knesset, à environ quatre kilomètres du mur Occidental.
Elad Adar, un partisan de la refonte, s’est rendu à Jérusalem pour la prière et le rassemblement depuis le kibboutz Sde Eliyahu, près de Beit Shean, dans le nord-est d’Israël, pour plaider en faveur de l’unité nationale.
« Nous devons protéger les limites de notre peuple », a déclaré Adar. « Si nous nous conduisons de manière irresponsable, il n’y aura plus rien à réformer en premier lieu. Il a brandi une pancarte sur laquelle on pouvait lire : « La nation est le véritable souverain, prenez la responsabilité de l’unité. »
La prière coïncide avec une semaine fatidique pour le débat sur la refonte avant l’entrée en congés de la Knesset le 30 juillet. Cette semaine, la Knesset doit voter sur un projet de loi qui limiterait la capacité du pouvoir judiciaire à utiliser le « caractère raisonnable » comme critère d’évaluation des pratiques et des politiques gouvernementales. Les détracteurs de cette pratique judiciaire affirment que la notion juridique du « caractère raisonnable » est censée permettre au tribunal d’examiner des questions de procédure plutôt que des questions liées à la politique, qui, selon eux, ne relèvent pas de la compétence du tribunal. Les opposants à l’idée de limiter la « raisonnabilité » affirment qu’elle supprimerait une garantie importante contre les abus de pouvoir de la part du pouvoir exécutif.
Samedi, des milliers de manifestants ont défilé à Jérusalem pour protester contre cette réforme qui, selon leurs détracteurs, compromettrait les pratiques démocratiques en soumettant le pouvoir judiciaire aux pouvoirs exécutif et législatif. Il s’agit de l’un des centaines de rassemblements qui ont eu lieu dans tout le pays au cours des derniers mois pour protester contre la refonte.
Dimanche, des milliers de manifestants favorables à la réforme on prévu de se réunir à Tel Aviv pour manifester leur soutien.
Parmi les organisateurs, les soutiens et les participants à la prière de dimanche figuraient des partisans de la réforme comme Medan, ainsi que les rabbins Yitzchak Sheilat, Ronen Shoval et Ron Shapira, aux côtés de détracteurs comme Gantz, le héros de guerre et ancien politicien Avigdor Kahalani, et Yuval Diskin, ancien chef de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet. D’autres se sont retirés, apparemment après que l’un des principaux architectes de la refonte, le député d’extrême-droite Simcha Rothman (HaTzionout HaDatit), a exprimé son mécontentement à l’égard de ce rassemblement.
Les organisateurs ont encouragé les participants à se tenir la main et à former une chaîne humaine allant du mur Occidental au Musée d’Israël.
« Cela illustrera le lien indéfectible entre le judaïsme et la démocratie », ont écrit les organisateurs dans un communiqué.
Interrogé sur sa propre position à l’égard de la réforme, Stav a déclaré que cette initiative « n’est pas suffisamment importante pour que l’on se fasse une opinion à son sujet ». Il a cité la question du « caractère raisonnable » comme exemple, affirmant que beaucoup de ceux qui l’ont étudiée « s’accordent à dire que le fait qu’elle soit adoptée ou non ne changera pas grand-chose ».
La discorde autour de la refonte « ne concerne pas du tout la réforme, dont les détails sont inconnus de la grande majorité des manifestants des deux côtés », a estimé Stav. « Ce qui est à l’origine de cette polarisation, c’est la peur : la peur que la Cour suprême dirige cet endroit comme elle l’entend et, d’autre part, la peur de vivre dans une théocratie gouvernée selon la halakha [la loi juive orthodoxe] », a déclaré Stav.
Les menaces extérieures ne maintiennent plus l’unité de la société israélienne, a-t-il ajouté, car ces menaces ne sont pas perçues comme existentielles.
« Un destin commun est donc notre seule voie vers une société viable », a déclaré Stav. Mais, a-t-il ajouté, « pour poursuivre un destin commun, nous devons entretenir la confiance et espérer des dirigeants capables d’inspirer cette confiance. Pour l’instant, nous n’avons ni l’un ni l’autre ».