Israël en guerre - Jour 368

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Interview

Pas de risque d’explosion comme à Beyrouth à Haïfa, dit Dan Shechtman

Le prix Nobel de chimie, niant que la catastrophe au Liban doive alerter les habitants de la ville portuaire, dit que les habitants de Haïfa meurent "lentement de la pollution"

Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

Les usines de la baie de Haïfa. Illustration. (Crédit : Shay Levy/Flash90
Les usines de la baie de Haïfa. Illustration. (Crédit : Shay Levy/Flash90

L’explosion survenue mardi à Beyrouth qui a fait plus de cent morts en quelques minutes et blessé des milliers de personnes, endommageant une grande partie de la ville, n’est pas envisageable en Israël, a déclaré un lauréat du prix Nobel de Chimie mercredi au Times of Israël.

« Nous ne nous attendons pas à ce qu’il y ait des explosions à Haïfa [dans le nord du pays, le plus grand site industriel de l’Etat juif] », a commenté le professeur Dan Shechtman, de l’Institut de technologie du Technion de Haïfa, qui a reçu en 2011 le prix Nobel de chimie.

« À Haïfa, les habitants meurent lentement de la pollution de l’air », a-t-il ajouté, une critique mordante de la politique environnementale mise en œuvre par le gouvernement.

Shechtman avait fait partie d’un groupe d’universitaires du Technion qui, aux côtés de l’ancien maire de la ville Yona Yahav, d’organisations à but non-lucratifs comme Zalul et de résidents avait lancé une campagne pendant plusieurs années, réussissant finalement, avec le soutien de la Haute Cour, à obliger Haifa Chemicals à vider un vaste réservoir d’ammoniaque stocké dans la zone industrielle de la baie de Haïfa.

Le secteur accueille toujours des dizaines d’usines pétrolières et de produits chimiques ainsi que des entrepôts de stockage de pétrole, de gaz et autres substances industrielles.

Une carte de la baie de Haïfa et des zones résidentielles avoisinantes. (Google Earth)

« À Beyrouth, il y avait une zone de stockage contenant des matériaux qui ont explosé avec 10 % de la force de Hiroshima », a ajouté Shechtman.

« Imaginons qu’il y ait un accident ou une guerre à Haïfa. Il y aura des incendies – et des incendies peuvent être à l’origine d’une grave pollution – mais pas des explosions, parce que le plus dangereux, ici, au niveau de l’usage civil, c’est le gaz liquide, qui est conservé à plusieurs endroits à Haïfa et à Kiryat Ata [au nord-est de la ville] ainsi qu’à Ashkelon [sur la côte du sud-est d’Israël]. Et si ces structures sont touchées, elles seront détruites par les flammes et elles entraîneront un incendie important – mais, je le rappelle, pas une explosion. »

Il a poursuivi en disant qu’à « Kiryat Ata, et probablement ailleurs également, les conteneurs sont protégés par des murs de béton plus grands que les containers eux-mêmes ».

Shechtman a noté qu’Israël avait de pleines réserves de nitrate d’ammonium – un produit largement utilisé comme fertilisant et qui est à l’origine de l’explosion qui a ravagé le port de Beyrouth après avoir été entreposé pendant plusieurs années telle, selon le lauréat du prix Nobel, une « bombe à retardement ».

« En Israël, ce produit n’est pas concentré dans un lieu particulier. Il y en a de petites quantités dans tout le pays. Pas besoin de mettre tous ses œufs dans le même panier », s’est-il exclamé.

Le vrai danger, a-t-il expliqué, est la pollution qui sévit dans la ville du nord du pays qui compte environ 900 000 habitants.

Le président Reuven Rivlin, à gauche, le président de la Fondation Wolf, Prof. Dan Shechtman, au centre, et le ministre de l’Education Naftali Bennett annoncent les lauréats du Prix Wolf, le 16 janvier 2019. (Crédit : Mark Neiman/GPO)

Shechtman a précisé qu’alors que la ville de Haïfa est adossée au massif montagneux du Carmel, « l’air chaud s’élève avec la pollution mais il ne peut pas dépasser une certaine hauteur et il produit donc une couche. Ce qui est très dangereux parce que toute la pollution est piégée sous cette couche et Haïfa est célèbre pour connaître de temps en temps ce phénomène ».

« J’ai survolé Haïfa à une occasion en hélicoptère et j’ai vu cette couche, appelée couche d’inversion, en regardant sur les côtés. Elle faisait des kilomètres de long. C’était une couche épaisse et jaunâtre qui planait au-dessus de Haïfa, qui était incroyablement sale. C’est une très mauvaise chose. »

Il y a un an, un rapport du contrôleur de l’Etat a établi que les résidents de Haïfa et des zones métropolitaines environnantes étaient tout autant exposés aux matières polluantes cancérigènes que lorsqu’un plan national avait été développé et accepté par le ministère de la Protection environnementale en 2015.

Le contrôleur avait noté qu’un rapport émis en 2014 par son bureau avait permis de découvrir que les taux de cancer, à Haïfa, étaient 15 % plus élevés que la moyenne nationale, et que la prévalence de l’asthme parmi les enfants était deux fois plus élevée que la moyenne nationale. Depuis, ce taux n’a cessé de croître, ainsi que le nombre de maladies cardiaques et respiratoires, avait-il ajouté.

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