Passe d’armes entre Netanyahu et Lapid au sujet des relations avec la Russie
Au chef du Likud affirmant que le « blabla » du gouvernement « met en danger la sécurité nationale », le cabinet du Premier ministre conseille de venir aux briefings de sécurité
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
Mardi midi, le chef du Likud, Benjamin Netanyahu, a reproché au Premier ministre et au ministre de la Défense, ses rivaux politiques, de mal gérer les relations avec Moscou, sur le point de bannir l’Agence juive de Russie.
Lors d’une conférence de presse à Tel Aviv, Netanyahu a déclaré que pendant des années « nous avons eu une relation mesurée, équilibrée et responsable » avec la Russie, mais qu’enflait actuellement « une crise dangereuse » et que le Premier ministre Yair Lapid et le ministre de la Défense Benny Gantz « babillaient » et « compromettaient la sécurité nationale ».
« Nous pouvons et devons sortir de cette crise », a-t-il assuré. « Je crains que nous assistions depuis quelques semaines à la destruction de ce que nous avons patiemment construit au fil des ans. »
Il a pointé du doigt « un mélange d’amateurisme, d’irresponsabilité et d’arrogance », appelant Lapid et Gantz à « arrêter les babillages » sur le sujet.
La Russie a envahi l’Ukraine fin février, et Lapid s’est empressé de condamner l’attaque, en sa qualité de ministre des Affaires étrangères, accusant plus tard la Russie de « crimes de guerre ».
La semaine passée, Moscou a clairement exprimé son intention d’interdire, sur sont territoire, les activités de l’Agence juive, organisme quasi-gouvernemental chargé d’encourager et faciliter l’immigration juive en Israël.
Netanyahu, qui espère retrouver son siège de Premier ministre à l’issue des élections du 1er novembre, n’a, pour sa part, jamais évoqué l’Ukraine depuis le début de l’invasion. Avant d’être démis de ses fonctions en juin dernier, l’ex-Premier ministre avait fait en sorte d’établir de bonnes relations avec le président russe Vladimir Poutine.
En réponse officielle aux propos tenus par Netanyahu, un porte-parole de Lapid a déclaré qu’il « n’y avait aucune crise », position exprimée mardi par le porte-parole personnel de Poutine.
Les raisons de la pression exercée par Moscou sur l’Agence juive ne sont pas confirmées, mais les rivaux politiques de Lapid estiment qu’elles sont liées aux propos du Premier ministre condamnant l’invasion russe.
« Si Netanyahu avait pris la peine de consulter le Premier ministre Lapid pour s’informer des questions de sécurité et de diplomatie, Netanyahu saurait exactement ce qu’il en est », a poursuivi le porte-parole de Lapid, ajoutant que « pour des raisons de sécurité, de l’État d’Israël et de la communauté juive russe, cette question devait être traitée discrètement, par les canaux gouvernementaux, et non lors de conférences de presse ».
Ces derniers mois, Netanyahu n’a pas exercé son droit d’assister aux briefings de sécurité du Premier ministre, auquel son rôle de chef de l’opposition l’autorise pourtant.
Gantz, en réponse à Netanyahu, a rapidement écrit sur Twitter que « le gouvernement israélien se conduisait avec responsabilité et détermination afin de protéger les intérêts de l’État d’Israël et du peuple juif », avant d’ajouter que « la dernière personne qualifiée pour parler de querelles inutiles sur les questions de sécurité est bien Netanyahu ».
Détenteur du record du nombre d’années en service en tant que Premier ministre d’Israël, Netanyahu a été en poste sans interruption de 2009 à 2021, et, plus brièvement, entre 1996 et 1999. Ces dernières années, il s’était personnellement investi dans le réchauffement des relations avec Poutine, notamment en établissant une coopération de sécurité pour permettre des incursions aériennes israéliennes en Syrie, où la Russie est militairement présente.
Sous la direction de Lapid et de l’ex-Premier ministre Naftali Bennett, Israël a eu à cœur de maintenir des relations diplomatiques à la fois avec l’Ukraine et la Russie, après le début des hostilités. Le gouvernement Bennett-Lapid a essuyé la critique occidentale, qui lui a reproché une trop grande neutralité, et Israël a mis deux mois pour répondre aux demandes ukrainiennes d’aide défensive, dans un effort ultime pour ne pas s’aliéner la Russie.