Pessah et le coronavirus : Les annulations se multiplient dans les hôtels casher
Alors que le virus mortel se propage, affectant les voyages à l'étranger, plusieurs programmes de l'Italie à la Thaïlande ont déjà été annulés et d'autres sont menacés
NEW YORK (JTA) – Au cours des trois dernières années, Esther Possick et son fils ont préféré éviter les tracas de passer la fête de Pessah dans leur maison de Long Island en allant dans des hôtels casher à l’étranger.
En 2017, ils ont passé leurs vacances dans la station touristique de Stresa, une ville de villégiature sur le lac Majeur dans le nord de l’Italie, non loin de la frontière suisse. L’année suivante, ils ont découvert Rimini, une ville côtière de l’Adriatique. L’année dernière, ils ont opté pour un séjour en Espagne.
Cette année, ils prévoyaient de passer leurs vacances dans un hôtel de bord de mer à Milano Marittima, une station balnéaire située à trois heures au sud-est de Milan, avec un week-end à Rome pour couronner le tout. Mais fin février, alors que Milan devenait l’épicentre de la crise du coronavirus en Europe, mettant entre parenthèses la vie de la deuxième ville la plus peuplée d’Italie, Possick a commencé à avoir des doutes.
Lundi, lorsque la compagnie aérienne de Possick a annoncé qu’elle suspendait ses vols vers Milan, Possick n’a plus hésité.
« Je n’arrêtais pas de dire, OK, ça va passer. Quelque chose va changer », a déclaré Possick à la Jewish Telegraphic Agency. « Mais ça ne semble pas changer en mieux. »
Alors que le coronavirus se répand dans le monde entier, ses effets se font sentir non seulement dans le domaine de la santé publique, mais aussi dans les affaires, l’éducation et le tourisme – et dans un sous-ensemble restreint mais significatif du monde juif : Les vacances de Pessah.
Cette fête qui dure huit jours, avec ses nombreux préparatifs de ménage et sa succession de grands repas, est devenue pour beaucoup un moment privilégié pour les escapades. L’industrie du tourisme pour Pessah est devenue une activité importante, avec plus de 170 offres de séjours casher cette année dans presque tous les coins de la planète. Les Juifs d’Israël, des États-Unis, d’Europe et d’ailleurs sont prêts à payer des sommes souvent (très) élevées pour éviter la corvée et les désagréments de la préparation de la fête.
Début mars, au moins trois programmes – deux en Italie et un en Thaïlande – ont été annulés à cause du virus. D’autres gardent un œil vigilant sur la situation.
« Ce que les clients nous disent, c’est qu’ils sont inquiets », a déclaré Doni Schwartz, qui dirige le site web PassoverListings.com, une plateforme de publicité et de consultation des programmes de séjour. « Ils ont investi beaucoup d’argent. Beaucoup d’entre eux se démènent pour trouver de nouveaux programmes aux États-Unis ».
Leisure Time Tours, un opérateur américain basé à New York, a dû annuler son programme à Rome en raison des inquiétudes suscitées par le coronavirus. La société, qui gère également des programmes à Prague, en Floride et à New York, a pu transférer certains clients vers ses autres hôtels tout en offrant un remboursement complet aux autres, a déclaré le directeur général Robert Frucher à la JTA.
L’opérateur israélien Gem Kosher a annulé son unique programme de Pessah, à Pattaya, en Thaïlande, offrant des remboursements partiels aux centaines d’invités qui avaient réservé des chambres au Renaissance Pattaya Resort & Spa, à 160 km au sud de Bangkok. Le propriétaire, Aharon Lipner, a déclaré que l’annulation avait eu un impact financier important pour son entreprise, mais qu’il n’avait pas eu le choix.
« Je ne veux pas faire courir de risques à mes clients, même à 0,0 % », a déclaré M. Lipner. « Ce virus, c’est, disons, plus que ce que les gens en savent. Il est bien pire ».
En Italie, le pays européen le plus touché jusqu’à présent par le virus, plus d’une douzaine de programmes sont prévus pour 2020. Plusieurs opérateurs ont déclaré qu’ils restaient déterminés à maintenir leurs programmes et qu’ils surveillaient de près la situation, mais d’autres ont été contraints de jeter l’éponge.
L’une d’entre elles est Belinda Netzer, propriétaire de l’hôtel My Kosher dans les Dolomites, au nord-est de l’Italie. L’hôtel était complet pendant toute la saison de ski d’hiver, et ce jusqu’à Pessah, qui commence cette année le 8 avril au soir.
Mais la grande majorité des clients de Netzer sont des Israéliens, et après l’annonce, fin février, par la compagnie aérienne nationale israélienne El Al, de l’arrêt de tous ses vols vers l’Italie, les annulations ont commencé à se multiplier. Cela a obligé Netzer à annuler le programme. Cependant, elle n’a pas annulé un autre programme qu’elle organise à Rimini, en Italie.
« J’ai l’impression de vivre en temps de guerre », a déclaré Mme Netzer. « C’est comme un tsunami mélangé à un – je ne sais quoi. C’est comme une catastrophe. C’est un sentiment vraiment terrible ».
Les voyagistes qui décident d’annuler des programmes offrent généralement un remboursement complet à leurs clients. Et les professionnels du secteur disent que même ceux qui n’ont pas annulé sont souvent enclins à rembourser ce qu’ils peuvent, ne serait-ce que pour préserver la confiance de leur clientèle.
Possick a déclaré que son organisateur, Koltuv Events, lui a offert un remboursement de 50 % et deux ans pour utiliser le reste de l’argent dans un futur programme. Le propriétaire de Koltuv, Itzhak Sakav, a déclaré à la JTA que seulement une vingtaine de personnes avaient annulé cette année et que plus de 400 personnes prévoyaient toujours de participer aux deux programmes de la société en Italie.
Toby Schwartz avait prévu de participer à un programme Koltuv en Italie, mais elle est asthmatique et sa mère est âgée, et elles ont préféré ne pas prendre de risque. En février, elles ont décidé de changer pour un séjour de Pessah en Caroline du Sud.
« Normalement, si je comptais partir en vacances, j’attendrais un peu pour voir ce qui se passe », a déclaré Mme Schwartz. « Mais étant donné que c’est Pessah, on ne veut pas se retrouver coincés sans projets. »
Pour des opérateurs comme Koltuv, qui ne gèrent qu’un ou deux programmes par an, une seule mauvaise année peut être synonyme de désastre. Ils passent généralement l’année entière à planifier la fête de Pessah, ce qui est à la fois compliqué et coûteux entre la logistique de la livraison de nourriture casher dans des lieux exotiques et les multiples exigences des voyageurs juifs traditionnellement pratiquants.
Les bénéfices ne sont souvent réalisés que sur les derniers 10 à 15 % des chambres réservées, ce qui signifie que même une petite baisse de participation peut faire toute la différence.
« Souvent dans ce secteur, ces dernières chambres peuvent faire la différence entre une perte et un profit », a déclaré Raphi Bloom, le copropriétaire de TotallyJewishTravel.com, qui prétend être le plus grand site de voyage juif sur Internet. « Gérer un programme de Pessah n’est pas bon marché pour l’opérateur. Si les gens sont hésitants à ce stade, c’est là que cela pourrait être déterminant ».