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Pour les médias arabes, Obama a trahi les Sunnites

Les Etats du Golfe sont prêts à « faire cavalier seul » contre l'Iran si nécessaire, écrit un journaliste arabe de premier plan

Elhanan Miller est notre journaliste spécialiste des affaires arabes

La rencontre entre le président américain, Barack Obama et le roi Abdallah d'Arabie Saoudite, le 28 mars 2014, en Arabie Saoudite (Crédit : SAUL LOEB / AFP)
La rencontre entre le président américain, Barack Obama et le roi Abdallah d'Arabie Saoudite, le 28 mars 2014, en Arabie Saoudite (Crédit : SAUL LOEB / AFP)

Les responsables saoudiens masquent peut-être leur consternation au sujet de l’accord-cadre sur le nucléaire conclu la semaine dernière en Suisse entre les puissances mondiales et l’Iran ; mais les médias officiels du royaume expriment haut et fort leur sentiment de trahison.

« Les Etats du Golfe – et en particulier l’Arabie Saoudite, les Emirats, le Qatar, le Koweït et Bahreïn – vivent le cauchemar de l’attaque iranienne depuis des décennies », a écrit lundi l’ex-rédacteur en chef du quotidien saoudien A-Sharq Al-Awsat, Abdul Rahman Rashed dans un éditorial intitulé « L’Iran contre l’Arabie Saoudite ».

« Maintenant, après l’accord sur le nucléaire, il ne fait aucun doute que le danger a doublé. Les gens sont en colère contre l’administration Obama qui a vendu cette région à moindre coût. Il l’a laissé seule pour faire face à un Etat du mal. »

La récente – et vague – promesse du président américain Barack Obama de défendre les frontières de l’Arabie saoudite contre une éventuelle agression iranienne exige d’être clarifiée, déclare Rashed.

« Tant que les Américains ne précisent pas explicitement leur engagement à défendre l’Arabie saoudite de l’Iran et de l’Irak, nous ferons face à une anarchie régionale à grande échelle à la suite de l’accord sur le nucléaire. Les Iraniens affirment qu’Obama est indifférent à la sécurité du Golfe et de ses alliés américains dans la région. Cette pensée iranienne mènera à plus de guerres dans la région. »

Un combattant chiite Houthi se tient en dehors de la résidence privée du président yéménite Abedrabbo Mansour Hadi dans le quartier de Khor Maksar de la ville côtière du sud du Yémen d'Aden le 2 avril 2015 (AFP PHOTO / Saleh al-Obeidi)
Un combattant chiite Houthi devant la résidence privée du président yéménite Abedrabbo Mansour Hadi, dans le quartier de Khor Maksar, à Aden, le 2 avril 2015. (AFP PHOTO / Saleh al-Obeidi)

Rashed faisait surtout allusion à l’insurrection chiite Houthi au Yémen, qui serait soutenu politiquement et financé par l’Iran. L’Arabie Saoudite est à la tête d’une coalition arabe sunnite qui mène une campagne de frappes aériennes contre les bastions houthis à travers le pays.

Frustré par ce qui est perçu comme de la faiblesse de la part de l’Amérique, Rashed a indiqué que les Arabes du Golfe pourraient « faire cavalier seul », mais cela au coût d’un prix terrible.

« L’Arabie Saoudite, ainsi que quatre Etats arabes – les Emirats, le Qatar, le Koweït et Bahreïn – sont en mesure, le cas échéant, de faire face à l’Iran. Mais une telle guerre sera très coûteuse, ce qui conduira à l’anarchie et à la destruction. Les gens sont en colère contre l’administration Obama parce le conflit a a été réduit à la question nucléaire, alors que Téhéran continue à enregistrer de nouveaux gains géographiques. Les guerres de l’Iran étaient menées en fait toujours contre les pays du Golfe ; pas contre Israël. »

L’Iran s’est effectivement enhardi, avant même la signature de l’accord, par sa seule posture dans les négociations, fait valoir en off Ghassan Charbel, le rédacteur en chef d’Al-Hayat, le journal libéral saoudien basé à Londres.

« A l’ombre de la dernière ronde de négociations sur le nucléaire, l’Iran a lancé l’attaque la plus dangereuse de son offensive régionale, à savoir la révolution Houthi, qui a atteint les frontières d’Aden et [le détroit de] Bab el-Mandeb », a écrit Charbel dans son éditorial apocalyptique intitulé « C’est une bataille régionale » publié dans le numéro de l’Al-Hayat de lundi.

« Peut-être que [l’Iran] s’est appuyé sur trois choses : d’abord, la réticence d’Obama à adopter une position ferme qui entraveraient les négociations. Deuxièmement, l’idée que la colère de l’Arabie saoudite n’atteindrait probablement pas le point où elle prendrait la décision d’entrer en guerre. Et troisièmement, le fait que la volonté de l’Egypte et de la Turquie ne correspondrait pas à celle de l’Arabie saoudite. »

(De g) La sous-secrétaire pour les Affaires politiques, Wendy Sherman, le secrétaire d'Etat américain John Kerry, le secrétaire américain de l'Énergie Ernest Moniz, Robert Malley, membre du Conseil national de sécurité des États-Unis, le sous-ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi, le chef de l'agence de l'énergie atomique Ali Akbar Salehi, le ministre iranien des Affaires étrangères Javad Zarif et Hossein Fereydoun, adjoint spécial au président iranien, assistent à une réunion à l'hôtel Beau Rivage - 29 mars 2015 à Lausanne, Suisse. (Crédit : AFP PHOTO / POOL / BRENDAN SMIALOWSKI)
La sous-secrétaire pour les Affaires politiques, Wendy Sherman, le secrétaire d’Etat américain John Kerry, le secrétaire américain de l’Énergie Ernest Moniz, Robert Malley, membre du Conseil national de sécurité des États-Unis (à g.), le sous-ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi, le chef de l’agence de l’énergie atomique Ali Akbar Salehi, le ministre iranien des Affaires étrangères Javad Zarif et Hossein Fereydoun, adjoint spécial au président iranien (à d.), assistent à une réunion à l’hôtel Beau Rivage, le 29 mars 2015 à Lausanne, en Suisse. (Crédit : AFP PHOTO / POOL / BRENDAN SMIALOWSKI)

« C’est une bataille régionale, a conclu Charbel. Il est trop tôt pour prédire la façon dont les ramifications de l’accord nucléaire affecteront [la région]. L’expérience a montré que la gestion internationale de la région fait défaut. Les acteurs régionaux peuvent obliger les grands à faire face à ces nouveaux faits. »

Un de ces acteurs régionaux, le roi d’Arabie Saoudite, le roi Salman, a rencontré dimanche à Ryad un autre acteur régional, le président de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, voisin du Nord de l’Iran et allié d’Israël. Selon un rapport cryptique publié par l’agence de presse officielle saoudienne, les deux dirigeants ont discuté des « développements dans la région et dans le monde ».

En effet, un éditorial publié lundi dans le quotidien saoudien Al-Watan a clairement démontré que l’autonomie est le nouveau nom du jeu pour les Arabes du Golfe, Arabie saoudite en tête.

« L’Amérique et l’Iran savent tous les deux que les objections du Congrès ou d’Israël contre l’accord signé sont sans valeur, dans la mesure où l’accord touche à la sécurité nationale arabe et du Golfe », écrit le chroniqueur Ahmad al-Ghaz.

« Le monde a clairement vu comment l’Iran a violé les Etats arabes, en déclarant avoir le contrôle de quatre capitales arabes, après avoir kidnappé la cause palestinienne en soutenant la fracture politique [entre le Fatah et le Hamas]. »

« Obama … a laissé ces États s’effondrer sans lever le petit doigt, en raison du slogan : ‘protéger les négociations [sur le nucléaire]’. Maintenant, les Américains demandent aux Arabes de garder le silence face à l’interférence de l’Iran dans la sécurité des nations arabes », a-t-il conclu.

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