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Analyse

Pourquoi les Haredim ont accepté un compromis sur la conscription avec des sanctions ?

Les partis Shas et Degel Hatorah auraient choisi de soutenir un projet avec des sanctions réduites pour de "gagner du temps" face aux convocations qui vont arriver sous peu, estiment les experts

Le ministre de la Défense Israel Katz (à gauche) et le chef du Shas Aryeh Deri, à la Knesset, le 31 décembre 2024. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)
Le ministre de la Défense Israel Katz (à gauche) et le chef du Shas Aryeh Deri, à la Knesset, le 31 décembre 2024. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)

Au terme de négociations marathon, les représentants des factions ultra-orthodoxes Shas et Degel Hatorah se sont mis d’accord sur une version allégée du projet de conscription des Haredim, rédigée par le député du Likud Yuli Edelstein dans la nuit de mercredi à jeudi, ce qui a permis en toute dernière minute de ne pas soumettre au vote la dissolution de la Knesset .

Ce projet a beau avoir été salué par les deux factions comme « de nature à préserver le statut des étudiants de yeshiva » – qui jusqu’à récemment étaient exemptés de tout service militaire – il est nettement plus sévère envers les réfractaires que tous les projets ou dispositions concernant les Haredim, ce qui ne l’empeche pas de s’attirer de sévères critiques de la part des réservistes comme de l’opposition.

L’ex-Premier ministre Naftali Bennett a qualifié l’accord de « coup dur pour les réservistes » qui aura pour conséquence de « limiter la conscription », et le président du parti HaDemocratim, Yair Golan, a traité Edelstein de « tigre de papier ».

« Ca ressemble à des sanctions, mais ce n’en est pas. Cela incite les jeunes ultra-orthodoxes à rester dans leur yeshiva, c’est tout », a fait valoir Golan lors d’une conférence de presse jeudi après-midi.

Un bras de fer sur les sanctions

Au cœur de cette crise qui est désormais derrière nous se trouvait la déception des dirigeants ultra-orthodoxes envers Edelstein, qui, en sa qualité de président de la puissante commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset, bloquait depuis longtemps l’adoption d’un projet de loi proposé par le gouvernement pour exclure à titre général les Haredim du service militaire.

Une version non publiée du projet de loi sur lequel travaille la commission présidée par Edelstein contiendrait une série de sanctions sévères, dont la perte des déductions foncières, le tarif réduit sur les transports en commun, la suppression des avantages fiscaux pour les femmes qui travaillent tout en étant mariées à des déserteurs, l’exclusion de la loterie du logement et la fin des aides pour la garde d’enfant ou les études.

Des étudiants ultra-orthodoxes étudient le Talmud à la yeshiva Atert Shlomo à Rishon Lezion, le 11 juin 2025. (Crédit : Shlomi Cohen/Flash90)

Cependant, afin d’empêcher la dissolution de la Knesset, Edelstein semble avoir reculé sur nombre de ses demandes.

Selon le site d’information ultra-orthodoxe Behadrei Haredim (en hébreu), le nouveau projet stipule que la loi sur la conscription sera temporaire, valide six ans voire quatre si elle ne parvient pas à atteindre ses objectifs en termes de mobilisation.

Les sanctions relatives aux aides pour les études universitaires, les déplacements internationaux ou le permis de conduire seraient immédiatement applicables, à l’exclusion d’autres sanctions, comme celles concernant les aides pour la garde d’enfant ou les transports publics.

Si le gouvernement n’atteignait pas ses objectifs de conscription dans les deux ans, des sanctions supplémentaires entreraient en vigueur, comme l’exclusion des réfractaires de la loterie du logement. Des sanctions de nature institutionnelle seraient par ailleurs imposées aux yeshivot qui ne fourniraient pas suffisamment de soldats, allant jusqu’à une baisse de 50 % de leur budget en cas de fourniture de moins de 95 % de leur objectif annuel voire de la totalité en-deçà de 75 %.

Le député du Likud Yuli Edelstein présidant une réunion de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, le 10 mars 2025. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

En vertu de ce compromis, le statut de l’ensemble des étudiants de yeshiva devrait être réexaminé depuis le début, avec pour conséquence de faire cesser les poursuites ou sanctions envers les étudiants rechignant à se présenter à la conscription malgré les nombreux ordres reçus.

Ce nouveau projet d’accord semble par ailleurs relever les objectifs de conscription nettement plus lentement qu’Edelstein ne l’exigeait jusqu’alors, pour atteindre la moitié seulement de la cohorte annuelle d’ici 2030.

Qu’y gagnent les Haredim ?

Tous les Haredim n’ont pas accepté l’accord et la faction Agudat Yisrael – qui, avec Degel Hatorah, forment le parti Yahadout HaTorah, et qui représente les Juifs hassidiques – l’ont tout simplement refusé. Mais ils restent minoritaires parmi les députés haredim à la Knesset.

Interrogé sur les raisons pour lesquelles les ultra-orthodoxes accepteraient un compromis imposant de nombreuses sanctions aux étudiants des yeshiva, Yisroel Cohen, un journaliste ultra-orthodoxe proche des partis ultra-orthodoxes, a déclaré au Times of Israel que Shas et Degel Hatorah soutenaient une version édulcorée de la proposition d’Edelstein « parce qu’ils pensent qu’il n’y a pas d’autre choix ».

Tout en rappelant que l’armée se prépare à adresser plus de 50 000 ordres de conscription aux Haredim en juillet prochain, Cohen note que, s’il venait à être adopté, ce projet de loi « remettrait à zéro » le statut de ceux qui sont mobilisés et permettrait à leurs représentants à la Knesset de « gagner du temps » pour trouver une meilleure solution.

Des députés du parti Yahadout HaTorah participent à une réunion de faction à la Knesset, le 9 juin 2025. (Chaim Goldberg/Flash90)

De leur point de vue, « une mauvaise loi » vaut mieux que pas de loi, et Shas et Degel Hatorah « savent qu’avec un autre gouvernement, ils n’obtiendront pas mieux », explique-t-il.

Le projet de loi prévoit par ailleurs le rétablissement des subventions aux yeshivot gelées en application de la décision de la Cour Suprême, l’an dernier, en vertu de laquelle les étudiants de yeshiva doivent accomplir leur service militaire. Les sanctions immédiatement applicables seraient en fait bien accueillies par de nombreux rabbins – lesquels préfèrent que leurs étudiants ne se rendent pas à l’étranger et ne fassent rien de susceptible de les distraire de leurs études, explique Yanky Faber, journaliste pour Behadrei Haredim.

« Ces sanctions ne les dérangent pas du tout », assure-t-il.

« Leur principal souci, à l’heure actuelle, porte sur le rétablissement des budgets des yeshivot ainsi que le statut de contrevenant des étudiants de yeshiva, affirme le Dr Gilad Malach, chercheur à l’Institut israélien de la démocratie spécialisé sur la communauté haredi.

Même si les Haredim n’acceptent pas réellement les termes du compromis d’Edelstein, « ils estiment qu’au moment de négocier les détails, ils pourront toujours apporter des correctifs voire refuser le contenu des clauses considérées comme trop dures. Et ensuite, dans le gouvernement suivant, une fois la guerre terminée, tout sera ouvert à d’autres changements », estime-t-il.

Perdre leur influence

Interrogé sur la raison pour laquelle l’opposition n’a pas retiré son projet de loi de dissolution de la Knesset de l’ordre du jour, mercredi, suite à l’annonce par les Haredim de leur acceptation du nouveau projet, le porte-parole du parti Yisrael Beytenu a fait valoir que cela reviendrait à « faire leur jeu » et « leur donner plus de temps pour présenter une loi sur l’exemption ».

Le chef de l’opposition Yair Lapid à la Knesset, le 12 juin 2025. (Chaim Goldberg/Flash90)

Le chef de l’opposition Yair Lapid (Yesh Atid) a tenu sensiblement les mêmes propos en expliquant, durant la nuit, aux députés que la dissolution priverait les partis haredim de la possibilité de menacer de dissoudre la Knesset lors de futures discussions sur le projet de loi.

En vertu des règles parlementaires, lorsqu’un projet de loi est refusé, les députés doivent attendre six mois avant de soumettre un autre projet de loi de dissolution.

Depuis leur vote contre la dissolution de la Knesset, les Haredim « ont nettement moins d’influence », ce qui rendra beaucoup plus difficile la présentation d’un autre projet de loi de ce type en plénière dans six mois, explique au Times of Israel Assaf Shapira, directeur du programme de réforme politique de l’Institut israélien de la démocratie.

« Tout le monde voit maintenant clairement qu’ils n’ont aucunement envie de le faire. Ils ont menacé, menacé, encore et encore, et au final, il ne s’est rien passé. Ils ont perdu toute crédibilité », poursuit-il.

Dr. Assaf Shapira, chef du programme de réforme politique de l’Institut israélien de la démocratie. (Crédit : Oded Antman)

Selon Shapira, les Haredim ont encore trois options.

La première consiste à mettre en œuvre le règlement de la Knesset stipulant qu’un projet de loi rejeté peut être réexaminer avant six mois si les circonstances changent drastiquement.

Toutefois, cela supposerait d’avoir l’appui du président de la Knesset, Amir Ohana, ce qui est loin d’être acquis.

La seconde consisterait à faire passer un « vote de défiance constructif complet, avec 61 membres de la Knesset en faveur d’un autre gouvernement » susceptible de prendre la place de l’actuel – une option peu réaliste aux yeux de Shapira, compte tenu de l’opposition actuelle envers la conscription totale des ultra-orthodoxes.

La troisième, enfin, consisterait pour les Haredim à « quitter tout simplement le gouvernement ».

« Ce serait alors un gouvernement minoritaire, mais cela ne signifierait pas pour autant que le gouvernement tomberait automatiquement », ajoute-t-il tout en précisant que les ultra-orthodoxes ont « perdu leur ultime chance de faire quoi que ce soit » pour renverser Netanyahu avant 2026.

Le fait que les Haredim n’aient plus que peu, pour ne pas dire aucune influence, n’a pas échappé à la coalition : le député du Likud Dan Illouz a écrit sur X jeudi soir qu’il « n’y a actuellement aucune menace réelle pour la stabilité du gouvernement car il n’est pas possible d’évoquer la loi pour dissoudre à nouveau la Knesset sans un changement exceptionnel de circonstances ».

« C’est précisément maintenant, alors que la pression est retombée, que le Likud doit insister pour faire adopter une loi de conscription qui soit le reflet des valeurs nationales et libérales de notre camp », conclut Illouz.

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