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Pressions pour requalifier l’assassinat du dentiste juif à San Diego en crime de haine

Mohammed Abdulkareem aurait tué le Dr. Benjamin Harouni, 28 ans ; de nombreux groupes de défense des intérêts juifs insistent pour que la police envisage le mobile antisémite

Le maire d'El Cajon s'exprimant lors d'une veillée à la mémoire du Dr. Benjamin Harouni, dentiste juif assassiné à son cabinet le 29 février 2024, à El Cajon, en Californie, le 3 mars 2024. (Crédit : Capture d'écran JTA)
Le maire d'El Cajon s'exprimant lors d'une veillée à la mémoire du Dr. Benjamin Harouni, dentiste juif assassiné à son cabinet le 29 février 2024, à El Cajon, en Californie, le 3 mars 2024. (Crédit : Capture d'écran JTA)

Le frère de Benjamin Harouni, un dentiste juif de la région de San Diego tué à son cabinet jeudi, a déclaré qu’il avait été « assassiné de sang-froid » dans un acte de haine et s’est engagé à créer une association à but non lucratif pour lutter contre la haine en sa mémoire.

La police locale n’a pas établi qu’il s’agissait d’un crime de haine, indiquant que le motif de la fusillade faisait toujours l’objet d’une enquête et que le meurtrier présumé semblait être « un ancien patient mécontent » du cabinet dentaire du Dr. Harouni.

Mais la publication de Jake Harouni sur Instagram est emblématique d’un discours qui se cristallise autour de la mort de son frère. Les Juifs et les militants pro-Israël affirment que le meurtre, qui aurait été commis par Mohammed Abdulkareem, 29 ans, était probablement un acte d’antisémitisme dans l’atmosphère tendue qui entoure la guerre entre Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas.

« Ceux qui affirment qu’il ne s’agit pas d’un crime de haine doivent revoir leur définition de la haine », a écrit Jake dans son message. « En tant qu’Américain juif perse, j’ai toujours eu peur et je me suis toujours senti vulnérable en ces périodes de haine. Maintenant qu’elle est à ma porte, elle me semble beaucoup plus réelle et urgente », a-t-il ajouté.

De nombreux groupes de défense des intérêts juifs demandent à la police locale d’enquêter pour déterminer si l’antisémitisme a joué un rôle dans l’assassinat du Dr. Harouni, et le rabbin de son enfance a déclaré lors de ses funérailles, dimanche matin, qu’il avait été « frappé par un acte de violence insensé, selon toute vraisemblance parce que Juif ».

Lors d’une veillée dimanche soir, le maire d’El Cajon, Bill Wells, a reconnu qu’il craignait que les forces de l’ordre n’occultent les motivations antisémites, mais il a promis de faire toute la lumière sur ce meurtre.

« Les gens m’ont dit qu’ils craignaient que la ville, le FBI ou tout autre responsable n’essaie d’étouffer l’affaire et de la traiter comme s’il s’agissait d’un simple crime », a déclaré Wells.

Il s’est engagé à ce que « toute la lumière soit faite sur ce qui s’est passé ».

Le meurtre du Dr. Harouni a eu lieu jeudi après-midi à Smile Plus Dentistry, le cabinet dentaire dirigé par son père, Jack. Benjamin Harouni, qui avait 28 ans, avait rejoint le cabinet après avoir obtenu son diplôme de dentiste en 2022.

Selon un compte-rendu diffusé par la police d’El Cajon vendredi matin, trois personnes ont été blessées par balle dans le cabinet peu après 16h. L’une d’entre elles, le Dr. Harouni, est décédée sur place. Le suspect s’est enfui à bord d’un camion U-Haul loué, que la police a pu associer à Abdulkareem. Lorsque la police a appréhendé ce dernier plusieurs heures plus tard, il était armé d’un pistolet qu’il avait acheté légalement il y a moins de deux semaines, a indiqué la police.

Abdulkareem est actuellement incarcéré à la prison centrale du comté de San Diego pour meurtre et tentative de meurtre. Le fichier des détenus du bureau du shérif indique qu’il a été enregistré peu après 1h du matin samedi et qu’il est d’origine « moyen-orientale ».

« Une enquête plus approfondie des faits pourrait révéler d’autres chefs d’accusation », a précisé le communiqué de la police d’El Cajon.

La famille du Dr. Harouni et un nombre croissant de voix juives et pro-Israël estiment que ces charges devraient pouvoir inclure le chef d’inculpation de crime de haine. Ils estiment que Dr. Harouni a pu être pris pour cible parce qu’il était Juif, à une période où un nombre record d’actes à caractère antisémite sont signalés.

La journaliste de droite Caroline Glick, qui vit en Israël, a qualifié Abdulkareem de « djihadiste » sans citer de preuves et a fait remarquer que le véhicule qu’il aurait loué, une camionnette blanche, était le même que celui utilisé par les terroristes du Hamas lors de l’attaque du 7 octobre contre Israël.

Le groupe terroriste palestinien a mené une attaque dévastatrice qui a tué 1 200 personnes, pour la plupart des civils. Les terroristes ont également enlevé 253 otages. Israël a réagi par une opération militaire visant à renverser et anéantir le régime du Hamas, et à libérer les otages encore retenus dans la bande de Gaza.

D’autres personnes se sont montrées plus prudentes avant de tirer des conclusions définitives sur le mobile du tueur, tout en faisant part de leurs inquiétudes.

Un communiqué annonçant la veillée a précisé qu’elle avait été « organisée par la communauté pour attirer l’attention sur la perte insensée d’une vie et pour souligner les identités de la victime et de l’auteur du crime : un Juif tué par un musulman ».

« Si le caractère antisémite de l’acte reste à démontrer, ce qui est certain c’est que la haine s’est infiltrée dans notre société et a conduit à une violence insensée comme cette tragédie », poursuit le communiqué.

Dr. Harouni a grandi à Sacramento dans une famille juive irano-américaine. Il a été diplômé de l’école Shalom, une école élémentaire juive, en 2008, selon une publication de celle-ci sur Facebook, et a célébré sa bar mitzvah à la congrégation conservatrice Mosaic Law, dont le rabbin émérite, Reuven Taff, s’est exprimé lors de ses funérailles. Le rabbin Taff a parlé de Benjamin Harouni comme d’un « être humain profondément spirituel [qui] était plus sage que son âge », ont rapporté des médias locaux.

Dr. Harouni a ensuite déménagé avec sa famille – ses parents et ses deux frères – à San Diego. Le groupe de défense pro-Israël StandWithUs a indiqué qu’il avait été boursier inaugural du groupe lorsqu’il était au lycée, avant d’étudier à l’Université de Californie du Sud (USC).

« Les médias ont rejeté la fusillade comme étant le résultat d’une instabilité mentale, comme ils le font souvent lorsque des Juifs sont victimes d’une haine meurtrière », a souligné StandWithUs sur Facebook. « Nous demandons aux forces de l’ordre d’enquêter sur cette affaire en tant que crime de haine. »

Affirmant également que la police rejette trop souvent les agressions de Juifs comme étant le fait de déséquilibrés mentaux, le groupe de veille StopAntisemitism, présent sur les réseaux sociaux, demande à ses sympathisants de faire pression sur la police d’El Cajon pour qu’elle enquête afin de déterminer si l’antisémitisme a contribué à ce crime.

« Pour l’instant, nous ne connaissons pas les motivations [d’Abdulkareem], mais je vois beaucoup de messages affirmant qu’il s’agit d’un crime de haine », a posté le militant pro-Israël Hen Mazzig. « Bien que cela ne soit pas encore confirmé, la montée de l’antisémitisme nous expose quotidiennement au risque d’une violence extrême. »

Dans un climat de peur accrue depuis que le groupe terroriste palestinien du Hamas a attaqué Israël le 7 octobre, déclenchant la guerre, deux meurtres de Juifs très médiatisés ont eu lieu aux États-Unis. Dans le premier cas, un Juif du nom de Paul Kessler est décédé à la suite d’une altercation physique lors de deux manifestations contre la guerre entre Israël et le Hamas à Thousand Oaks, en Californie, près de Los Angeles ; un homme du nom de Loay Alnaji a été inculpé d’homicide involontaire.

Un homme qui a refusé de donner son nom de famille déposant des fleurs sur le site où Paul Kessler est mort au cours d’une altercation lors d’un rassemblement en faveur d’Israël, à Thousand Oaks, en Californie, le 7 novembre 2023. (Crédit : Jacob Gurvis/JTA)

Dans l’autre affaire, le meurtre de la présidente d’une synagogue à Detroit, qui a suscité de nombreuses inquiétudes quant à une éventuelle attaque antisémite, la police a inculpé de meurtre un homme qui, selon elle, est entré au hasard dans la maison de Samantha Woll et l’a poignardée à mort. La police a souligné qu’il n’y avait aucune preuve que le meurtre ait été motivé par l’antisémitisme.

Dimanche soir, quelque 200 personnes ont participé à la veillée à la mémoire du Dr. Harouni, quelques heures après que des centaines d’autres ont assisté à ses funérailles dans la section Olam HaEmes d’El Camino Memorial Park, un cimetière de San Diego.

Un groupe d’étudiants juifs persans de l’Université de Californie du Sud, l’alma mater de Harouni, a déclaré dans un message que le meurtre présumé avait fait resurgir le traumatisme communautaire des Juifs d’origine iranienne.

« En tant que Juifs perses, nos familles ont fui la République islamique d’Iran pour que nous, leurs enfants, puissions vivre à l’abri de la violence motivée par la religion », lit-on dans le message Instagram de la communauté perse de l’USC de Hillel. « Pourtant, 45 ans plus tard aux États-Unis, nous continuons à faire face à la même haine hideuse qui a coûté la vie au Dr. Harouni. »

À mesure que le discours entourant le meurtre présumé du Dr. Harouni évolue, des organisations juives plus établies ont rectifié leurs réactions.

Vendredi, à la suite des premiers rapports sur cette affaire, le bureau de San Diego de l’Anti-Defamation League (ADL) avait exprimé sa sympathie pour la famille de Benjamin Harouni, mais avait averti que « rien n’indique que le meurtre ait été motivé par l’antisémitisme ». Le lendemain, l’ADL a publié une nouvelle déclaration disant « qu’il est essentiel que tous les motifs possibles – y compris l’antisémitisme – qui ont conduit au meurtre tragique de Benjamin Harouni fassent l’objet d’une enquête ».

La police de Detroit à proximité des lieux où la présidente de la synagogue Agree Downtown, Samantha Woll, a été retrouvée morte, à Détroit, le 21 octobre 2023. (Crédit : Sarah RICE/AFP)

Le rabbin Zalman Carlebach du Habad Loubavitch de Downtown San Diego, qui est en contact étroit avec la famille du Dr. Harouni, a déclaré vendredi à la Jewish Telegraphic Agency qu’il n’avait que peu d’informations à ce sujet.

Le nom d’Abdulkareem « est très révélateur d’une influence arabe, et le médecin est un médecin juif », a-t-il déclaré. « C’est tout ce que nous savons. »

Dans une seconde interview dimanche, Carlebach a déclaré à la JTA que des membres de la communauté l’avaient orienté vers des profils de réseaux sociaux qui, selon eux, correspondaient au suspect et montraient des preuves de son extrémisme.

Une page Facebook appartenant à un habitant de la région portant le même nom, bien qu’orthographié différemment, et qui semble avoir été admis à l’université en 2015, comprend des expressions de solidarité palestinienne ; la page n’a pas été mise à jour depuis des années et il a été impossible de vérifier qu’elle appartenait bien au suspect.

Carlebach a déclaré qu’il pensait désormais que la mort du Dr. Harouni était probablement le résultat d’un acte antisémite.

« Il est difficile de dire que ce n’est pas le cas », a déclaré le rabbin, ajoutant que « la vérité finira par éclater ».

L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.

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