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Projet de loi sur le climat adopté en première lecture, mais sans budgétisation claire

Vu comme une capitulation devant les Finances par l'opposition, ce texte permet au gouvernement de modifier objectifs, dates butoirs, et l'année de référence pour les comparaisons

Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

La ministre de l'Environnement, Idit Silman, s'exprimant lors d'un débat, à la Knesset, le 16 août 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
La ministre de l'Environnement, Idit Silman, s'exprimant lors d'un débat, à la Knesset, le 16 août 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

La Knesset a adopté mercredi en première lecture un projet de loi controversé sur le climat, avec 49 voix pour et 32 contre.

La ministre de l’Environnement, Idit Silman, a déclaré que la loi proposée « protégerait les gens, leur santé et leur bien-être, ainsi que les générations futures ».  Elle a ajouté que le projet de loi « fixe des objectifs et des programmes de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation de l’économie aux effets du dérèglement climatique ».

Ce projet de loi a toutefois été dénoncé par plusieurs groupes environnementaux et députés de l’opposition, qui y ont vu une capitulation devant le ministère des Finances, qui s’est opposé à l’ancrage de tout objectif climatique dans la loi, reportant ainsi à plusieurs reprises la présentation du projet de loi à la Knesset.

Le député de l’opposition et militant écologiste Yorai Lahav-Hertzano (Yesh Atid) a publié sur X que « le pire gouvernement pour l’environnement est en train d’adopter un projet de loi sur le climat dont le but est de tromper la population et le monde ». Il a qualifié le projet de loi comme étant un travail d’amateur, négligent, dangereux et un crime contre l’environnement, et a déclaré qu’il témoignait d’une « capitulation totale » devant le Trésor.

Le mois dernier, dans un rapport accablant sur l’incapacité des gouvernements successifs à lutter contre le dérèglement climatique, le contrôleur de l’État a noté que la résistance à l’inscription des objectifs climatiques dans la loi était motivée par la crainte de répercussions juridiques si les objectifs n’étaient pas atteints. Il a par ailleurs ajouté qu’aucun des objectifs fixés jusqu’à présent n’était susceptible de pouvoir être atteint.

Israël est une région climatiquement sensible, ce qui signifie que ses températures augmentent beaucoup plus rapidement que la moyenne mondiale.

Le contrôleur de l’État Matanyahu Englman lors de la conférence de la Fédération des autorités locales, à Tel Aviv, le 7 décembre 2022. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Il a également averti que la loi « déclarative » sur le climat en cours d’élaboration « servirait principalement à présenter Israël au monde comme ayant une loi sur le climat, rien de plus ». Le projet de loi qu’il a consulté – comme celui présenté mercredi – ne comporte aucun mécanisme garantissant une budgétisation à long terme.

« De fait, la formulation du nouveau projet de loi sur le climat [approuvé par la commission des lois en septembre 2023] accorde au gouvernement une flexibilité presque illimitée qui pourrait compromettre l’engagement d’Israël à atteindre ses objectifs « , a-t-il poursuivi.

Il s’est montré particulièrement critique à l’égard du ministère des Finances, estimant qu’il était au mieux inactif sur les questions climatiques, mais plus souvent obstructif.

En mai 2022, Tamar Zandberg (Meretz), qui était alors ministre de l’Environnement, avait fait passer en première lecture à la Knesset un projet de loi sur le climat qui visait à obtenir du gouvernement un engagement à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 27 % d’ici à 2030, par rapport au niveau de référence de 2015, et à atteindre un niveau net de zéro d’ici à 2050. (On parle de zéro net lorsque les émissions réelles sont compensées par la quantité de gaz éliminée de l’atmosphère).

La ministre de l’Environnement, Tamar Zandberg participant à une discussion sur la violence dans la société arabe, le 23 mai 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Cette proposition avait été adoptée sous le gouvernement de Naftali Bennett.

Lorsque le gouvernement de Benjamin Netanyahu est arrivé au pouvoir, le projet de loi de Zandberg a été abandonné, sous prétexte que la nouvelle ministre, Silman, prévoyait de présenter un texte plus ambitieux.

Le projet de Silman a été reporté à plusieurs reprises l’année dernière, le ministère de l’Environnement ayant tenté – en vain – de résister aux ministères de l’Énergie et des Finances, qui insistaient pour que les objectifs de réduction des émissions ne soient pas contraignants.

Le projet de loi de mercredi augmente l’objectif de réduction des émissions d’ici 2030 de 27 % à 30 %, bien que la formulation utilisée soit confuse. Il stipule qu’à partir de 2030, la quantité annuelle d’émissions ne sera « pas supérieure à 70 % » de celles émises en 2015, l’année de référence pour la comparaison.

Un paddle boarder passe devant la centrale électrique d’Orot Rabin près de Hadera, dans le centre d’Israël, le 6 novembre 2022. (Crédit : AP Photo/ Ariel Schalit)

Le projet de loi prévoit l’élaboration de plans nationaux visant à réduire les émissions et à lutter contre les effets du dérèglement climatique. Les ministères devront également élaborer des plans de préparation aux crises climatiques pour différents aspects de l’économie.

Le document prévoit également la création de divers organes consultatifs, dont un Conseil du climat, une commission indépendante d’experts et un institut de recherche sur le climat et l’environnement.

Il cherche également à rendre obligatoire l’évaluation des risques climatiques pour les différents programmes soumis à l’approbation du gouvernement ou des ministres.

Toutefois, la version actuelle du projet de loi précise que le gouvernement « peut modifier par décret les objectifs et les années fixés, ainsi que l’année de référence » en ce qui concerne les objectifs climatiques.

Ainsi, le rôle des ministères de l’Énergie et des Finances est prépondérant pour l’approbation des différents plans, et la nécessité de réaliser des analyses coûts-bénéfices, ou des évaluations des coûts économiques, sur les mesures liées au climat est fréquemment mentionnée.

Ceci permettra au gouvernement d’exempter les ministères et les entreprises de l’obligation de préparer des plans de lutte contre le dérèglement climatique.

L’organisation environnementale Adam Teva VeDin a travaillé avec les gouvernements successifs pour tenter de rédiger un projet de loi efficace sur le climat.

Amit Bracha, directeur exécutif, Adam Teva VeDin. (Crédit : Autorisation/Adam Teva VeDin)

Commentant le projet de loi de mercredi, Amit Bracha, directeur exécutif d’Adam Teva VeDin, a affirmé que « sous le titre trompeur et cynique de ‘loi sur le climat’, la ministre Silman cherche à promouvoir ses propres intérêts politiques, ainsi que les intérêts agressifs de l’industrie polluante d’Israël ».

Il a poursuivi en disant que « pour la première fois en Israël, non seulement la ministre de l’Environnement soutient une loi qui permet au gouvernement, à tout moment et sans aucun contrôle parlementaire, de réviser à la baisse les objectifs de réduction des émissions de carbone qui y sont inscrits, mais le projet de loi de Silman laisse également le dernier mot dans la validation d’un plan national de réduction des gaz à effet de serre entre les mains des ministères de l’Énergie et des Finances ».

« Outre le pouvoir illimité qui sera accordé au gouvernement pour surmonter l’objectif principal de réduction des émissions de carbone, sous le prétexte de ‘préserver et garantir les intérêts vitaux de l’État d’Israël’, le ministère des Finances sera en mesure d’arrêter tout plan national de réduction des émissions de carbone sous le prétexte de coûts élevés, sans tenir compte des coûts énormes attendus pour l’économie si l’on ne se prépare pas à faire face aux dommages liés au climat », a-t-il poursuivi.

La Société pour la protection de la nature en Israël (SPNI) a déclaré que le temps était venu pour le gouvernement de décider s’il voulait faire partie de la solution à la crise climatique ou du problème.

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