Quelle est cette « clinique du cancer » dirigée par des Juifs dont parle la série « Apple Cider Vinegar » ?
La série de Netflix repose sur l'histoire vraie de deux influenceuses du bien-être peu honnêtes et d'un institut fondé au Mexique par la fille d'un juif allemand qui a fui la Shoah

JTA — Au début de la nouvelle mini-série de Netflix « Apple Cider Vinegar », on diagnostique au personnage principal – Millie Blake – un cancer rare qui pourrait lui valoir l’amputation d’un bras.
Désespérée, en quête d’un second avis, Millie jette son dévolu sur le traitement « alternatif » proposé par l’Institut Hirsch, au Mexique. Ce centre est dirigé par la fille d’un réfugié juif qui a fui l’Allemagne nazie. Des dizaines d’années après la mort de son père, elle explique à ses patients que les autorités médicales ont tenté de discréditer les thérapies révolutionnaires de son père.
Dans ce centre, Millie (qui est interprétée par Alycia Debnam-Carey) se voit imposer un régime très strict composé de jus et de cinq lavements par jour au café. Cela semble un temps fonctionner et Millie se construit un empire médiatique sur cette conviction qu’elle a guéri du cancer sans recours à la chimiothérapie.
La série s’appuie sur une histoire vraie, celle de deux gourous du bien-être peu honnêtes et parle de l’Institut Hirsch, clinique bien réelle fondée par un Juif allemand. Dans la vraie vie, Max Gerson est devenu une icône de la communauté médicale alternative bien que ses méthodes aient été remises en cause et signalées comme dangereuses par la science qui, encore aujourd’hui, continue de mettre en garde les patients atteints de cancer contre la tentation d’y recourir.
Né en Allemagne en 1881, Gerson a étudié la médecine en Europe et obtenu son diplôme à l’Université de Fribourg. Son intérêt pour les thérapies diététiques en lien à des pathologies difficiles est très précoce car des articles de la Jewish Telegraphic Agency datant de 1929 parlent de lui comme de « l’inventeur d’un nouveau remède contre la tuberculose grâce à un régime alimentaire strict ». Gerson « a été tourné en ridicule pendant la période expérimentale de son traitement », écrivait à l’époque la JTA, mais il « a désormais une réputation qui dépasse les frontières ».
Gerson a fui l’Allemagne pour Vienne, en 1933, lorsque les nazis sont arrivés au pouvoir et ont interdit à toutes les personnes de « sang juif ou apparenté » de travailler pour l’État – y compris dans le domaine de la recherche sur le cancer, dont Hitler, hypocondriaque, avait fait une priorité. Ensuite, Gerson et les siens sont partis pour les États-Unis où il s’est adonné à la recherche sur le cancer – un domaine en plein boom à l’époque – en couplant son « régime strict » à des traitements pour le moins inhabituels.
Il dirige une clinique de cancérologie dans le nord de l’État de New York, expose ses méthodes devant le Sénat et écrit plusieurs ouvrages sur la question avant de mourir, en 1958.
Ces méthodes sont pour le moins peu orthodoxes, même pour l’époque.
Opposé à la chimiothérapie, technique qui n’en est alors qu’à ses balbutiements, Gerson se concentre sur la thérapie métabolique. Estimant que le cancer est le produit de l’alimentation et des choix de vie des patients, il pense pouvoir se débarrasser du cancer grâce à une alimentation naturelle, des jus et l’élimination des toxines du corps.
Gerson estime que les autorités médicales, intransigeantes dans leur lutte contre le « charlatanisme », veulent lui faire abandonner ses recherches. Ironiquement, l’une des icônes de cette lutte n’est autre que le Dr Morris Fishbein, rédacteur en chef juif du Journal of the American Medical Association, dont le combat incessant contre les pseudo-sciences lui a valu le surnom de « Mussolini de la médecine ».
Depuis la mort de Gerson, les dizaines d’études conduites n’ont pas permis de prouver que la thérapie métabolique, seule, était un traitement efficace contre le cancer, et les études de cas citées dans ses ouvrages sont peu convaincantes pour bien des chercheurs.
Tout ceci n’a pas empêché ses descendants de continuer à promouvoir ses méthodes, notamment à l’Institut Gerson. Fondé en 1978 par Charlotte, la fille de Max, l’institut, qui est une ONG, a son siège à San Diego, mais son centre de « traitement » se trouve de l’autre côté de la frontière, à Tijuana, là où les réglementations médicales sont moins strictes. Pendant des dizaines d’années, il fait la promotion du régime « d’hypernutrition et désintoxication » auprès de patients atteints de cancer, venus de partout dans le monde.

À la fin des années 2000, le traitement séduit Jessica Ainscough, dont l’histoire a fortement inspiré le personnage de Millie dans « Apple Cider Vinegar ». Australienne diagnostiquée à l’âge de 22 ans du sarcome épithélioïde, un cancer rarissime, Ainscough refuse le conseil de son oncologue de faire amputer son bras affecté et opte pour la thérapie Gerson. Après un semblant de réussite, Ainscough se lance dans la promotion de la méthode Gerson et se présente comme « The Wellness Warrior », qui lui vaut de devenir une célèbre influenceuse.
Lorsque l’on diagnostique à sa propre mère un cancer du sein, cette dernière refuse la chimiothérapie au profit de la méthode Gerson, ce qu’évoque également la série Netflix, avec de subtiles variations.
Dans la série, une femme âgée nommée Alma Hirsch (interprétée par Robyn Nevin) supervise les deux traitements tout en se disant que la chimiothérapie est un « poison ». Son personnage est inspiré par Charlotte Gerson, qui, dans la vraie vie, a continué à prôner les bienfaits de la thérapie Gerson contre le cancer et supervisé les opérations de l’institut familial jusqu’à sa mort, en 2019, à l’âge de 96 ans.
Les affirmations d’Ainscough au sujet de l’efficacité des méthodes de Gerson sur le cancer ne durent pas. En 2013, sa mère décéde des suites d’un cancer du sein. Ensuite, c’est sa propre santé qui se dégrade, ce qu’elle tente de dissimuler en portant des manches longues en public, pour ne pas donner à voir les symptômes du sarcome (ce qui est décrit dans la série). Lorsqu’il ne lui est plus possible de cacher la progression de la maladie, il est trop tard pour toute prise en charge médicale sérieuse.
Ainscough meurt en 2015 et Belle Gibson, influenceuse du bien-être qui a simulé un cancer et est le principal personnage de cette série, incarnée à l’écran par Kaitlyn Dever, assiste à ses obsèques, comme nous le montre la série.
L’Institut Gerson est toujours ouvert mais il prévient désormais que le traitement « a ses limites, et qu’il est impossible de garantir son efficacité pour chaque individu. La guérison est variable suivant les cas. »
Depuis la mort d’Ainscough, des professionnels de la santé ont demandé que l’Institut Gerson soit reconnu coupable.
« Aussi indignés que nous ayons pu l’être par la promotion qu’a fait Ainscough du protocole Gerson dans la vraie vie, aussi tristes soyons-nous, rappelons-nous que Jess Ainscough a elle-même été victime de la pseudo-science qu’elle a promue », a écrit le Dr David Gorski, chirurgien oncologue à l’Institut du cancer Karmanos, sur son blog Science-Based Medicine, au moment de la mort d’Ainscough.
« Maintenant qu’elle est partie, j’aimerais savoir qui sont les charlatans qui l’ont aidée et encouragée ? Qui sont les charlatans qui l’ont trompée en lui faisant croire que la thérapie Gerson allait la sauver ? »
De nos jours, l’industrie du « bien-être » – souvent empreinte d’hostilité envers les pratiques médicales établies – fraie parfois avec des tendances fascistes voires antisémites tout en bénéficiant d’une portée culturelle sans précédents.
Jeudi, Robert F. Kennedy Jr., dont la campagne anti-vaccin a consisté à la comparer avec la Shoah et à présenter la COVID-19 comme « ethniquement conçue » pour ne pas frapper les Juifs ashkénazes, a été confirmé au poste de Secrétaire à la Santé et aux Services sociaux, au sein de l’administration du président américain Donald Trump.
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