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Qui a écrit la Bible ? Un nouvel algorithme pourrait bouleverser les certitudes

Une méthode innovante analyse la répartition des mots pour clarifier l'origine des passages bibliques - y compris les récits controversés de la Genèse, de Samuel et d'Esther

La bible « Codex Sassoon » exposée chez Sotheby’s à New York, le 15 février 2023. (Crédit : Ed Jones/AFP)
La bible « Codex Sassoon » exposée chez Sotheby’s à New York, le 15 février 2023. (Crédit : Ed Jones/AFP)

Un groupe de chercheurs israéliens et des scientifiques travaillant à l’international ont utilisé un outil d’analyse informatisée de la fréquence des mots pour mettre au point une nouvelle méthode qui pourrait révéler qui a écrit et rédigé la Bible, il y a environ 2 800 ans.

Combinant un logiciel sur mesure et un algorithme qui avait été développé à des fins statistiques, cette méthodologie est dorénavant détaillée dans une étude révolutionnaire qui a été publiée mardi dans la célèbre revue scientifique PLOS ONE.

Les chercheurs ont appliqué ce nouveau système pour tenter de résoudre des débats de longue date sur la paternité de plusieurs passages controversés – notamment en ce qui concerne le Livre d’Esther, le « récit de l’Arche » qui figure dans le premier et dans le deuxième livre de Samuel, et les récits consacrés à Abraham dans le Livre de la Genèse.

Si de nombreux croyants considèrent la Bible comme le fruit d’une révélation divine, les spécialistes la voient généralement comme un assemblage sous forme de patchwork de documents et de traditions distincts qui ont été compilés et édités par la suite.

« D’après ce que je peux en juger, les textes les plus anciens de la bible ont été composés au sein du royaume d’Israël dans la première moitié du 8e siècle avant l’ère commune », indique le professeur Israel Finkelstein, directeur de l’École d’archéologie et de cultures maritimes au sein de l’université de Haïfa, qui est l’un des auteurs de l’article paru dans PLOS ONE.

« La composition des textes s’est intensifiée au 7e siècle [avant l’ère commune] en Juda, principalement à l’époque du roi Josias », déclare-t-il au Times of Israel dans un courriel. « Les derniers textes ont été rédigés vers le 2e siècle avant notre ère ».

Les datations et la manière dont les différentes parties de la Bible ont été rédigées font toutefois souvent l’objet de débats animés parmi les spécialistes.

De gauche à droite : les chercheurs Eli Piasetzky, Shira Faigenbaum-Golovin et Israel Finkelstein, parmi les auteurs d’un article publié dans PLOS ONE le 3 juin 2025, tels qu’ils apparaissent dans le documentaire « Ark of the Covenant: The Bible’s Origins » réalisé par Thierry Ragobert. (Capture d’écran)

Selon Thomas Römer, qui est un éminent spécialiste de la bible au Collège de France et qui a collaboré, lui aussi, à l’étude PLOS ONE, il est essentiel de garder à l’esprit que personne ne saurait être considéré comme l’unique auteur des textes bibliques.

« Il n’y a pas d’auteurs de la bible au sens moderne du terme », écrit Römer dans un courriel adressé au Times of Israel. « Les versions originales inscrites sur des rouleaux ont été continuellement retravaillées et réécrites par des rédacteurs qui ont ajouté, modifié et parfois même omis certaines parties qui figuraient dans les textes précédents ».

Trois écoles de rédacteurs

L’article qui a été publié dans PLOS ONE s’est concentré sur trois écoles de rédacteurs, celle du Deutéronome, celle de l’Histoire deutéronomiste et celle des Écrits sacerdotaux.

« Le Deutéronome fait référence au dernier livre de la Torah/Pentateuque », explique Römer. « Il y a un large consensus sur le fait que la première version de ce rouleau avait été écrit au 7e siècle avant l’ère commune. Le cœur de cette première version était constitué des lois qui stipulaient que le Dieu d’Israël n’avait choisi qu’un seul lieu [Jérusalem] pour le culte sacrificiel. »

Le chercheur Thomas Römer, l’un des auteurs d’un article publié dans PLOS ONE le 3 juin 2025, tel qu’il apparaît dans le documentaire « L’Arche d’Alliance : les origines de la Bible » réalisé par Thierry Ragobert. (Capture d’écran)

Les spécialistes utilisent le terme « Histoire deutéronomiste » pour décrire les livres bibliques qui couvrent l’Histoire d’Israël depuis la conquête du pays (le Livre de Josué) jusqu’à l’exil babylonien (Rois I et II).

« Les rédacteurs qui ont édité ces livres se sont inspirés du style et de l’idéologie du livre du Deutéronome », note Römer. « Cette Histoire deutéronomiste a également été rééditée à plusieurs reprises. Elle a probablement commencé à la fin du 7e siècle sous le roi Josias, puis elle a été révisée après la destruction de Jérusalem et de son temple ».

« Dans ces révisions, la catastrophe s’explique par une affirmation faite par les auteurs : celle que la majorité des rois n’ont pas respecté les lois divines du Deutéronome », fait-il remarquer.

Enfin, selon Römer, les écrits sacerdotaux incluent plusieurs textes de la Genèse, de l’Exode et du Lévitique.

Sur la terrasse de Kiriath-Jearim, un mur massif a été mis au jour à environ 15 cm sous la couche arable. Le site aurait abrité l’Arche d’Alliance (Crédit : fouilles de la famille Shmunis à Kiriath-Jearim)

« Ces textes ont été écrits pour la première fois vers l’an 520 avant l’ère commune, dans le contexte de la reconstruction du Second Temple », dit-il. « Les auteurs et les rédacteurs sacerdotaux veulent montrer l’importance des rituels et des différents types de sacrifices ». Pour ce faire, ajoute-t-il, ils les ont ancrés aux temps des patriarches bibliques – à l’origine du peuple juif.

50 chapitres tirés de neuf livres

L’étude a porté sur 50 chapitres qui ont été sélectionnés dans les neuf premiers livres de la bible hébraïque — le Pentateuque et les Prophètes anciens — avec pour objectif d’étudier les traditions littéraires distinctes.

« Dans les neuf premiers livres, il est plus facile d’identifier des blocs qui représentent différents auteurs/écoles d’auteurs et rédacteurs », déclare Finkelstein. « Pour ces livres, la recherche biblique critique a également élaboré un nombre important d’hypothèses en ce qui concerne leur composition ».

Shira Faigenbaum-Golovin, du département de mathématiques de l’université Duke, souligne que pour étudier la paternité de la bible hébraïque, l’équipe a adapté un algorithme qui analyse la distribution des mots dans les textes en anglais.

Illustration tirée de la Bible Morgan du XIIIe siècle représentant David apportant l’Arche à Jérusalem. (Crédit : Domaine public)

Une méthode qui permet de comparer deux textes et d’évaluer leur similitude.

Dans la nouvelle étude, les chercheurs ont pu déterminer si un texte biblique particulier pouvait être considéré comme suffisamment similaire à l’un des trois corpus — le Deutéronome, l’Histoire deutéronomiste et les Écrits sacerdotaux — pour avoir été compilé par le ou les mêmes auteurs.

« Nous avons pris un mot spécifique et nous avons examiné le nombre de fois où il apparaissait dans un texte », indique Faigenbaum-Golovin lors d’un entretien en visioconférence avec le Times of Israel . « Nous avons été en mesure de quantifier la distribution du mot dans le texte 1 et dans le texte 2 et nous avons pu vérifier s’ils étaient identiques. Nous avons répété le même processus pour plusieurs mots, ceux qui apparaissaient dans les deux textes et ceux qui n’apparaissaient que dans l’un d’eux ».

« Finalement, nous avons compilé un dictionnaire complet de mots pour chaque corpus », ajoute-t-elle. « De cette façon, nous avons pu mesurer les similarités dans la distribution des mots qui reflétaient l’auteur qui se trouvait derrière les textes ».

Un manuscrit enluminé du rouleau d’Esther ; encre et pigment sur parchemin de Ferrare, Italie, vers 1615. (Crédit : Ardon Bar-Hama)

Les chercheurs ont ainsi découvert comment les mots Elohim (l’un des noms de Dieu) et lo (qui signifie « non » en hébreu) pouvaient être considérés comme caractéristiques du corpus de textes du Deutéronome. Selon l’étude, l’Histoire deutéronomiste utilise également très fréquemment ces deux mots, en plus de melech (roi) et asher (qui). Enfin, les spécialistes ont découvert que zahav (or) était un mot caractéristique du corpus des Écrits sacerdotaux.

Après avoir créé le dictionnaire des termes relatifs aux trois écoles – avec environ 1 447 termes uniques (594 dans le Deutéronome, 821 dans l’Histoire deutéronomiste et 846 dans les écrits sacerdotaux, avec quelques chevauchements) – les chercheurs ont testé à nouveau leur méthodologie analytique sur les 50 chapitres.

« Dans 84 % des cas, l’attribution automatique a coïncidé avec les évaluations faites par les spécialistes de la Bible », écrivent les chercheurs dans leur article. Ils notent que la précision de la méthodologie a été plus élevée pour les textes longs que pour les textes courts et que cinq des huit erreurs de classification ont concerné le Deutéronome et l’Histoire deutéronomiste, qui présentent des similitudes plus étroites.

Livres orphelins ou contestés

Dans la deuxième partie de l’étude, les chercheurs ont appliqué leur modèle à d’autres textes bibliques dont l’origine est contestée par les spécialistes.

« Un résultat très intéressant porte sur une question historique et littéraire relative au récit de l’Arche », soulignent Finkelstein et Römer.

Lea Havelock, conservatrice à la Bibliothèque britannique, manipule le plus long rouleau de la collection hébraïque : un rouleau de la Torah du XVIe siècle (Autorisation : British Library)

Selon la Bible, à l’époque du grand prêtre Éli, la corruption généralisée qui régnait parmi les dirigeants d’Israël avait provoqué la colère de Dieu. Lorsque les Israélites avaient affronté les Philistins au combat, ils avaient essuyé non seulement une défaite cuisante, perdant des dizaines de milliers d’hommes, mais ils avaient également vu l’Arche d’Alliance tomber entre les mains de l’ennemi. L’Arche n’avait été restituée qu’après que Dieu a effrayé chaque ville philistine qui la détenait (I Samuel 4-7:1). Plus tard, le deuxième livre de Samuel devait raconter comment le roi David avait cherché à ramener l’Arche de Kiryat Yearim à Jérusalem (Deuxième livre de Samuel, 6).

« La majorité des chercheurs pensent que le récit de Samuel I et celui de Samuel II appartiennent à la même histoire, tandis qu’une minorité considère le premier comme un récit indépendant à l’origine, qui a ensuite été développé par le second », notent les chercheurs. « Notre analyse a révélé que c’est la minorité qui avait raison : le livre II de Samuel, verset 6, est écrit dans un style différent et avec un vocabulaire différent de celui du premier livre, verset 4:1-7:1 ».

Les chercheurs ont également analysé d’autres parties de la bible hébraïque, notamment certains récits sur Abraham (par exemple, lorsqu’il avait mené des batailles contre des rois locaux pour sauver son neveu Lot dans le livre de la Genèse, 14-15) et qui, selon les universitaires, auraient été écrits après le reste de la Genèse. Ils ont également examiné le Livre d’Esther, qui raconte l’histoire de la reine juive persane et – une histoire qui, selon les universitaires, avait été écrit pendant la période hellénistique ( de l’an 333 à l’an 63 avant l’ère commune).

La bible « Codex Sassoon » exposée chez Sotheby’s à New York, le 15 février 2023. (Crédit : Ed Jones/AFP)

Dans les deux cas, les chercheurs ont découvert que ces textes ne sont très probablement associés à aucune des trois écoles d’écrivains, confirmant ainsi les évaluations précédentes qui avaient été faites par les spécialistes.

« Cette étude est importante tant pour les spécialistes de la Bible que pour ceux de l’Israël antique », dit Finkelstein, « car elle pourrait permettre de replacer les textes controversés dans leur contexte littéraire et historique approprié. »

Les chercheurs affirment être impatients de pouvoir continuer à utiliser leur modèle sur d’autres parties de la bible.

« De nombreuses questions restent en suspens concernant les livres prophétiques, ainsi que les dernières révisions du Pentateuque », fait remarquer Römer. « Cette méthode va grandement nous aider à atteindre des résultats plus objectifs ».

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