Rabat « refuse » la normalisation avec Israël – Premier ministre marocain
Avant la visite de Kushner, le Maroc met un terme aux rumeurs disant qu'il pourrait améliorer les liens avec Israël, craignant "d'encourager la maltraitance des Palestiniens
Le Premier ministre marocain Saad-Eddine El Othmani a nié, dimanche, que cette nation d’Afrique du nord normaliserait rapidement ses liens avec Israël, alors que des rumeurs ont laissé entendre que Rabat pourrait être le prochain pays arabe à signer un accord avec Jérusalem.
« Nous refusons toute normalisation avec l’entité sioniste parce que cela l’encouragera à contrevenir encore davantage aux droits des Palestiniens », a dit El Otami à son parti islamiste du PJD, selon l’agence de presse Reuters.
Ces propos sont survenus avant un voyage prévu en Israël, au Maroc et dans plusieurs Etats du Golfe qu’effectuera, cette semaine, le haut-conseiller du président américain Donald Trump qui est également son gendre, Jared Kushner. Il sera précédé dans la région par le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo.
Pompeo a atterri en Israël lundi matin et il devrait aussi se rendre au Soudan, à Bahreïn et aux Emirats arabes unis, cette semaine, alors que l’administration Trump cherche à capitaliser l’élan transmis par cet accord historique entre Israël et les Emirats arabes unis pour établir des relations diplomatiques.
La semaine dernière, les médias en hébreu ont fait savoir que le Maroc serait probablement l’un des prochains Etats arabes à normaliser ses liens diplomatiques avec Israël.
Citant des responsables anonymes américains, la chaîne publique Kan a indiqué que le Maroc était considéré comme un candidat probable dans la mesure où il avait déjà développé des liens touristiques et commerciaux avec Israël. La chaîne a aussi cité la protection apportée à sa petite communauté juive par ce pays nord-africain.
L’établissement de liens diplomatiques officiels avec Israël pourrait aussi améliorer les relations du Maroc avec les Etats-Unis. La chaîne a déclaré qu’en échange de cette normalisation, Rabat chercherait à faire reconnaître par la Maison-Blanche sa souveraineté sur le Sahara occidental disputé.
Le Maroc a occupé de larges pans du Sahara occidental en 1975, alors que l’Espagne s’était retirée de la zone, et avait ensuite annexé le territoire – une initiative qui n’avait pas été reconnue à l’international.
Le Maroc est considéré comme un allié des Etats-Unis, et cela fait longtemps qu’il entretient des liens informels mais étroits avec Israël dans le domaine des renseignements.
Même si les pays n’ont pas de relations officielles, le Maroc a accueilli de hauts-responsables israéliens et les Israéliens ont le droit de s’y rendre. Environ 3 000 Juifs vivent au Maroc, une fraction du nombre de Juifs qui vivaient là-bas avant la création d’Israël, en 1948 – cette communauté reste néanmoins la plus importante du monde arabe.
En plus du Maroc, le Bahreïn, le Soudan et Oman ont également été cités comme nations susceptibles de suivre les EAU dans l’établissement de relations avec Israël. Le Bahreïn et Oman ont tous les deux salué l’annonce de la normalisation des liens entre Jérusalem et Abu Dhabi.
Pompeo évoquera les relations entre Israël et le Soudan lorsqu’il rencontrera des leaders soudanais au cours de son voyage au Moyen-Orient cette semaine, a noté le département d’Etat dimanche.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a indiqué, dimanche soir, qu’il accueillerait Pompeo lundi, et qu’il avait la certitude que d’autres pays emboîteraient rapidement le pas aux Emirats arabes unis et qu’ils feraient la paix avec Israël. Sa doctrine de longue haleine « la paix pour la paix… la paix issue de la force », a-t-il continué, commence à « porter ses fruits ».
« Au Soudan, le secrétaire rencontrera le Premier ministre Abdalla Hamdock et le général Abdel Fattah al-Burhan, président du conseil souverain, pour évoquer le soutien continu apporté par les Etats-Unis au gouvernement de transition dirigé par les civils et son soutien à l’approfondissement des relations entre Israël et le Soudan », a indiqué un communiqué émis par le département d’Etat.
La visite de Pompeo à Khartoum survient dans un contexte de signaux croissants indiquant que le Soudan et Israël avancent vers une amélioration des liens.
Au cours du week-end, un journal arabe a indiqué que le chef du Mossad, Yossi Cohen, avait récemment rencontré Mohammed Hamdan Dagalo, chef adjoint du conseil militaire au pouvoir au Soudan, lors d’une rencontre organisée et accueillie par les Emirats arabes unis. Des sources proches de cette rencontre ont indiqué au média qatari Al-Araby Al-Jadeed sur le conseil militaire s’intéressait à améliorer ses relations avec l’Etat juif.
La semaine dernière également, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères du Soudan, Haidar Badawi Sadiq, a déclaré à Sky News Arabia que Khartoum « aspire à un accord de paix avec Israël… une relation égalitaire construite sur les intérêts de Khartoum ».
Ces propos, qui ont été prononcés mardi dernier, ont été rapidement salués par Jérusalem. Mais quelques heures plus tard, le ministre des Affaires étrangères soudanais a nié avoir connaissance de négociations de paix avec Israël, ajoutant que Sadiq n’avait pas eu l’autorisation de s’exprimer sur le sujet. Le porte-parole a été renvoyé mercredi suite à cet incident, mais il a noté ne pas avoir regretté d’avoir eu ces paroles.
D’Israël, Pompeo s’envolera vers le Soudan et, de là, vers Bahreïn pour une rencontre avec le prince héritier Salman bin Hamad Al Khalifa. Puis il ira à Abu Dhabi pour s’y entretenir avec le ministre des Affaires étrangères Abdullah bin Zayed Al Nahyan au sujet de l’accord entre l’Etat juif et les Emirats et autres questions régionales, selon le département d’Etat.
Pompeo sera suivi à la fin de la semaine dans un grand nombre de ces destinations par Kushner, ont expliqué les diplomates.
Kushner et son équipe devraient aller en Israël, à Bahreïn, en Arabie saoudite et au Maroc au cours de leur voyage qui devrait commencer à la fin de la semaine, selon des diplomates qui se sont exprimés sous couvert d’anonymat, l’itinéraire n’ayant pas été finalisé ou annoncé en public.
Ni les voyages de Pompeo et de Kushner ne devraient résulter en des annonces de percées immédiates, mais les deux ont pour objectif de construire sur la réussite de l’accord entre Israël et les EAU pour finaliser au moins un – et potentiellement plus – accord de normalisation entre les pays arabes et Israël dans un proche avenir.
Cet accord est le troisième qui ait été conclu entre l’Etat juif et un pays arabe après l’Egypte (1979) et la Jordanie (1994).