Raid de l’armée sur un “camp de liberté” construit par des militants juifs en Cisjordanie
L’armée, accusée d’avoir agressé les militants, affirme que les structures illégales érigées pour un village palestinien sont dans une zone militaire fermée
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Les soldats israéliens sont intervenus samedi soir un campement de protestation situé dans les collines du sud de Hébron, en Cisjordanie, affrontant un groupe de militants, majoritairement juifs américains, qui avait érigé le campement la veille.
Selon les militants, quelque 25 soldats sont arrivés au « Camp de la liberté Sumud », qu’ils avaient érigé dans l’espoir de rétablir le village palestinien de Sarura, proche de l’avant-poste israélien de Havat Maon. Les autorités israéliennes ont indiqué qu’ils avaient monté des « structures illégales » dans la zone sans autorisation.
Quelque 10 familles palestiniennes vivaient dans des grottes de Sarura, mais ont été expulsées quand l’armée a déclaré la zone militaire fermée en 1999. L’évacuation a marqué le début d’une bataille judicaire qui n’est toujours pas achevée.
Alors que 300 militants étaient présents au premier jour du camp, ils n’étaient que 90 quand l’armée est arrivée samedi soir. Parmi eux se trouvaient environ 60 Juifs américains, canadiens, européens et australiens, ainsi que 20 Palestiniens et 10 Israéliens, selon le Centre pour la non violence juive, l’un des organisateurs de la manifestation.
Les militants ont déclaré qu’un groupe de soldats les avaient poussés et frappés, en plus d’avoir proféré des menaces verbales, enlevé le générateur d’électricité du camp et déchiré trois tentes.
Malgré de nombreuses demandes, les soldats n’ont pas présenté d’ordre d’expulsion, selon les manifestants.
Des vidéos ont montré les soldats demandant que les militants partent et les menaçant avec du gaz poivré, et les manifestants s’asseoir et se prendre les bras pour former une chaîne humaine.
« Allez-vous arrêter des membres de la communauté juive américaine ? Nous sommes contre tout ce que vous faites ici », dit l’un des militants aux soldats.
Après environ 45 minutes, les soldats ont quitté la zone sans faire aucune arrestation. Les militants sont restés sur le camp pour la nuit, selon le Centre pour la non violence juive.
Dimanche matin, les militants ont commencé à reconstruire le camp, et indiqué que d’autres personnes devaient rejoindre le groupe plus tard.
Le Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), une unité du ministère de la Défense, a déclaré que l’armée avait « saisi plusieurs structures illégales près de la Ferme Maon [parce qu’]elles ont été érigées sans les permis nécessaires […]. L’avant-poste a été établi dans une zone de tir (918), où il existe des risques importants, et il est par conséquent interdit d’y entrer. »
Répondant aux accusations d’agressions des soldats, un porte-parole du COGAT a déclaré que « les manifestants ont tenté de perturber physiquement les forces afin de contrecarrer l’exécution [de l’ordre militaire]. Les soldats ont agi conformément aux procédures. »
Le militant palestinien Antwan Saca a déclaré que même si l’armée avait présenté un ordre d’évacuation, le groupe ne l’aurait probablement pas respecté. « Nous n’avons pas construit un nouveau village, a-t-il dit. C’était un village évacué. Nous sommes venus protester, sans violence et pacifiquement. »
« Ce n’est pas l’armée qui agit en Israël, mais dans les territoires. Ce n’est pas une gouvernance légitime », a-t-il ajouté.
Pour expliquer le nom du camp, Saca, qui habite à Bethléem, a dit que « sumud signifie persévérance en arabe. Nous sommes persévérants dans notre approche non violente pour mettre fin au conflit, même si ce n’est pas facile. »
Il a également comparé ce combat à celui des Indiens d’Amérique de la réserve indienne de Standing Rock, aux Etats-Unis. Ils ont fait les gros titres l’année dernière pour protester contre la construction d’un pipeline pétrolier qui passerait près de leur réserve, à la frontière entre le Dakota du Nord et le Dakota du Sud.
« Comme ce qui est arrivé à Standing Rock, nous protestons pour notre droit à rester sur cette terre », a-t-il dit.
Les militants font partie d’une coalition dirigée par le Centre pour la non violence juive, qui comprend des membres des Comités de résistance populaire des collines du sud de Hébron, Youth Against Settlements, Holy Land Trust, Combatants for Peace et All That’s Left: Anti-Occupation Collective.
Le camp Sumud était le point d’orgue d’une semaine d’actions de solidarité avec les Palestiniens. Des militants se sont portés bénévoles à Umm al-Kheir, à Sussiya, à Hébron, et dans le quartier Issawiya de Jérusalem Est pour nettoyer et jardiner.
A leur arrivée dans les collines du sud de Hébron vendredi, les militants, dont certains portaient des T-shirts violets avec la phrase « l’occupation n’est pas mon judaïsme », ont nettoyé et marqué les routes, nettoyé les grottes, commencé à réparer les puits, et érigé deux grandes tentes.
Vendredi soir, les membres se sont relayés pour surveiller le camp pour donner aux militants juifs et musulmans la possibilité de prier.
Un drone les a survolés, mais il n’y a pas eu de contact direct avec des Israéliens habitant en Cisjordanie ou les autorités israéliennes avant samedi soir, a indiqué le Centre pour la non violence juive.
Répondant aux évènements du week-end, Yochai Damari, président du Conseil régional de Har Hébron, a déclaré que les militants étaient des « bellicistes ».
« Ils agissent de manière opposée aux lois de l’Etat d’Israël quand ils construisent une structure sans permis dans une zone militaire fermée », a-t-il dit.
« Les arabes sur le mont Hébron ont une bonne qualité de vie et une bonne sécurité. Non loin de là, des centaines de milliers sont assassinés en Syrie et dans d’autres pays arabes, mais les voix de ces organisations de ‘paix’ restent silencieuses », a dit Damari.
Il a poursuivi en saluant les relations « excellentes » entre les habitants israéliens et palestiniens des collines du sud de Hébron. « Malheureusement, les organisations d’extrême-gauche et les anarchistes qui ne vivent pas ici essaient de détruire avec toute leur puissance la bonne coopération que nous avons avec nos voisins. »