Redoine Faïd, le « braqueur écrivain », roi de l’évasion
Certaines sources policières affirment qu'il a appris au contact d'anciens militaires en Israël, où il s'était réfugié durant une cavale et où il rêvait de s'installer un jour
Pro du braquage de fourgons et roi de l’évasion, Redoine Faïd, 46 ans, est une figure du grand banditisme français, un temps devenue une tête d’affiche des médias, lorsqu’il se disait repenti.
Sa dernière évasion, dimanche matin de la prison de Réau (Seine-et-Marne) en hélicoptère, est encore digne du cinéma d’action, dont il est un fervent amateur.
L’opération, qui s’est déroulée vers 11H30, a duré « quelques minutes » et n’a fait ni blessé ni otage, a-t-on appris auprès de l’administration pénitentiaire (AP), qui a confirmé une information de France 3.
« Un commando armé s’est posé dans la cour d’honneur du centre pénitentiaire sud-francilien à Réau, alors que le détenu se trouvait au parloir », a ajouté l’AP.
De source proche du dossier, on précise que l’évasion s’est faite « avec trois complices » et que l’hélicoptère a été retrouvé à Gonesse (Val-d’Oise), à une soixantaine de km de la prison. « Un dispositif de recherche a été activé dans toute l’Ile-de-France », a-t-on ajouté.
Selon une source policière, le pilote de l’hélicoptère a été pris en otage par les complices de Redoine Faïd. En état de choc, il a été transporté à l’hôpital quand il a été récupéré à Gonesse.
L’hélicoptère serait parti de Fontenay-Trésigny (Seine-et-Marne), selon une source proche de l’enquête. Une fois l’appareil posé dans la cour d’honneur de la prison, dépourvue de filets, « deux individus armés sont descendus munis de disqueuses » et ils ont « lâché des fumigènes dans la cour », a raconté à l’AFP Martial Delabroye, secrétaire FO du centre pénitentiaire.
Les deux hommes, « habillés de noir, portant des cagoules et des brassards de police » et équipés de « fusil d’assaut de type kalachnikov, ont découpé une porte menant via un chemin de service au parloir » où Faïd se trouvait avec l’un de ses frères, a ajouté le représentant syndical.
L’hélicoptère, de type Alouette, de couleur beige, s’est posé dans une zone de bureaux et d’entrepôts à Gonesse, a constaté une journaliste de l’AFP. Il a fait l’objet d’une tentative de mise à feu qui n’aurait pas fonctionné, avec une vitre gondolée par la chaleur et un habitacle noirci.
Faïd et ses complices auraient ensuite emprunté une voiture qui « a été retrouvée incendiée sur le parking P1 du centre commercial O’Parinor », à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), « au milieu des autres voitures en stationnement », a-t-on indiqué de source policière. Dans l’après-midi, la police scientifique inspectait le véhicule, une Mégane noire, a constaté la journaliste de l’AFP.
La police judiciaire a été saisie et « tous les moyens sont mobilisés pour localiser le fugitif », a indiqué le ministère de l’Intérieur. Les unités territoriales de la police et de la gendarmerie « ont été immédiatement alertées des faits » et « des dispositifs coordonnées de contrôle et d’interception sont mis en place, qui tiennent compte de la dangerosité du fugitif et de ses possibles complices »
En avril 2009, à la Cinémathèque de Paris, il rencontre Michael Mann, le réalisateur du film « Heat » dans lequel un policier incarné par Al Pacino pourchasse un braqueur à l’explosif, que joue Robert De Niro.
Dans la salle, avec son air malicieux que lui connaissent ceux qui l’ont approché, il y avait Redoine Faïd, qui venait de sortir de prison pour des attaques de fourgons et se disait « rangé ». « Vous avez été mon conseiller technique », avait-il dit au cinéaste, interloqué.
Par la suite, dans son autobiographie – qui lui a valu le surnom de « l’écrivain » chez les policiers – comme aux journalistes, il avait raconté que le film, qu’il a vu des dizaines de fois, l’avait inspiré pour sa série de braquages de fourgons blindés.
Il avait étudié le fonctionnement des héros du film, appris qu’il faut aller au braquage avec minutie, « pas trop nombreux ». Et grimé, comme De Niro.
Né dans une famille nombreuse de Creil (Oise), dans une cité HLM, il commet son premier larcin à 6 ans, en sortant un caddie de supermarché rempli de confiseries.
La « vocation », disait-il, est venue à 12 ans : il sera voleur. De la petite délinquance, il franchit rapidement les étapes en gagnant le surnom, par la police, de « terreur de Creil ».
« Il a côtoyé et fait partie de ce caïdat de cités HLM, cette nouvelle génération de voyous qui ont inventé les go-fast, vécu sur l’argent et le trafic de drogues », racontait il y a quelques années un policier. « Lui s’est spécialisé dans les fourgons car il aimait l’adrénaline et voulait ressembler aux plus grands qui ont snobé ou été dépassés par ces types dangereux et fêlés ».
Multiples condamnations
En janvier 2011, il était apparu dans un reportage où des « caïds de cités » se flattaient d’en remontrer aux voyous « à l’ancienne ». Fanfaronnant face caméra, il expliquait que braquer un fourgon, « c’est le top du top ».
Certaines sources policières affirment qu’il a appris au contact d’anciens militaires en Israël, un pays où il s’était réfugié durant une première cavale et où il rêvait de s’installer un jour. Il s’était fondu dans le décor, allant jusqu’à porter la kippa.
La période où il se disait repenti, en 2010, lui a valu de nombreuses sollicitations des médias, y compris à la télévision, alors qu’il se disait cadre commercial.
Sa réputation, il la doit aussi à ses spectaculaires évasions. Avant celle de dimanche, il s’était évadé le 13 avril 2013 en moins d’une demi-heure de la prison de Lille-Sequedin, en prenant quatre surveillants en otages, qu’il avait utilisés ensuite comme boucliers humains.
Il avait fait exploser cinq portes au plastic, puis avait été récupéré en voiture par un complice. Sa cavale avait duré quelques semaines, avant qu’il ne soit interpellé fin mai 2013.
Selon un surveillant de prison qui l’a fréquenté récemment à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), « c’est quelqu’un qui n’est jamais en conflit avec le personnel, mais dont il faut toujours se méfier. Dans un coin de sa tête, il n’a jamais perdu l’idée de s’évader. Derrière ses bonnes manières – c’est quelqu’un de très poli -, il cachait toujours son jeu ».
Redoine Faïd a été condamné deux fois aux assises en 2017 : à 10 ans de réclusion pour son évasion de la prison de Lille-Sequedin et à 18 ans de prison pour l’attaque d’un fourgon blindé dans le Pas-de-Calais en 2011. Il a fait appel de ces deux condamnations.
Dans le cadre de l’enquête sur la fusillade qui avait coûté la vie à la policière municipale Aurélie Fouquet en mai 2010 à Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne), il avait été arrêté après avoir échappé de peu à une série d’interpellations.
En avril dernier, il a été condamné en appel à 25 ans de réclusion criminelle dans ce dossier, en étant considéré comme « l’organisateur » d’une véritable « opération de guerre » qui aurait dû mener au braquage d’un fourgon blindé.