Rencontre entre le Premier ministre et la présidente de la Cour suprême
Netanyahu et Esther Hayut - qui avait vivement critiqué ce dernier pour les réformes escomptées - ont recommandé un dialogue "respectueux" entre la Knesset et le système judiciaire

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a eu un entretien-surprise, mardi soir, avec la présidente de la Cour suprême Esther Hayut à son bureau de Jérusalem. Cette dernière l’avait vivement critiqué, il y a deux jours – et pour la seconde fois en deux semaines – pour ses initiatives imminentes visant à étouffer le système judiciaire de l’Etat et à accorder l’immunité au Premier ministre face aux poursuites.
Netanyahu et sa formation du Likud prévoient d’adopter une législation dite « de contournement », qui ôterait à la Cour la capacité de rejeter des lois adoptées à la Knesset et les décisions gouvernementales et parlementaires qu’elle considère comme inconstitutionnelles.
L’adoption d’une telle « loi de contournement » entraînerait ce qui a été qualifié de plus important changement constitutionnel de toute l’histoire d’Israël, avec un impact potentiellement grave sur les contre-pouvoirs qui se trouvent au coeur de la démocratie du pays en empêchant la Cour d’assurer sa mission de protection des minorités israéliennes et de défendre les droits de l’Homme.
Elle signifierait également et surtout que les magistrats ne pourraient pas renverser une immunité approuvée à la Knesset en faveur de Netanyahu.
Le Premier ministre doit répondre d’accusations – sous réserve d’une audience – de fraude et d’abus de confiance dans trois dossiers de corruption et de pots-de-vin dans l’un d’entre eux. Il nie toute malversation et clame être la victime d’une chasse aux sorcières ayant pour objectif de le déchoir de ses fonctions.
Le bureau du Premier ministre a fait savoir mardi que c’est Netanyahu qui a initié cette rencontre avec Hayut et son adjoint, le juge Hanan Melcer.
Selon les médias en hébreu, le Premier ministre aurait demandé à ce qu’elle ait lieu dans l’après-midi de mardi, ce qui indique qu’elle a été arrangée à la hâte.
« Tous les trois ont noté l’importance d’un dialogue substantiel et respectueux entre les autorités », a noté le communiqué du bureau du Premier ministre.
Hayut et Melcer « ont souligné l’importance de maintenir l’indépendance de l’autorité judiciaire », a-t-il continué. « Le Premier ministre Netanyahu a souligné la nécessité d’un équilibre entre les autorités pendant le dialogue ».

Lundi, s’exprimant lors d’une conférence de l’Association du barreau israélien à Eilat, Hayut avait tout d’abord cité le passage d’un discours prononcé il y a un an et demi lors de la cérémonie de sa prestation de serment, au mois d’octobre 2017.
« Une chose qui ne change pas – et qui ne devrait pas changer – est la nécessité d’un tribunal fort, indépendant, honnête et impartial. Cela n’a pas changé, et cela ne changera pas non plus », avait déclaré Netanyahu à l’époque.
Dans le même discours, avait dit Hayut, le Premier ministre avait appelé à « un dialogue ouvert et honorable, en plus de jeter des ponts entre les autorités [législatives et judiciaires] par une approche équilibrée et le respect mutuel ».
Après avoir cité ses propos, la juge en chef s’était ensuite adressée directement à Netanyahu.
« Depuis cette cérémonie à la Résidence du Président, un an et demi s’est écoulé, et je me demande : Qu’est-ce qui a changé pendant cette période ? Y a-t-il eu des événements depuis lors qui justifient un écart par rapport à ces principes importants ? A mon avis, la réponse à cette question est non » », avait-elle clamé.

Le respect des principes énoncés par Netanyahu il y a moins de deux ans « est l’une des plus importantes garanties de l’existence de la vie démocratique dans l’Etat d’Israël », avait-elle ajouté.
C’était la deuxième fois ce mois-ci que Hayut passait à l’offensive contre les attaques contre le corps judiciaire qu’elle dirige.
Il y a deux semaines, dans un discours prononcé à Nuremberg, en Allemagne, elle avait évoqué la prise de pouvoir de l’Allemagne par les Nazis dans les années 1930. Se référant aux lois de Nuremberg de 1935, Hayut avait déclaré que, dans la ville même où elle s’exprimait, « le droit et la justice ont atteint l’un des points les plus bas de l’histoire de l’humanité », dans le pays qui avait « l’une des constitutions les plus progressistes pour protéger les droits et libertés humains : la Constitution de Weimar ».
« L’histoire ne se répète pas », avait-elle dit lors d’un événement organisé par l’Association des avocats allemands israéliens, « mais elle nous donne l’occasion d’en tirer des enseignements et nous permet de voir des modèles et de juger par nous-mêmes ».
Jacob Magid a contribué à cet article.