Israël en guerre - Jour 626

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AnalyseLorsqu’il s’agit de tolérance religieuse, Astana et Bakou sont à des années lumières de Ryad et de Doha

Retour sur le voyage de Netanyahu en Asie

Son voyage au Kazakhstan et en Azerbaïdjan montre l’exemple de possibles relations cordiales avec des pays peuplés par des Musulmans, mais les 2 pays ont une approche assez atypique de l’islam

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le président azéri Ilham Aliyev au Palais Zagulba de Baku, en Azerbaïdjan, le 13 décembre 2016. (Crédit : GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le président azéri Ilham Aliyev au Palais Zagulba de Baku, en Azerbaïdjan, le 13 décembre 2016. (Crédit : GPO)

ASTANA, Kazakhstan – Le Premier ministre s’est adressé à la communauté juive mardi, dans les locaux de l’école gérée par le mouvement Habad, il a évoqué le souvenir de sa rencontre avec le Rabbi de Loubavitch il y a 32 ans.

« Vous entrez dans une maison obscure, et rappelez-vous que si vous allumez une bougie de vérité, elle diffusera une lumière précieuse qui sera visible de loin », rapporte Netanyahu en citant le Rabbi, lorsqu’il a pris le poste d’ambassadeur d’Israël aux Nations unies. « Et depuis, j’essaye de faire ce que le Rabbi dit. »

Netanyahu a également dit qu’il avait été ému de voir les jeunes filles et garçons de la chorale de l’école juive, qui ont accueilli leur invité venu de Terre sainte au son de « Chalom Ale’hem », « Hava Naguila » et d’un chant folklorique azéri.

« Mais il y a autre chose qui m’émeut », a-t-il poursuivi en montrant du doigt les drapeaux israéliens et azerbaïdjanais sur l’estrade. L’un a l’étoile de David, l’autre flanqué du croissant de lune musulman. « Regardez ces deux drapeaux. C’est ce que nous voulons montrer au monde, c’est comme cela que ça peut, et doit, se passer », a déclaré Netanyahu. « C’est l’inverse, tout l’inverse de l’obscurité. Cette lumière, c’est cette lumière qui annule l’obscurité. »

Durant son voyage historique en Azerbaïdjan et au Kazakhstan, deux pays musulmans, l’un chiite, l’autre sunnite, c’est le message que le Premier ministre a voulu véhiculer : ne serait-ce pas fabuleux que les musulmans et les juifs, Israël et le monde arabe s’entendent ?

« Je ne vais pas nier mes doubles intentions », a-t-il dit aux journalistes mercredi soir, a la fin de son voyage de deux jours. Bien qu’il soit réellement intéressé à doper le commerce et les relations avec ces pays, il souhaitait également montrer aux pays arabes modérés qu’il est possible pour les pays musulmans et Israël d’entretenir des relations solides et ouvertes, a-t-il expliqué.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et sa femme Sara avec la chorale d'enfants à Or Avner, complexe scolaire juif à Baku, en Azerbaïdjan, le 13 décembre 2016. (Crédit : Haim Zach/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et sa femme Sara avec la chorale d’enfants à Or Avner, complexe scolaire juif à Baku, en Azerbaïdjan, le 13 décembre 2016. (Crédit : Haim Zach/GPO)

Depuis plusieurs années, Netanyahu parle sans cesse de la façon dont certains voisins arabes d’Israël perçoivent l’État hébreu, non pas comme un ennemi mais comme un « allié indispensable » dans la lutte contre l’islam radical sunnite et l’agressivité grandissante de l’Iran chiite. Mais pour le moment, ces relations sont restées clandestines.

En effet, les pays dont parle Netanyahu n’ont pas officiellement changé de ton au sujet de régime sioniste. (Des signes de rapprochement timides peuvent être décelés, notamment des rencontres entre politiciens israéliens et saoudiens, mais la majorité du monde arabe continue à percevoir Israël comme un état ennemi.)

À Bakou et à Astana, Netanyahu a réitéré, à maintes et maintes reprises, que l’amitié manifeste entre les deux pays et l’État hébreu devrait servir d’exemple à suivre pour les autres pays. Il semblait parfois que ses mots étaient davantage dirigés vers Ryad, ou d’autres capitales du Golfe que vers son auditoire en Azerbaïdjan et au Kazakhstan.

« Nous observons un changement dans de nombreux endroits du monde musulman, et particulièrement dans le monde arabe », a déclaré Netanyahu mardi au Zagulba Palace de Bakou, à l’occasion de sa rencontre avec le président Ilham Aliyev.

« Mais je pense que s’ils veulent voir ce que l’avenir nous réserve, ils devraient venir en Azerbaïdjan et voir l’amitié et les partenariats entre Israël et l’Azerbaïdjan. C’est une bonne chose pour nos deux pays et nos deux peuples, mais c’est également une bonne chose pour la région et pour le reste du monde. »

Les drapeaux d'Israël et de l'Azerbaïdjan au palais présidentiel de Baku, juste avant la rencontre en Netanyahu et le président azéri Ilham Aliyev, le 13 décembre 2016. (Crédit : Raphael Ahren/Times of Israel)
Les drapeaux d’Israël et de l’Azerbaïdjan au palais présidentiel de Baku, juste avant la rencontre en Netanyahu et le président azéri Ilham Aliyev, le 13 décembre 2016. (Crédit : Raphael Ahren/Times of Israel)

Mercredi, au splendide palais présidentiel Akorda, à Astana, il a repris le même discours, quasiment textuellement. Cherchant évidemment à se faire entendre du monde arabe, il a souligné – exagérément pour certains – son message en déclarant que « cet exemple de coopération musulmane-juive devrait se refléter sur le monde entier ».

Il a ajouté que le monde arabe est en mouvement, et que les relations entre Israël et le Kazakhstan font « partie de ce grand changement que le monde attend ».

(Dans la presse israélienne, la visite de Netanyahu n’a suscité que peu d’attention, il s’est amèrement plaint dans une publication Facebook, demandant à ses lecteurs de répandre l’information.)

Le premier ministre Benjamin Netanyahu et les rabbins Habad à la Grande synagogue d'Astana, le 14 décembre 2016. (Crédit : Haim Zach/GPO)
Le premier ministre Benjamin Netanyahu et les rabbins Habad à la Grande synagogue d’Astana, le 14 décembre 2016. (Crédit : Haim Zach/GPO)

Netanyahu n’a épargné personne de son enthousiasme pour cette nouvelle interaction. Lors d’une conférence pour les hommes d’affaires israéliens et kazakhs, il a déclaré que « la grande amitié » qui lie Israël et le Kazakhstan est un « message de bienvenue à toute l’humanité » et un exemple pour la région et pour le monde sur la façon dont les choses peuvent, et vont, se passer ».

Même à la Grande synagogue d’Astana, où une photo de son entretien avec le Rabbi de Loubavitch a été agrandie et accrochée, Netanyahu a décrit élogieusement le Kazakhstan comme « un pays musulman respectueux d’Israël… et qui est un modèle de ce qui devrait, et pourrait, se passer dans notre région également. »

Netanyahu a reconnu que les pays arabes ne reconnaîtront pas Israël du jour au lendemain, « mais il est évident qu’il y a une tendance », a-t-il déclaré à la presse à Astana. Mais, a-t-il insisté la coopération avec d’autres pays musulmans « finira par constituer une masse conséquente ».

Le changement viendra

Ils sont peut-être des acteurs importants sur le plan régional, mais quelle influence Bakou et Astana ont-ils réellement dans le monde arabe ?

Les dirigeants des deux pays ont annoncé leur intention de renforcer leur liens avec Israël et ont souligné leur amitié à l’égard des juifs, mais se sont abstenus de s’engager publiquement à aider Jérusalem à établir le dialogue avec le monde arabe.

Selon Michael Brodsky, ambassadeur israélien au Kazakhstan, le changement viendra progressivement, mais il viendra. « Je crois qu’indirectement, [la visite de Netanyahu] influencera les dispositions du monde arabe à établir des relations plus ouvertes avec Israël », a-t-il déclaré au Times of Israel. « Il n’y a aucune honte à développer des relations qui soient normales, ouvertes et qui profitent à tous. Après tout, nous partageons des intérêts communs et faisons face à des menaces communes. »

Brenda Shaffer, professeure israélienne à l’université de Georgetown, au Centre d’Études eurasiennes, russes et est-européennes, a déclaré que la visite de Netanyahu crée une « légitimité générale pour les pays à majorité musulmane et pour les musulmans eux-mêmes à avoir des relations avec Israël. »

Mais elle note d’autre part, l’Azerbaïdjan et le Kazakhstan et d’autres pays d’Asie centrale sont exceptionnels dans le mesure où ils pratiquent la séparation de l’Église et de l’État. Bakou, par exemple, interdit le port du hijab à l’école. « De nos jours, peu de pays à majorité musulmane pratiquent cette séparation », dit-elle.

L’ambassadeur kazakh en Israël, Doulat Kuanyshev, a déclaré au Times of Israel : « Nous ne sommes pas un pays musulman, nous sommes d’abord un pays laïc ».

L'ambassadeur du Kazakhstan en Israël, Doulat Kuanyshev (Crédit : Raphael Ahren/TOI)
L’ambassadeur du Kazakhstan en Israël, Doulat Kuanyshev (Crédit : Raphael Ahren/TOI)

Les deux pays dans lesquels s’est rendu Netanyahu se veulent être des défenseurs de la coexistence ethnique et religieuse. L’Azerbaïdjan a récemment déclaré une « année de multi-culturalisme » et le Kazakhstan est « le leader » dans l’organisation d’événements dans lesquels personnalités religieuses iraniennes et israéliennes « s’assoient côte à côte à la même table », décrit Kuanyshev.

On ne peut pas en dire autant de l’Arabie saoudite ni des autres pays arabes avec lesquels Netanyahu voudrait entrer en contact ou l’officialiser.

Le Kazakhstan est principalement intéressé par le progrès économique, et non pas par l’exportation de sa tolérance dans le reste du monde arabe, explique Kuanyshev. « Nous ne voulons pas imposer notre exemple ni notre modèle », dit-il. Nous faisons ce que nous avons à faire, et qui sait, « peut-être d’autres choisiront de nous imiter ». Ou pas. Lorsqu’il s’agit de tolérance religieuse, Astana et Bakou sont à des années lumières de Ryad ou de Doha.

Ce qui différencie également ces pays qui ont publiquement accueilli Israël et ceux qui l’évitent publiquent, c’est bien évidemment la question palestinienne. Dans une demi-douzaine d’événements publics organisés à Bakou et en Azerbaïdjan, le sujet n’était tout simplement pas abordé.

Les mots « solution à deux États » ou « implantations » n’étaient pas prononcés. Les pays qu’a visité Netanyahu sont intéressés par la technologie israélienne, par l’expertise anti-terrorisme mais se fichent pas mal de ce que fait Israël au Moyen-Orient.

Les États arabes qui l’intéressent sont également portés sur les mêmes choses, mais sont engagés, du moins sur le papier, aux côtés des Palestiniens, et il est donc peu probable qu’ils coopèrent tant que la situation de leurs frères palestiniens n’est pas prise en charge.

De nombreux dirigeants arabes ne se soucient guère de la Palestine, mais ils craignent que l’opinion publique de leur pays ne leur permette pas de se rallier à Israël tant que le conflit israélo-palestinien n’est pas résolu.

Pour toutes les amitiés renforcées par ce voyage, Netanyahu devra probablement attendre un moment avant de voir les révolutions qu’il espère. Et aucun Premier ministre israélien ne posera dans un futur plus ou moins proche avec les enfants de la chorale de l’école juive d’un pays du monde arabe hostile.

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