Roumanie : Hommage inédit aux Juifs victimes du pogrom de 1941
Le chargé du gouvernement pour la mémoire de la Shoah a souligné le "devoir de vérité et de justice pour qu'une telle tragédie ne se répète pas", à la cérémonie avec les survivants
La Roumanie, qui a longtemps nié sa participation à la Shoah, a rendu hommage mercredi aux Juifs victimes du pogrom de 1941, lors d’une commémoration inédite au Parlement symbolisant le travail de mémoire accompli ces dernières années.
« Nous devons le reconnaître: notre passé n’a pas toujours été glorieux », a déclaré le Premier ministre Florin Citu, évoquant « les souffrances inimaginables, la cruauté, la sauvagerie ».
Le massacre, perpétré sur ordre du maréchal pro-nazi Ion Antonescu à Iasi (nord-est), avait fait près de 15 000 morts, soit un tiers de la population juive de l’époque de cette grande ville universitaire.
Le dirigeant a souligné le « devoir de vérité et de justice pour qu’une telle tragédie ne se répète pas », à l’occasion de la cérémonie à laquelle assistaient les tout derniers survivants ainsi que des ministres et diplomates.
« En commémorant ce massacre, le pire de l’histoire moderne de la Roumanie, le Parlement jette les bases de la réconciliation », avait auparavant estimé dans un communiqué le représentant du gouvernement pour la mémoire de l’Holocauste, Alexandru Muraru.
Après avoir minimisé pendant des années le rôle du régime Antonescu dans la Shoah, la Roumanie a endossé en 2005 les conclusions d’une commission internationale d’historiens dirigée par le prix Nobel de la Paix Elie Wiesel.
Selon ce rapport, entre 280 000 et 380 000 Juifs roumains et ukrainiens sont morts sous Antonescu dans les territoires contrôlés par la Roumanie.
Le maréchal, condamné à mort pour crimes de guerre et exécuté en 1946, demeure pourtant un « héros » aux yeux de nombreux Roumains et plusieurs rues portent toujours son nom.
« Nous n’avons pas entièrement rempli notre mission », a déploré mercredi le responsable de la communauté juive de Roumanie, Silviu Vexler, évoquant les « éloges à des criminels de guerre ».
Le parti d’extrême droite AUR, qui a fait son entrée au Parlement à l’issue des élections de décembre, affirme ouvertement « vénérer » des membres du gouvernement Antonescu.
Le 29 juin 1941, un « dimanche noir », des milliers de Juifs ont été conduits à la préfecture de police les mains en l’air, frappés et humiliés par des gendarmes roumains et des civils. Une fois sur place, ils furent fauchés par les balles des militaires.
Les survivants, entre 7 000 et 8 000, furent entassés dans des « trains de la mort » – des wagons de marchandise dont les orifices avaient été bouchés. Sans eau par une chaleur atroce, la plupart sont morts asphyxiés.
Mardi, environ 200 personnes avaient déposé des fleurs sur les fosses communes des cimetières de Iasi et de deux villages avoisinants où sont enterrées une partie des victimes.