Coulant à flot, le sang rejeté des abattoirs évoque la première plaie biblique
Alors que la demande de viande de poulet atteint des sommets pour Pessah et le Ramadan, les effluents de Cisjordanie se déversent dans un affluent du fleuve Alexandre en Israël

Déjà confronté à la pandémie de coronavirus, il est apparu mardi qu’Israël était également frappé par un autre fléau biblique : l’eau de l’un des ruisseaux qui alimentent le fleuve Alexander, tant aimé, situé dans le centre d’Israël, s’est mise à couler d’une couleur rouge sang – littéralement.
La cause n’était pas le premier fléau familier de la Haggadah de Pessah, mais plutôt le sang, les plumes et d’autres parties du corps de volailles abattues qui se sont écoulés librement dans le Yad Hanna – un des nombreux affluents de l’Alexander – depuis un ou plusieurs abattoirs palestiniens de la ville de Tulkarem, dans le nord de la Cisjordanie.
Mardi, la Société pour la protection de la nature en Israël a diffusé un clip vidéo de cette eau sanglante et a demandé au ministre de la Protection de l’environnement Ze’ev Elkin de s’occuper de la question.
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À cette époque de l’année, les abattoirs de Tulkarem font des heures supplémentaires pour fournir de la viande de poulet aux Israéliens qui célèbrent Pessah, qui se termine le 15 avril, et aux musulmans, qui doivent commencer la fête du Ramadan le 23 avril.
Le sang et les autres restes des volailles abattues ont atteint le ruisseau le plus proche du côté palestinien, après quoi l’eau polluée a coulé vers l’ouest, franchissant la ligne verte et aboutissant à la station d’épuration de Yad Hanna du côté israélien, où les détritus bloquent les filets des écluses.
Alon Heyman, directeur général de l’Emek Hefer Economic Development Corporation, qui exploite l’usine de Yad Hanna pour le compte du conseil régional d’Emek Hefer, a expliqué que, lorsque le filet est bouché, l’eau polluée s’écoule simplement par-dessus, et continue dans le fleuve Alexander, qui se jette dans la mer Méditerranée à Beit Yannai, au nord de Netanya.
« Nous avons un capteur qui nous indique si l’eau a franchi les portes, mais il est déjà trop tard. Nous essayons d’enlever tout ce que nous pouvons aussi vite que possible », explique-t-il.
Comme il n’est pas certain que les détritus proviennent uniquement de l’abattoir palestinien clairement visible du côté israélien de la barrière de sécurité, il est difficile de déterminer la source du problème.

De plus, avec autant d’organismes impliqués – le ministère israélien de la Protection de l’environnement, l’Autorité israélienne des eaux, l’administration civile, la Coordination des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT) et l’Autorité palestinienne, pour n’en citer que cinq – il est facile pour l’un de faire porter le chapeau à l’autre.
Pollution tout au long de l’année
La station d’épuration de Yad Hanna a été créée il y a 20 ans, en tant que solution temporaire de cinq ans, pour traiter les eaux usées de la partie ouest de la ville de Naplouse en Cisjordanie et de diverses communautés voisines.
Il y a environ sept ans, le gouvernement allemand a commencé la construction d’une installation moderne de traitement des eaux usées à Naplouse, financée par ses soins.
Cette installation est censée traiter à la fois les eaux usées domestiques et les déchets industriels, ces derniers comprenant le limon fin issu des entreprises de taille de pierre, le sel des fabricants de tehina, les graisses des fermes laitières, les déchets des abattoirs, les huiles des moulins de pressage d’olives, les produits chimiques des usines de jeans, etc.

L’eau traitée de l’usine descend vers Tulkarem et traverse ensuite la Ligne verte, pour arriver à Yad Hanna.
Le problème, selon M. Heyman, est que plutôt que d’entreprendre un processus coûteux d’enlèvement des boues pour les transférer et les enterrer ailleurs, les employés de l’usine de traitement de Naplouse se contentent d’ouvrir les vannes et de laisser tout cela couler le long du cours d’eau de Naplouse, reversant les problèmes à Yad Hanna.
Le sang se dilue lorsqu’il se déverse dans le fleuve Alexander. D’autres solides et matières comme le pétrole sont beaucoup plus difficiles à éliminer.
Yad Hanna a été construit pour traiter 6 000 mètres-cubes d’effluents par jour provenant de la zone occidentale de Naplouse. Aujourd’hui, l’usine, que M. Heyman décrit comme « primitive », reçoit 20 000 mètres-cubes par jour.
Les discussions sur le remplacement de cette vieille installation par une plus moderne durent depuis des années, à tel point que, frustré par le manque de progrès significatifs, le conseil régional d’Emek Hefer a saisi la Cour suprême en 2017. Il a ensuite retiré sa requête après que le gouvernement a garanti les fonds nécessaires à la construction d’une nouvelle usine. Les travaux de conception ont commencé, mais ont ensuite été interrompus.
« C’est seulement quand nous crions que quelqu’un fait quelque chose », déplore le Dr Ran Farhi, coordinateur professionnel de l’Autorité Sharon des rivières et de drainage, une société statutaire indépendante. « Personne ne coordonne les choses de notre côté. »
Il indique que les problèmes de pollution de l’eau sont observés « 24h/24, 7j/7 », mais que chaque saison présente ses propres caractéristiques.
« La production d’huile d’olive dure de septembre à novembre. Pendant cette période, toutes les eaux usées des moulins à huile sont rejetées dans le cours d’eau, soit parce que l’usine de traitement palestinienne ne les enlève pas et les laisse s’écouler vers l’usine de Yad Hanna, qui n’a aucun moyen de les traiter, soit parce que tous les pressoirs à olives ne sont pas reliés à l’installation de traitement de Naplouse. C’est très toxique et cela prive l’eau d’oxygène. »

« Le lisier pénètre dans le fleuve Alexander, où il empoisonne les poissons et autres animaux sauvages. Chaque année, des photos apparaissent, et les habitants d’Emek Hefer protestent, se demandant ce que font les responsables et pourquoi cela continue.
« Ensuite, il y a Pessah, Pâques et le Ramadan, lorsque les abattoirs sont au plus fort de la production de viande de poulet, suivis de la fête [musulmane] du Sacrifice [en juillet], lorsque les familles abattent des chèvres, des moutons et du bétail à la maison ou dans la rue. Là où il n’y a pas de système d’égout, le sang est simplement rejeté dans la rivière. »

« Les tailleurs de pierre utilisent de l’eau pour refroidir les scies, alors la poussière de pierre entre dans le ruisseau et se combine avec d’autres déchets pour créer une boue toxique qui ressemble à de la tehina », a poursuivi Farhi. « Lorsque le débit est faible, les centrifugeuses de Yad Hanna peuvent s’en occuper, mais lorsqu’il est plus fort, en cas de pluies torrentielles et d’inondations, il passe par-dessus le barrage et se déverse dans la rivière. C’est avant de mentionner les autres déchets – des cadavres d’animaux à des morceaux de voitures – qui finissent dans les vallées du côté palestinien et finissent par tomber dans les ruisseaux. »
L’Autorité Sharon des rivières et de drainage doit alors lutter auprès de l’unité chargée du traitement des eaux usées au sein de l’Autorité de l’eau pour obtenir des fonds afin de draguer les flux de boues industrielles avant qu’ils n’atteignent la rivière, a fait valoir Farhi.

« Nous devons enlever le lisier chaque été, avant les pluies d’hiver », indique M. Farhi. À la question de savoir ce qui se passerait s’il n’était pas enlevé, il a répondu qu’il pourrait bloquer les cours d’eau. « Venez le sentir », ajoute-t-il.
« Chacun dit que l’autre est responsable, et les habitants d’Emek Hefer souffrent », poursuit M. Farhi. « Depuis 25 ans et avec plus de 100 millions de shekels (un peu moins de 25 millions d’euros) investis par nous, le conseil régional et d’autres partenaires, nous essayons de nettoyer le fleuve Alexander, mais ce problème nous empêche d’y parvenir. »
Selon le site web du ministère de la Protection de l’environnement, la mise en place et le fonctionnement des stations d’épuration des eaux usées relèvent de la responsabilité des conseils locaux et des sociétés de distribution d’eau et d’assainissement, tandis que la supervision, l’inspection et l’application de la réglementation relèvent du ministère.
Le fleuve Alexander abrite des tortues à carapace molle, des chaus, des nutriments et diverses espèces d’oiseaux aquatiques, et fait partie d’un parc national très apprécié des visiteurs.
Le parc est actuellement fermé au public en raison de l’épidémie de coronavirus.
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