Israël en guerre - Jour 563

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Sans eau, la première ville planifiée palestinienne reste vide

L’AP refuse de convoquer la commission mixte des Eaux, arguant que cela bénéficierait aussi aux implantations

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Une vue de la nouvelle ville palestinienne en construction le 23 février 2014. (Crédit : Hadas Parush/Flash 90)
Une vue de la nouvelle ville palestinienne en construction le 23 février 2014. (Crédit : Hadas Parush/Flash 90)

Il y a un an la construction des 700 premiers logements de la première ville palestinienne planifiée, Rawabi, au nord de Ramallah, a été achevée. Mais aucun des propriétaires des appartements n’ont emménagé dans leurs maisons achetées dans la ville nouvellement construite car elle n’a pas accès à l’eau.

Pourquoi ? Il semblerait que le gouvernement israélien retarde la connexion de la ville à un pipeline d’eau. Pourquoi ? C’est difficile à expliquer.

Au premier abord et en toute logique, peupler rapidement la ville de Rawabi serait bénéfique pour tout le monde : les Palestiniens et les Israéliens, même ceux à droite et les résidents des implantations.

Et l’explication est simple : c’est une ville construite sur des standards élevés comparés à n’importe quelle autre ville de Cisjordanie, et même à certaines villes d’Israël.

Et au moins en théorie, les Palestiniens qui emménageraient dans cette ville ne voudraient pas prendre part à un conflit armé contre Israël, et encore moins à une Intifada.

Cette ville créera, et a déjà créé des milliers d’emplois qui, à nouveau, écarteront les travailleurs du cycle de la violence.

Par conséquent, plus les Palestiniens y emménageront et prendront part à tous les projets ultérieurs, moins le danger est grand qu’un conflit généralisé n’éclate en Cisjordanie.

Pour les Palestiniens qui ont déjà acheté des appartements dans la ville, il est clair que leur déménagement à Rawabi améliorera leur niveau de vie et leur sera bénéfique économiquement.

Évidemment, cependant, certains décideurs israéliens ne le voient pas de cette façon.

Pendant de nombreuses années, le ministre de la Défense Moshe Yaalon a reporté l’approbation de connecter Rawabi à l’eau, car il voulait que la commission israélo-palestinienne mixte de l’eau approuve l’arrivée d’eau de la ville ainsi que pour plusieurs autres implantations.

Le but était de réglementer le secteur de l’eau israélo-palestinien d’une manière à ce qu’il ne provoque pas de problèmes politiques à l’avenir pour Israël.

Les Palestiniens n’étaient pas en faveur d’une telle démarche. A leurs yeux, la convocation de la commission (dirigée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu) est un moyen d’obtenir, par l’intermédiaire de l’Autorité palestinienne et Rawabi, de la légitimité pour la répartition de l’eau dans les implantations.

La nouvelle ville de Rawabi en construction le 23 février 2014 (Crédit : Hadas Parush/Flash 90)
La nouvelle ville de Rawabi en construction le 23 février 2014 (Crédit : Hadas Parush/Flash 90)

Le ministre de la Défense a finalement été convaincu de la nécessité de peupler la ville, et il y a trois semaines, il a unilatéralement approuvé l’embranchement de Rawabi aux sources de la compagnie des eaux Mekorot.

Le Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires [COGAT], le Maj. Gen. Yoav Mordechai, qui est considéré comme la figure souveraine du gouvernement israélien en Cisjordanie, a insisté pour que le projet soit terminé le plus rapidement possible.

Mordechai a été l’un des premiers partisans de l’approvisionnement en eau de la ville, principalement pour les intérêts de sécurité qu’il offre à Israël.

Mais c’est alors qu’une autre figure politique a décidé d’intervenir : le ministre de l’Infrastructure nationale, de l’Energie et de l’Eau, Silvan Shalom, qui est responsable de l’approvisionnement en eau de Rawabi, et qui a décidé de reporter l’approvisionnement.

Un petit tour de la luxueuse ville palestinienne

Il y a de nombreux aspects magnifiques à Rawabi.

Pour commencer, le niveau de la conception et de la précision de tout ce qui est construit ici est remarquable. Elle dispose d’un magnifique amphithéâtre construit pour des spectacles et des concerts avec une capacité d’accueil de 15 000 spectateurs.

Et puis il y a les vues, où l’on peut voir aussi loin que les tours Azrieli à Tel Aviv et la côte israélienne, ainsi que Modiin et Ramallah.

Un centre commercial urbain est actuellement en construction et comprendra un cinéma de sept salles, une piscine. C’est un centre commercial rappelle Mamilla de Jérusalem avec ses cafés et ses restaurants, et ses boutiques de mode.

Une maquette de la mosquée de Rawabi exposée au centre des visiteurs (Crédit : Elhanan Miller/Times of Israel)
Une maquette de la mosquée de Rawabi exposée au centre des visiteurs (Crédit : Elhanan Miller/Times of Israel)

Le directeur général adjoint de Rawabi, Amir Dajani, deuxième entrepreneur et fondateur de l’initiative Bachar al-Masri explique : « Nous voulons construire une nouvelle destination touristique. Au lieu d’aller à la vieille ville de Jérusalem ou à Naplouse, ou de voyager à Jaffa, les gens vont dire : ‘Allons à Rawabi’ ».

Sur la base des plans, il y aura aussi un centre de loisirs, un hôtel de 250 chambres, un stade de football et d’athlétisme, trois écoles et un grand centre médical.

« Un autre de nos objectifs est de tirer parti de l’économie palestinienne », a-t-il poursuivi.

« Nous avons créé 8 000 emplois ici, de concierges aux entrepreneurs. Nous avons une usine de ciment et de fer, et nous allons créer des postes permanents pour 3 000 à 5 000 personnes : enseignants, médecins, entrepreneurs, hommes d’affaires. Nous allons créer un incubateur technologique ; nous allons recruter des travailleurs de l’Université de Birzeit, qui est à cinq minutes, et de l’Université nationale al-Najah à Naplouse qui est à 25 minutes. Rawabi sera un aimant à pionniers ».

Selon Dajani, la ville va cibler les jeunes couples instruits de la classe moyenne.

« Nous contribuons à la construction de l’Etat palestinien. Nous voulons construire de nouvelles villes, et le succès de Rawabi va certainement avoir une influence positive sur l’économie palestinienne », affirme-t-il.

Lorsqu’on lui a demandé si d’autres villes sont en construction, Dajani sourit et esquive la question avec élégance. « Concentrons-nous d’abord sur le succès de Rawabi », a-t-il répondu.

« Nous parlons d’un projet qui va façonner l’histoire. Un tiers de nos ingénieurs et architectes sont des femmes. C’est sans précédent dans le monde arabe et palestinien. C’est une expérience formidable pour elles, de planifier et de construire une ville, tout comme les hommes. Nous avons commencé ici à partir de zéro, nous avons dû penser à tout : les infrastructures, les médias, les services médicaux, un service d’incendie, l’éducation. »

Dajani poursuit : « Cela va être une ville respectueuse de l’environnement. Nous recyclons tout ici. Il n’y aura pas d’antennes paraboliques sur les toits, pas de châteaux d’eau, tels que vous voyez dans d’autres quartiers palestiniens. Un système informatisé gèrera le recyclage de l’eau, et utilisera l’eau potable en excès pour arroser les parcs de la ville. Nous avons acheté un système de recyclage le plus avancé technologiquement ».

« Les transports en commun fonctionnant à l’électricité, seront gratuits pour les résidents de la ville, et seuls les visiteurs seront invités à payer. Nous prévoyons également une zone industrielle, même si nous n’avons pas encore reçu l’approbation du côté israélien. Cependant, nous avons déjà ouvert les routes menant à cette zone », a-t-il ajouté.

Les prix des appartements dans Rawabi ne sont pas astronomiques, même pas par rapport à Ramallah ou Bethléem.
« Les appartements simples coûteront environ 80 000 dollars, et les prix atteindront environ 200 000 dollars, selon la taille, bien sûr. À l’heure actuelle, lors de cette première étape, il y a des bâtiments de taille moyenne, mais lors de la prochaine étape il y aura aussi des duplex avec jardins ».

« Dans l’ensemble, nous prévoyons 6 000 unités de logement, qui abriteront quelque 25 000 personnes », a déclaré Dajani.

Qu’en est-il des villas de luxe. « Villas ? Commençons avec de l’eau potable, après on pourra parler de villas ».

Des canalisations mais sans eaux

L’importante initiative a été lancée en 2008. Elle a commencé avec le pavage de plusieurs chemins de terre, et lentement, une petite ville a émergé sous les yeux de ses voisins – le village d’Atara et l’implantation d’Atarot.

Mais cela fait quatre ans maintenant qu’al-Masri et son adjoint Dajani essaient d’obtenir l’approbation des autorités israélienne et palestinienne, pour alimenter la ville en eau.

L'entrepreneur palestinien Bashar al-Masri posant devant son projet immobilier à Rawabi le 23 février 2014 (Crédit : Hadas Parush/Flash 90)
L’entrepreneur palestinien Bashar al-Masri posant devant son projet immobilier à Rawabi le 23 février 2014 (Crédit : Hadas Parush/Flash 90)

« La question de l’eau nous poursuit comme un nuage noir », a déclaré Dajani.

Nous roulons le long de la ligne de flottaison que ses hommes ont mis en place dans les zones sous contrôle de l’AP (zone A), et le contrôle des civils palestiniens (zone B), jusqu’à l’endroit où le pipeline se termine abruptement – précisément à l’endroit qui devient la zone C, sous le contrôle israélien. A partir de là, les autorités israéliennes ne leur ont pas permis de continuer.

« J’ai besoin d’un long tuyau de 3,5 km pour le connecter à la compagnie des eaux Mekorot à Umm Safa. J’ai déjà mis en place un tuyau de 2,4 km à travers les zones A et B. Tout ce qu’il manque, ce sont les 1,1 km qui sont censés passer par la zone C, explique-t-il.

Il désigne l’énorme réservoir d’eau, construit à environ un demi-kilomètre de la ville, qui est destiné à assurer un approvisionnement efficace de l’eau de tous les robinets de la ville.

« Nous sommes tournés vers l’Autorité palestinienne de l’eau pour obtenir l’approbation israélienne d’une manière qui nous permettrait d’assurer que nous avons reçu de l’eau provenant d’une source stable, mais à ce jour, nous n’avons rien reçu. Pourquoi ? Je ne sais pas, je ne suis pas un politicien. Je m’occupe de l’économie ».

La commission mixte de l’eau est censée se réunir, conformément aux accords intérimaires de 1995, pour permettre l’approvisionnement en eau des projets comme celui-ci, et les implantations. Mais depuis 2010, les Palestiniens ont refusé de convoquer la commission, car ils ne sont pas disposés à approuver l’approvisionnement en eau destinées aux implantations.

Pendant ce temps, il convient de souligner qu’il n’y a pas de retard dans la fourniture de l’eau aux implantations – Mekorot relie toute maison légalement juive en Cisjordanie à l’eau.

Mais les dirigeants politiques israéliens craignent de néfastes conséquences du fait que la commission ne se réunisse pas, telles que des allégations selon lesquelles Israël « vole » l’approvisionnement en eau de la Cisjordanie.

L’achèvement de la première étape de la construction de Rawabi a probablement été considéré par Yaalon comme une occasion de tordre le bras de l’AP.

Il a retardé l’approbation de l’approvisionnement de l’eau afin de forcer l’Autorité palestinienne à accepter de convoquer la Commission mixte de l’Eau, et d’approuver le transfert de l’eau vers les implantations et Rawabi. Mais l’Autorité palestinienne a refusé d’entrer dans son jeu.

Ouvrier palestinien taillant une pierre de Jérusalem le 23 février 2014 (Crédit : L'entrepreneur palestinien Bashar al-Masri posant devant son projet immobilier à Rawabi le 23 février 2014 (Crédit : Hadas Parush/Flash 90)
Ouvrier palestinien taillant une pierre de Jérusalem le 23 février 2014 (Crédit : L’entrepreneur palestinien Bashar al-Masri posant devant son projet immobilier à Rawabi le 23 février 2014 (Crédit : Hadas Parush/Flash 90)

Pour les politiciens palestiniens, aussi, Rawabi est un terrain de jeu.

L’AP ne semble pas se soucier que ce projet remarquable soit retardé, en partie parce que c’est une initiative privée d’un riche homme d’affaires qui n’est pas un membre du système politique palestinien corrompu.

Ainsi l’AP tient bon et refuse de tenir la réunion de la commission.

En fin de compte, comme il a été souligné, Yaalon a reconnu le potentiel positif pour Israël que cette ville détient, et approuvé l’approvisionnement en eau de façon unilatérale.

Le président Reuven Rivlin a déclaré cette semaine que l’approvisionnement en eau de Rawabi est un intérêt israélien. Mais maintenant c’est au tour de Shalom de le bloquer. Il soutient que la question doit recevoir l’approbation de la commission mixte.

« Le ministre Shalom et l’Autorité de l’eau soutiennent que l’approbation unilatérale sans la convocation de la commission, ce que plusieurs responsables israéliens suggèrent et en poussent en ce sens, minera le fondement de la régulation de la poursuite de l’exploitation de la commission mixte de l’eau. En outre, dans un sens politique plus large, cette mesure conduira probablement à la dissolution complète des accords israélo-palestiniens sur l’eau et nuira au secteur de l’eau en Israël », peut-on lire dans une déclaration du bureau de Shalom.

« En outre, il nuirait à la coopération entre les échelons professionnels, une coopération qui aujourd’hui permet de protéger nos sources d’eau et prévient les dommages de nos aquifères. Nous serions heureux si les Palestiniens changeaient d’avis et convoquaient la commission, qui examinerait les projets dans les deux sens », conclut le communiqué.

Et donc Rawabi reste encore à sec.

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