Tel Aviv et Jérusalem à portée des roquettes du Hamas
Les tirs de roquette vers le centre d’Israël constituent une menace sans précédent. Le gouvernement de Gaza a également construit un réseau souterrain tentaculaire
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Seulement 15 mois après l’opération Pilier de Défense, l’offensive israélienne, destinée à réduire de manière drastique le risque des tirs de roquettes depuis Gaza, le Hamas a considérablement renforcé son arsenal militaire dirigé vers Jérusalem, Tel Aviv et le centre d’Israël.
Le gouvernement islamiste de la bande de Gaza a massivement investi dans la production de roquettes M-75, d’une portée minimum de 75 kilomètres, et possède désormais plusieurs dizaines de roquettes de ce genre, révèle le Times of Israel. D’ici à la fin de l’année, le Hamas en possédera des dizaines d’autres.
Cela signifie que le prochain conflit avec Gaza sera focalisé sur le centre d’Israël, l’armée israélienne se tenant prête à défendre le cœur du pays contre des salves de M-75 sans précédent.
La capacité des systèmes de défense militaire israéliens à répondre à des tirs de barrage simultanés de M-75 n’est pas encore connue. Pendant les huit jours qu’a duré l’opération Pilier de Défense, en novembre 2012, une dizaine de roquettes M-75 a été tirée vers le centre d’Israël et Jérusalem. La menace actuelle est perçue comme beaucoup plus sérieuse.
Après l’opération Pilier de Défense, le Hamas s’est rendu compte que les tirs vers le centre d’Israël avaient considérablement renforcé son prestige. Le Premier ministre palestinien à Gaza Ismaël Haniyeh a été reconnu et salué comme être le deuxième dirigeant arabe, après Saddam Hussein, à avoir atteint le centre d’Israël.
Depuis ce conflit, le Hamas s’est donc attelé à améliorer sa faculté à construire de telles roquettes. L’organisation a cherché à consolider sa production interne, plutôt que d’essayer d’introduire clandestinement à Gaza des roquettes et du matériel. La production interne des M-75 est devenue le projet phare du Hamas.
La production interne des M-75 est devenue le projet phare du Hamas
Dans le même temps, le Hamas a également engagé des ressources considérables pour la construction d’un réseau de tunnels souterrains de plusieurs dizaines de kilomètres dans des zones clés de Gaza. Ce réseau devrait considérablement compliquer la tâche d’Israël lors de futures confrontations militaires.
Les efforts du Hamas pour creuser des tunnels à proximité et au-dessous de la frontière avec Israël, afin de mener des attaques terroristes, ne sont pas nouveaux.
C’est en s’infiltrant par un tunnel de ce genre que le Hamas a pu kidnapper en 2006 Guilad Shalit et tuer deux autres soldats israéliens. L’enlèvement a conduit, cinq ans plus tard, à la libération d’un millier de prisonniers sécuritaires palestiniens en échange de la libération de Shalit.
Le Hamas est loin d’avoir renoncé à sa volonté de mener des opérations de kidnapping, à la fois pour renforcer son prestige et pour obtenir la libération d’autres prisonniers. La menace d’enlèvement est jugée critique à la fois depuis Gaza et à l’intérieur de la Cisjordanie.
De plus, le Hamas a largement progressé dans la construction d’un réseau militaire souterrain au sein même de la bande de Gaza. Il s’agit d’un réseau qui présente de sérieux avantages pour le groupe extrémiste islamiste.
Selon l’armée israélienne, le Hamas se servira de ces tunnels pour poser des mines visant les forces terrestres. L’organisation utilisera également les tunnels pour permettre à ses combattants de se déplacer sans être détecté lors des phases de conflit.
En outre, l’armée israélienne envisage que le Hamas tire des roquettes depuis des lance-missiles souterrains, bien plus difficile à détecter et à viser. Les infrastructures de commandement et de communication du Hamas seront situées sous terre, ce qui lui permettra de maintenir un contrôle efficace et de rester hors d’atteinte de l’Armée de l’Air israélienne.
Enfin, les dirigeants du Hamas qui, selon l’armée israélienne, ont dans le passé trouvé refuge dans des bunkers situés sous des hôpitaux et d’autres établissements civils, utiliseront ces infrastructures souterraines plus sophistiquées.
L’influence régionale du Hamas est considérée comme relativement faible par Israël, en raison notamment de la déroute des Frères musulmans, auxquels il est lié, en Egypte. Les mesures répressives prises par l’Egypte à l’encontre des tunnels de contrebande transfrontaliers ont dévasté l’économie de Gaza.
Les mesures répressives prises par l’Egypte à l’encontre des tunnels de contrebande transfrontaliers ont dévasté l’économie de Gaza
L’approvisionnement en eau s’est réduit et la qualité de l’eau s’est appauvrie. Dans certains endroits, l’électricité n’est disponible que quelques minutes par jour. Le taux de chômage est très élevé. Et la colère de la population contre le gouvernement du Hamas se généralise, selon Israël.
Pour l’heure, le Hamas ne semble pas prêt à engager un nouveau conflit avec Israël, notamment en raison de l’impact que des destructions massives auraient sur les habitants de Gaza. Mais la capacité qu’a le Hamas d’empêcher les groupes rivaux de tirer des roquettes vers Israël est en déclin. L’Iran ne cesse d’encourager les groupes djihadistes rivaux de tirer sur Ashkelon et le sud d’Israël.
Le Hamas a bien tenté de bloquer ces attaques, mais est tourné en ridicule par le Djihad islamique pour sa volonté de conserver la paix avec Israël. Il est parfois paralysé par des facteurs de base, tels que le manque d’essence pour ses véhicules de patrouille chargés de contrecarrer les tireurs de roquettes.
Pour l’instant, Israël estime que le pouvoir du Hamas à Gaza reste stable. L’organisation islamiste, qui craint une révolte populaire comme celle de la place Tahrir, se montre très efficace dans sa répression du moindre signe de dissidence et n’a pas encore dû faire face à des protestations publiques de grande ampleur.
Toutefois, l’armée israélienne est convaincue que le déclenchement d’un nouveau conflit n’est qu’une question de temps. Certains responsables de la sécurité estiment qu’une offensive terrestre de grande envergure, voire une opération de long-terme, est inévitable, même s’il n’y a pas de consensus sur ce sujet.
En revanche, ce qui paraît certain, c’est que lorsque le prochain conflit se déclenchera, l’armée et le front intérieur devront combattre un Hamas doté d’un arsenal militaire renforcé et capable de viser le centre d’Israël, grâce à sa production interne de roquettes et à sa faculté de se défendre contre les opérations terrestres et militaires israéliennes.