Tel Aviv : Renana Raz célèbre 20 ans de chorégraphie
La guerre, c'est nous et eux alors que l'art, c'est parvenir ensemble à des accomplissements, dit la danseuse et chanteuse
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »
Renana Raz est assise sur le sol de son studio, étendant ses jambes devant elle, se préparant à répéter l’une de ses oeuvres qui sera présentée ce jeudi.
Raz, connue pour son travail d’actrice (« Le coeur a ses raisons », Munich ») mais avant tout pour ses chorégraphies, va fêter le 20è anniversaire de la troupe qui porte son nom pendant trois jours de représentations, du 6 au 8 février, au centre Suzanne Dellal de danse et de théâtre à Tel Aviv.
Cela fait vingt ans qu’elle est chorégraphe – quelque chose qu’elle trouve difficile à croire.
« Quand j’avais vingt ans, les gens me demandaient jusqu’à quel âge je continuerai à danser et je n’en avais aucune idée », dit-elle. « A quarante ans, je peux comprendre ce qui va arriver au corps. C’est un processus impossible à éviter ».
Pour ce vingtième anniversaire, elle aurait pu reprendre la toute première chorégraphie qu’elle avait conçue dans sa carrière – mais elle n’a pas voulu se montrer sentimentale ou nostalgique. A la place, les oeuvres qu’elle présentera comprendront « WART », « YouMake Remake », « 16 Meters and One Body », « TzuraTarbut » et « Shaboogie ».
Raz, mère de deux enfants qui a commencé la danse à l’âge de cinq ans, répète l’ouverture de « WART » – soit War and Art, ou guerre et art – qu’elle a créé après l’opération Bordure protectrice de 2014.
Elle se souvient qu’au cours de la guerre entre Israël et Gaza – et alors que l’un de ses enfants, l’aîné, était encore un bébé – elle se dirigeait vers la cage d’escaliers de son appartement de Tel Aviv pour attendre les sirènes d’alarme à la roquette. Mais elle se rappelle de ces moments passés avec ses voisins, dans une sécurité relative, comme des moments « de confort » – pas nécessairement effrayants.
Ce n’est que plus tard qu’elle a envisagé les choses différemment, concluant que tout le monde, qu’il s’agisse de soldats ou de civils, souffrait d’une sorte de syndrome de stress post-traumatique provenant des périodes de troubles.
Un spectacle majeur de Raz avait été annulé pendant cet été intense et s’il avait finalement été reprogrammé, elle avait commencé à appréhender différemment l’expérience et à réfléchir au rôle tenu par l’art durant une guerre.
« La guerre, c’est le noir et le blanc, la vie et la mort, les frontières, eux et nous – le contraire de l’art qui défend la pensée critique, les accomplissements réalisés ensemble. Et quand il y a la guerre, je dois me battre pour l’art de façon à ce que personne n’oublie que ça, la culture, la danse, ça existe aussi », clame Raz. « L’art a une mission et on peut montrer au monde la création de l’art, montrer la place qu’il occupe dans le monde ».
Dans les premières minutes de « WART », Raz et deux autres danseurs jouent des hélicoptères tourbillonnants et le sillage du combat – traînant des corps et se recroquevillant au rythme des sons d’explosifs qui résonnent dans la musique de la chorégraphie diffusée en arrière-plan.
Ce n’est pas une oeuvre facile, mais elle la considère comme déterminante dans son développement de danseuse. C’est un exemple fort de la manière dont elle appréhende le monde autour d’elle, et de la manière dont la danse lui permet de comprendre l’existence.
Pour Raz, l’art est un moyen de se lier avec les gens et elle cherche cela dans le corps de son travail. Elle ne croit pas vraiment que ses danses doivent se faire sur scène mais elle accueille plutôt favorablement l’idée de les voir reprises sous n’importe quel format, pour n’importe quel public.
« J’adore quand les gens qui ne viennent pas habituellement voir des spectacles de danse viennent voir mes chorégraphies et qu’ils réussissent à nouer une relation avec », dit Raz.
« YouMake Remake » est l’une des oeuvres de Raz qui a été dansée dans de nombreux endroits et pour une large variété de publics, en particulier pour les enfants, offrant l’opportunité de penser la danse comme un moyen de mouvement pouvant survenir partout et pouvant être utilisé comme outil de communication.
« Quand je commence à danser une oeuvre, elle commence à vivre, ce qui n’est pas moins important que de la créer », dit-elle. « J’offre toujours beaucoup de temps et d’énergie pour faire en sorte qu’une oeuvre puisse continuer d’elle-même, pour qu’elle continue à vivre sans moi ».
Un Weekend de Renana Raz, Centre de danse et de théâtre Suzanne Dellal, billets disponibles sur internetbillets disponibles sur internetbillets disponibles sur internet.