Tisha BeAv symbolise le désastre né de la haine gratuite. Êtes-vous sourds ?!
Alors que les manifestations anti-Netanyahu s'intensifient, le calendrier hébraïque préconise un temps d'arrêt pour réfléchir aux tragédies passées pour en éviter une autre
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Aujourd’hui, c’est Tisha BeAv, le jour des tragédies du judaïsme – le jeûne de 25 heures qui commémore une histoire de catastrophes successives, allant de la destruction des deux Temples au feu vert de la Solution finale. La sagesse talmudique attribue la destruction des Temples et l’exil des Juifs à la « sinat hinam », une haine gratuite, sans fondement. Cette année, le moment du jeûne appelle véritablement les Israéliens – les exilés rassemblés – à intérioriser les leçons de notre histoire, à se souvenir de ce qui nous unit dans cet extraordinaire État juif moderne et à prendre du recul face à une nouvelle catastrophe.
Il y a une semaine, juste devant la résidence officielle du Premier ministre, un groupe d’extrémistes d’extrême droite, qui appartiendrait à une bande de hooligans racistes notoires, a affronté avec violence une foule de manifestants qui réclamaient la démission de Benjamin Netanyahu. Un des membres de « La Familia » aurait dit à un des manifestants anti-Netanyahu : « C’est dommage qu’Hitler n’ait pas fini le travail ». Le gang de hooligans a également été filmé en train de chanter les louanges d’Yigal Amir, l’extrémiste de droite qui a abattu le Premier ministre Yitzhak Rabin à la fin d’un rassemblement pour la paix à Tel Aviv il y a un quart de siècle.
Vendredi, au milieu d’autres manifestations anti-Netanyahu beaucoup plus modestes en de nombreux endroits du pays, un groupe de manifestants a été aspergé de gaz lacrymogène par un automobiliste qui passait, et un manifestant a été poignardé et légèrement blessé au cou.
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Mardi soir, à la fin des manifestations dirigées contre Netanyahu, et plus particulièrement contre son ministre de la Sécurité publique, Amir Ohana, les manifestants ont de nouveau été attaqués par des extrémistes d’extrême droite présumés. Deux victimes auraient été hospitalisées avec des coups de couteau dans le dos, et un homme, Shay Sekler, a été blessé au front après avoir été attaqué.
Les manifestations anti-Netanyahu se multiplient de semaine en semaine. Samedi soir dernier, la police a estimé à plus de 5 000 le nombre de personnes qui se sont présentées près de la résidence de Netanyahu, rue Balfour, pour l’exhorter à démissionner – en raison de sa corruption présumée, de l’incapacité de son gouvernement à fournir une aide opportune et suffisante alors que l’économie israélienne s’effondre en raison de la pandémie, et d’une multitude d’autres griefs.
Il y avait des militants anti-occupation ; des manifestants alléguant qu’un homme autiste de Jérusalem-Est, Iyad Halak, a été tué de sang froid dans un incident il y a deux mois ; des militants écologistes, et bien d’autres. Le nombre réel sur la place de Paris et dans ses environs pourrait bien être de 10 000 ou plus. Outre la colère croissante, les manifestations représentent les seuls rassemblements de masse autorisés en ces temps de COVID.
La plupart des manifestants, dans la nuit de samedi à dimanche et lors des rassemblements précédents, se dispersent selon les circonstances vers 23 heures. La police utilise des canons à eau contre ceux qui ne partent pas de leur plein gré. Cette tactique, qui fait actuellement l’objet d’un appel devant la Cour suprême, ainsi que l’utilisation de policiers à cheval et l’arrestation de présumés fauteurs de troubles, n’ont pas satisfait Ohana. Il a été enregistré en train d’exhorter les forces de police à mettre fin « à cette anarchie » et la semaine dernière, il aurait demandé au chef intérimaire de la police israélienne si les protestations auraient été traitées différemment si les manifestants étaient des Ethiopiens, des Arabes ou des Juifs ultra-orthodoxes – des communautés dont les protestations au fil des ans ont souvent accusé la police de faire un usage excessif de la force.
En d’autres termes, le ministre de la Police semblait suggérer qu’un peu plus de brutalité policière était de mise.
Ohana a également averti que la marée montante de protestations « se terminera par un bain de sang« . Mercredi, le leader de l’opposition Yair Lapid a accusé Netanyahu et « ses messagers » – une référence présumée à Ohana entre autres – d’avoir déjà du sang sur les mains suite aux violences de la nuit précédente.
Garantir le droit démocratique de protester contre les dirigeants élus présente des complexités à tout moment – y compris la prise en compte de facteurs aussi banals que le droit à une nuit de sommeil raisonnable pour les personnes qui vivent à proximité. (La police londonienne a notoirement interrompu l’apparition sans précédent de Paul McCartney en tant qu’invité à un concert de Bruce Springsteen à Hyde Park en 2012 parce qu’il avait dépassé le couvre-feu de 22h30 ; « Quand l’Angleterre est-elle devenue un État policier ? » avait alors fustigé le guitariste du Boss, Steve Van Zandt).
Le droit de manifester est encore plus compliqué en plein milieu d’une pandémie extrêmement contagieuse. Il nécessite une police sensible, un dialogue efficace avec les organisateurs de manifestations et un comportement ministériel responsable – autant d’éléments qui s’avèrent rares.
L’assassinat de Rabin a fait vaciller la démocratie israélienne. Notre société est toujours déchirée par des clivages amers, et le fléau permanent de la pandémie – plus exaspérant maintenant, peut-être parce que nous nous sommes permis de croire que nous l’avions vaincue – les exacerbe. Les protestations s’intensifient, tout comme les actes de violence.
Le président Reuven Rivlin a tiré la sonnette d’alarme mercredi, invoquant à la fois l’assassinat de Rabin et le meurtre en 1983 du manifestant de gauche Emil Grunzweig par une grenade lancée par un militant de droite lors d’un rassemblement de « La Paix maintenant » à Jérusalem. « Compte tenu des événements violents de la dernière journée », a averti M. Rivlin, « l’assassinat d’un manifestant qui vient protester dans l’État d’Israël, ou l’assassinat d’un Premier ministre israélien, ne sont pas des scénarios imaginaires. Malheur à notre démocratie si un frère prend les armes contre un autre frère ».
Le calendrier hébreu nous prescrit désormais une journée pour réfléchir à notre histoire, une journée d’introspection, une journée pour nous apaiser. Nous ne sommes pas condamnés à ajouter une nouvelle tragédie à la litanie des catastrophes juives. Mais cette tragédie nous attend au coin de la rue si nous ne changeons pas de cap.
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