Des manifestants anti-gouvernement disent avoir subi une « embuscade planifiée »
Des protestataires déclarent qu'ils soupçonnent leurs agresseurs d'extrême-droite d'avoir lancé une attaque armée organisée et que les policiers ont ignoré leurs appels à l'aide
Des manifestants qui participaient à un rassemblement anti-gouvernement et qui ont été agressés par des militants d’extrême-droite présumés, mardi soir, ont déclaré avoir fait l’objet d’une attaque organisée, affirmant que la police avait ignoré leurs appels à l’aide.
Plusieurs activistes d’extrême-droite présumés ont attaqué mardi soir des manifestants rassemblés près du domicile du ministre de la Sécurité intérieure, Amir Ohana. Les attaquants ont été filmés en train de frapper les manifestants avec des bouteilles en verre et des chaises, et de les asperger de gaz lacrymogène.
Les organisateurs du mouvement ont fait savoir que cinq personnes avaient été hospitalisées, deux d’entre elles blessées au dos par une arme blanche. Des informations ultérieures ont annoncé que dix personnes avaient été prises en charge à l’hôpital.
Cela fait des semaines que des mouvements de protestation ont été organisés de manière répétée aux abords de la résidence officielle du Premier ministre, sur la rue Balfour, à Jérusalem, ainsi qu’à Tel Aviv, appelant à la démission du Premier ministre actuellement en procès pour des faits de corruption, de fraude et d’abus de confiance. Ces dernières semaines, d’autres manifestations ont dénoncé les politiques économiques mises en oeuvre par Netanyahu dans le contexte de la pandémie de coronavirus.
Le rassemblement de mardi avait pris pour cible Ohana, après que ce dernier a demandé à la police à utiliser la répression en direction des protestataires.
La police a indiqué mercredi que quatre personnes avaient été arrêtées, impliquées dans les violences.
L’un des manifestants agressés, Shay Sekler, a déclaré mercredi dans une vidéo avoir été victime d’une attaque coordonnée et que ses appels à l’aide à la police, après l’incident, avaient été vains.
Il a déclaré que les contre-manifestants étaient arrivés en groupe sur les lieux du rassemblement, armés de bouteilles en verre et de gaz lacrymogène, et qu’ils l’avaient frappé à l’aide d’un objet contondant. Sekler et plusieurs autres personnes ont décrit une attaque-surprise lancée aux abords du complexe de la Cinémathèque de Tel Aviv.
« J’ai été attaqué par un groupe organisé, une agression dont l’instigateur se trouve à Balfour », a affirmé Sekler, faisant référence à la rue qui accueille la résidence du Premier ministre à Jérusalem.
« Quand le défilé est entré dans le secteur de la Cinémathèque, un groupe d’une dizaine de personnes vêtues de noir sont arrivées. Ces gens ont commencé à attaquer les manifestants avec des couteaux, à coups de matraques et de bouteilles en verre. Je me suis dépêché d’aller aider ceux qui avaient été blessés et là, j’ai été attaqué par l’un de ces gars avec un objet contondant et immédiatement après, deux autres me sont tombés dessus », a ajouté Sekler.
« Vers la rue Kaplan, j’ai rencontré des agents de police sous couverture – j’étais recouvert de sang – et je les ai appelés à l’aide, je leur ai demandé de réclamer une aide médicale. Ils m’ont ignoré », a-t-il continué, se confiant à Haaretz. « C’est là que j’ai compris que la police n’était pas là pour protéger l’ordre public et les droits civils. Elle s’est placée du côté du pouvoir et c’est le résultat d’incitations à la violence. »
Sekler a été photographié torse nu, un bandana recouvrant le bas du visage et du sang s’écoulant de son front, des images qui ont très largement circulé dans les médias israéliens.
D’autres manifestants ont expliqué qu’ils avaient vu les agresseurs dans un restaurant, près du site de la manifestation, en train de regarder un match de football du Maccabi Tel Aviv avant le rassemblement.
« Ils sont arrivés après le match, certains portaient des tee-shirts noirs et ils ont défilé avec nous », a déclaré une manifestante à Ynet. « Ils s’étaient un peu séparés dans la foule sur la rue Ibn Gbriol – en restant proches les uns des autres mais sans rester strictement les uns à côté des autres – et puis, lorsqu’on est arrivés à la Cinémathèque, l’un d’entre eux a crié : ‘Maintenant !’ et ils ont soudainement commencé à frapper une personne qui participait au défilé ».
« Quand le type est tombé au sol, ils ont agressé d’autres manifestants dont certains ont tenté de s’enfuir, mais ils ont continué à jeter des chaises, à frapper, puis ils ont fui, en groupe, dans une rue adjacente en aspergeant les manifestants de gaz lacrymogène », a continué la manifestante.
Une autre personne qui participait au mouvement de protestation a estimé pour sa part que « tout avait été prévu. Ils étaient venus pour frapper. Pendant tout le défilé, la police se trouvait avec nous, mais au moment même où nous sommes arrivés à la Cinémathèque, il n’y a plus eu ni enquêteurs, ni agents. Et même si nous avons crié : ‘Police ! Police !’, personne n’est venu à notre secours ».
Les organisateurs du mouvement ont affirmé dans un communiqué que les violences n’avaient pas été « spontanées, mais il s’agissait bien d’une embuscade planifiée qui avait pour objectif de tuer. Il n’y a pas d’autre moyen d’expliquer ces attaques à l’aide de bâtons, de bouteilles et de couteaux ».
La police a fait savoir qu’elle avait arrêté quatre suspects en lien avec ces violences, disant être en quête de preuves permettant de les incriminer. L’un d’entre eux a été appréhendé pendant le rassemblement pour un jet de pierre. Trois autres ont été arrêtés, mercredi, pour leur implication présumée dans les violences, a noté la police dans une déclaration citée par Ynet.
D’autres informations n’évoquent que trois arrestations.
Deux des suspects ont reconnu leur implication dans les attaques, selon les médias en hébreu.
Les deux ont indiqué qu’ils se trouvaient dans un bar et qu’ils avaient assisté aux agressions, mais qu’ils n’avaient pas prévu au préalable d’attaquer les manifestants, a fait savoir la Treizième chaîne.
Un troisième suspect arrêté dans la journée de mercredi a pour sa part nié être présent.
L’activiste et avocat d’extrême-droite Itamar Ben-Gvir a indiqué qu’il représentait certains des agresseurs présumés et il a nié tout acte répréhensible de la part de ses derniers, affirmant que des manifestants d’extrême-gauche les avaient traités de « nazis », que ses clients avaient été pris en chasse et qu’ils avaient essuyé des jets de pierres, a annoncé le site d’information Arutz 7.
Ohana, le ministre de la Sécurité intérieure, a salué la police pour avoir procédé à ces arrestations.
« Malgré tous les désaccords, il n’y a pas – et il n’y aura pas – de certification casher apportée aux violences et chaque cas sera traité avec la plus grande sévérité », a écrit Ohana, membre du parti du Likud de Netanyahu, sur Twitter.
Il a ajouté que « le bien-être, la sécurité et la liberté de tous les citoyens israéliens, indépendamment des points de vue politiques, sont des valeurs d’une importance capitale et elles seront strictement assurées à chacun par la police israélienne ».
Le mouvement de protestation organisé mardi à Tel Aviv avait commencé aux abords du domicile d’Ohana, après la révélation d’un enregistrement par la télévision israélienne où le ministre de la Sécurité intérieure pressait la police de réprimer les rassemblements répétés des Israéliens aux abords de la résidence du Premier ministre à Jérusalem.
Pour leur part, des employés de la municipalité de Jérusalem ont confisqué du matériel qui appartenait aux manifestants dans la journée de mercredi.
Une trentaine d’employés, sous escorte policière, ont pris le matériel installé par les protestataires dans le parc de l’Indépendance dans la ville, arguant que ces derniers bloquaient les déplacements publics. Des matelas et des tapis que les manifestants utilisaient pour dormir dans le parc ont notamment été saisis.
Les manifestants ont tenté de bloquer cette opération, entraînant des échauffourées avec les forces de l’ordre, a fait savoir Haaretz.