Tomer-Yerushalmi: les officiers à Sde Teiman étaient masqués à cause de « dizaines de menaces »
Le tribunal militaire prolonge la détention de 5 des 10 réservistes accusés de viol sur un détenu ; des élus de droite fustigent l'avocate générale lors d'une audience à la Knesset
L’avocate générale de l’armée a déclaré dimanche à une commission de la Knesset que les officiers de la police militaire, qui ont arrêté des réservistes accusés d’abus contre un détenu palestinien au centre de détention de Sde Teiman, avaient fait l’objet de « dizaines de menaces », alors que des législateurs ultra-nationalistes l’accusent de nuire aux soldats.
Lors d’une audition devant la commission de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset, la générale de division et avocate Yifat Tomer-Yerushalmi a déclaré que, compte tenu des menaces, il s’avérait « raisonnable » que les officiers portent des masques au moment de procéder à l’arrestation.
Face aux critiques formulées lors d’une réunion de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, Tomer-Yerushalmi a insisté sur le fait qu’Israël est un État de droit et que l’armée est tenue d’enquêter sur les violations des lois de la guerre, arguant qu’une telle approche n’est pas une source de faiblesse, mais au contraire une source de force.
Répondant aux allégations selon lesquelles elle « sacrifiait les combattants au profit des tribunaux internationaux », Tomer-Yerushalmi a répondu que le fait d’enquêter sur des actes répréhensibles préservait les valeurs de Tsahal et mettait sa moralité en évidence plutôt que de mettre tous ses membres dans le même sac.
L’indépendance du système judiciaire militaire est en effet « essentielle aux arguments de l’Etat devant les tribunaux internationaux », a-t-elle ajouté, selon une déclaration de la commission.
Yifat-Yerushalmi a également souligné que « pour certains pays, la décision de nous vendre ou non des munitions est déterminée par le fait que nous enquêtons ou non lorsque nous recevons une plainte ».
La réunion de la Knesset a eu lieu alors qu’un tribunal militaire a prolongé jusqu’à mardi la détention de cinq des dix réservistes accusés de sodomie à l’aide d’un objet sur un détenu au centre de détention de Sde Teiman.
L’avocate générale de Tsahal a fait l’objet de vives critiques de la part des membres de la coalition après l’arrestation des militaires par des policiers militaires masqués lors d’un raid sur la base de détention de Sde Teiman, dans le sud d’Israël, à la fin du mois de juillet.
Après les arrestations, une foule de militants d’extrême droite et de législateurs a pénétré dans la base et a manifesté, puis a pris d’assaut la base de Beit Lid où les suspects étaient détenus.
Parmi les législateurs qui ont participé aux manifestations, figuraient le ministre du Patrimoine Amichay Eliyahu, les députés Yitzhak Kroizer et Limor Son Har-Melech du parti Otzma Yehudit, le député Zvi Sukkot du parti HaTzionout HaDatit et les députés Nissim Vaturi et Tally Gotliv du Likud, le parti au pouvoir de Netanyahu.
Dimanche, Vaturi a traité le député travailliste Gilad Kariv de « terroriste de bas étage » pour avoir défendu l’enquête menée contre les réservistes. Kariv a répliqué en traitant Vaturi « d’idiot et de menteur ».
Samedi soir, la police israélienne et la division des enquêtes criminelles de la police militaire ont toutes deux confirmé qu’une enquête menée par la police avait été lancée sur les attaques contre les bases de Tsahal.
Suite à ces incidents, une manifestation a également été organisée devant le domicile de Tomer-Yerushalmi. Les manifestants l’ont qualifiée de « traître au peuple d’Israël », ce qui a conduit l’armée israélienne à renforcer sa sécurité, à la fois en personne et autour de son domicile.
Lors d’une manifestation ultérieure à Tel Aviv, la députée Har-Melech a semblé menacer Tomer-Yerushalmi. Elle a déclaré aux manifestants que toute personne qui poursuivrait des soldats israéliens pour des actes criminels présumés pendant la guerre à Gaza serait elle-même « accusée et poursuivie comme le pire des traîtres ».
Tout ce qui se passe depuis les arrestations a « érodé le statut de [m]on bureau et soulevé des questions dans le monde entier sur notre capacité à enquêter sur nous-mêmes », a déclaré Tomer-Yerushalmi aux législateurs dimanche.
Au cours de l’audience, Har-Melech a estimé que Tomer-Yerushalmi était « obsédée par l’idée de faire du mal aux soldats », tandis que Sukkot et Gotliv ont hurlé sur l’officier supérieur, selon la presse israélienne.
Gotliv a finalement été expulsée de l’audience par le président de la Knesset Yuli Edelstein (Likud) après avoir accusé Tomer-Yerushalmi d’avoir divulgué à la presse des images de l’agression présumée du prisonnier.
Des images, diffusées par la Douzième chaîne la semaine dernière, montrent des soldats à Sde Teiman prenant à part l’un des détenus, qui était allongé sur le sol, face contre terre, puis l’entourant de boucliers anti-émeutes, possiblement pendant qu’ils commettaient les abus. Le détenu a ensuite été emmené pour être soigné de ses graves blessures.
Après son expulsion de la commission, Gotliv a confirmé sur X (anciennement Twitter) qu’elle avait accusé Tomer-Yerushalmi « ou quelqu’un agissant en son nom d’avoir divulgué les vidéos » à la presse.
« La fuite des vidéos est une méga-attaque globale sous les auspices de l’avocat général militaire », a poursuivi Gotliv lors d’une réunion ultérieure de la commission de la Constitution, du droit et de la justice. « Elle l’a fait pour préserver sa réputation. Elle s’est fait passer avant nos combattants ».
« Elle devrait être jugée, mais il n’y a personne pour enquêter sur elle », a-t-elle ajouté.
La droite israélienne s’oppose depuis longtemps aux efforts visant à demander des comptes aux troupes israéliennes pour des crimes de guerre présumés.
En 2017, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a signé une pétition appelant le président de l’époque, Reuven Rivlin, à revenir sur sa décision de ne pas gracier un soldat condamné, Elor Azaria, pour avoir tué un terroriste palestinien qui gisait au sol.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.