Israël en guerre - Jour 570

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Analyse

Trump dit qu’un accord est « préférable » – mais uniquement s’il bloque l’arme nucléaire iranienne

Netanyahu a eu raison de dénoncer le JCPOA de 2015 et de convaincre Trump d’en sortir ; en 2025 , le président américain relance la voie diplomatique, accompagnée de menaces peu dissuasives

David Horovitz

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Les journalistes se pressent dans le Bureau ovale alors que le président américain, Donald Trump, à droite, accueille le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, à la Maison Blanche, à Washington, le 7 avril 2025. (Crédit : Avi Ohayon / GPO)
Les journalistes se pressent dans le Bureau ovale alors que le président américain, Donald Trump, à droite, accueille le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, à la Maison Blanche, à Washington, le 7 avril 2025. (Crédit : Avi Ohayon / GPO)

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu n’a pas simplement été mis devant le fait accompli lorsque Donald Trump a annoncé sa décision de relancer des négociations avec l’Iran sur son programme nucléaire. Il a été pris de court, placé dans une position inconfortable, et sommé aussitôt de s’asseoir docilement aux côtés du président américain pour lui signifier publiquement son soutien.

Cette décision semble avoir surpris le Premier ministre, mais ce n’aurait pas dû être le cas. Trump, dès son arrivée à la Maison Blanche, avait déclaré vouloir mettre fin aux guerres, et non d’en déclencher. Ce samedi, il est passé à l’acte en entamant les discussions qu’il avait annoncées à plusieurs reprises vouloir engager avec la République islamique.

En conviant Netanyahu à la Maison Blanche lundi, Trump a sans doute estimé qu’il lui témoignait une certaine forme de courtoisie – en l’informant de son initiative diplomatique juste avant de l’annoncer au reste du monde. Ce n’était, bien sûr, que le strict minimum, compte tenu des conséquences potentiellement décisives pour Israël, et du fait que cette démarche écarte, pour l’instant, toute option militaire israélienne.

Le président américain Donald Trump (à droite) et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu regardent des photos, notamment d’eux-mêmes, à la Maison Blanche, le 7 avril 2025. (Crédit : Maison Blanche)

S’il s’était agi d’un autre président, Netanyahu aurait plus que probablement exprimé son indignation face à l’absence de coordination en amont des pourparlers, alors même qu’Israël reste la première cible nucléaire potentielle de l’Iran. Il aurait mis en garde contre les dangers d’une administration naïve, prête à conclure un accord médiocre incapable de freiner les ayatollahs. Il aurait déclaré qu’Israël et lui-même refuseraient d’être liés par un tel accord. Et il se serait activé en coulisses pour tenter de convaincre le Congrès de faire capoter l’initiative.

C’est d’ailleurs exactement ce qu’il a tenté, sans succès, en 2015, lorsqu’il s’était opposé à l’accord JCPOA signé par Barack Obama et les puissances du P5+1 avec Téhéran.

Et s’il avait été dans l’opposition, Netanyahu aurait très certainement accusé le Premier ministre en poste de ne pas protéger les intérêts vitaux du pays, allant jusqu’à le qualifier de menace pour la survie même d’Israël.

Avec un autre président américain, il se serait également indigné des éloges publics adressés par le président au dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan, qui soutient le groupe terroriste palestinien du Hamas et déteste Israël, du refus d’accorder à Israël une exemption dans le nouveau régime tarifaire, ainsi que de la pique gratuite sur les 4 milliards de dollars d’aide américaine qu’Israël reçoit chaque année. (« Félicitations, au passage », a lancé Trump. « C’est plutôt pas mal. »)

Mais il s’agit de Donald Trump – le grand espoir de Netanyahu, son allié dans la lutte contre « l’État profond », et un homme que le Premier ministre israélien a appris à ne jamais contrarier, à ses dépens, après avoir eu l’audace de féliciter poliment Joe Biden pour sa victoire à l’élection présidentielle de 2020.

C’est ainsi que, s’étant précipité de Budapest à Washington en pensant naïvement avoir été convoqué en tant que tout premier dirigeant mondial à négocier les contours du nouvel ordre économique voulu par Trump, fondé sur les tarifs douaniers, Netanyahu tente désormais de sauver les apparences.

Sous le choc, mal à l’aise, installé dans ce fauteuil du Bureau ovale désormais bien connu pour malmener les chefs d’État étrangers, il a tenté, dans ses déclarations liminaires à la presse, de désamorcer — au moins partiellement — la bombe diplomatique dont il venait tout juste d’apprendre l’existence. « Bien sûr, nous avons aussi parlé de l’Iran », a affirmé Netanyahu. » Nous partageons tous les deux le même objectif qu’il ne faut jamais laisser l’Iran acquérir l’arme nucléaire. Si cela peut se faire par la voie diplomatique, intégralement, comme cela a été fait en Libye [en 2003-2004], je pense que ce serait une bonne chose. Mais quoi qu’il arrive, il faut s’assurer que l’Iran n’obtienne pas l’arme nucléaire. »

Il a ensuite ajouté : « C’est la fin de mon discours », levant les deux mains face aux caméras dans un geste du type « c’est tout ce que j’ai », qui renforçait encore l’impression d’impuissance.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu termine son discours d’ouverture dans le Bureau ovale aux côtés du président Donald Trump, le 7 avril 2025. (Crédit : Capture d’écran/YouTube

« Attendez, attendez, attendez », a lancé le président, coupant court aux cris des journalistes qui tentaient d’être les premiers à poser leurs questions prévalidées. « Nous menons des discussions directes avec l’Iran. Elles ont déjà commencé et se poursuivront samedi. Nous avons une réunion très importante, et nous verrons ce qu’il est possible d’en tirer. »

Dans le monde entier, mais surtout en Israël, cette déclaration en a laissé plus d’un bouche bée. En l’espace de quelques phrases brèves et saccadées, nous avions été ramenés à 2013, au début d’un processus diplomatique qui la dernière fois, allait aboutir deux ans plus tard, à un accord que Netanyahu ne cesserait de dénoncer, et qu’il contribuerait à faire abandonner par Trump en 2018.

Sauf qu’aujourd’hui, l’Iran s’est encore rapproché de la bombe ; il produit suffisamment d’uranium enrichi pour fabriquer une ogive par mois, enrichit ouvertement à des niveaux incompatibles avec un usage civil, son programme n’est même plus soumis à une supervision minimale de la part des inspecteurs de l’ONU, le développement de ses missiles balistiques n’a jamais été freiné, et ses capacités en matière d’armement nucléaire restent incertaines.

On ignore par ailleurs le degré de préparation de la nouvelle administration en amont de ses prochaines interactions avec des négociateurs iraniens à la fois redoutablement compétents, cyniques et, potentiellement, génocidaires. On ne sait même pas encore qui composera l’équipe américaine dirigée par Steve Witkoff, un négociateur sans doute bien intentionné, certes, mais qui, comme l’a fait remarquer sèchement le New York Times, est un représentant officiel « sans expérience connue de la technologie complexe de l’enrichissement du combustible nucléaire, ni des multiples étapes de la fabrication d’une arme atomique ».

Il y a deux mois, j’écrivais qu’il était peu probable que le Hamas se laisse intimider par les sombres menaces de Trump, promettant de « déchaîner les foudres de l’enfer » s’il ne s’y pliait pas. Il en va de même pour les ayatollahs. Et c’est la vie de chacun d’entre nous, ici, qui est en jeu.

« Si les négociations échouent, ce sera un très mauvais jour pour l’Iran », a averti le président lundi, aux côtés d’un Netanyahu inhabituellement silencieux. « L’Iran aurait tout intérêt à ce qu’elles aboutissent », a-t-il ajouté.

« Ooh, je tremble », auraient raillé les petites frappes de la cour de récré de mon lycée… juste avant de vous passer à tabac.

« Si vous comptez négocier un nouvel accord avec l’Iran », a demandé à juste titre l’un des journalistes à Trump, « pouvez-vous préciser en quoi il sera plus efficace que le JCPOA ? »

La réponse présidentielle, quelque peu décevante, a été : « Je ne peux pas vraiment le dire, mais je pense qu’il sera différent, et peut-être beaucoup plus solide. »

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu signe un livre d’or à la Maison Blanche sous le regard du président américain Donald Trump, à Washington, le 7 avril 2025. (Crédit : Avi Ohayon/GPO)

La catastrophe de la dernière fois

Il y a presque dix ans, le 15 juillet 2015, j’avais publié dans ces colonnes une tribune critiquant l’accord nucléaire tout juste finalisé, intitulée : « 16 raisons pour lesquelles l’accord nucléaire est une victoire iranienne et une catastrophe occidentale. »

Face à la crainte que l’administration Trump ne se lance dans ces négociations à la va-vite — alors même que les deux parties ne semblent pas partager la même compréhension d’un élément aussi fondamental que la nature des pourparlers prévus dans trois jours – directs, selon les déclarations répétées de Trump lundi, ou indirects, d’après les précisions réitérées de l’Iran depuis – je souhaite revenir sur certains des échecs les plus graves que j’avais soulignés à l’époque, dans l’espoir que, peut-être, ceux-là, et d’autres, puissent être évités cette fois-ci.

« Tout le monde est d’accord pour dire qu’un accord vaut mieux que l’évidence », a déclaré Trump lundi — « l’évidence » étant une intervention militaire. Il a raison, mais seulement si un nouvel accord, différent de celui dont il s’est retiré, bloque définitivement la route de l’Iran vers l’arme nucléaire.

Par-dessus tout, le JCPOA a en réalité légitimé le programme nucléaire iranien. Comme je l’écrivais alors, cet accord « permet à l’Iran de conserver ses principales installations nucléaires, de poursuivre ses recherches dans des domaines qui accéléreraient considérablement son passage à la bombe s’il décidait de ne pas respecter l’accord, mais il lui permet également de patienter jusqu’à la levée des restrictions, pour devenir un État au seuil nucléaire jouissant d’une pleine légitimité internationale. »

Le secrétaire d’Etat américain John Kerry (à gauche) avec le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif après que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a vérifié que l’Iran a respecté toutes les conditions de l’accord nucléaire, à Vienne, le 16 janvier 2016. (Crédit : AFP / POOL / KEVIN LAMARQUE)

Parmi les failles majeures que j’avais alors relevées figuraient les suivantes : l’Iran n’était pas tenu de révéler les dimensions militaires antérieures de son programme nucléaire ; il n’était pas contraint de cesser tout enrichissement d’uranium ; ni de démanteler ses diverses installations nucléaires ; ni de mettre fin à son développement de missiles balistiques ; ni d’interrompre ses recherches sur des centrifugeuses plus rapides destinées à accélérer l’enrichissement.

L’accord ne prévoyait pas non plus d’inspections « en tout lieu et à tout moment » des sites soupçonnés d’activités nucléaires illégales. Aucune procédure n’avait été définie pour encadrer la réaction de la communauté internationale face aux différentes catégories de violations iraniennes, afin de garantir qu’une percée vers l’arme nucléaire puisse être stoppée à temps.

Et il y en avait bien d’autres, dénoncées dans un article qui, comme je l’ai appris plus tard, a été lu au Congrès par le député républicain Joe Wilson, en partie pour servir d’avertissement à ses successeurs.

Sur cette photo du 14 juillet 2015, une femme iranienne brandit un drapeau national alors que les gens célèbrent un accord nucléaire historique, à Téhéran, en Iran. (Crédit : Ebrahim Noroozi/AP)

Un défi encore plus grand aujourd’hui

Ce temps est révolu — les centrifugeuses à haut rendement ont été mises en marche. Quant aux lacunes de l’accord de 2015, elles sont aujourd’hui encore plus lourdes de conséquences : l’Iran n’est plus à la veille d’obtenir une bombe, mais bien sur la voie d’un arsenal nucléaire livrable – un arsenal qui menace Israël, et au-delà, le monde entier. Le tout entre les mains d’un régime animé par une idéologie expansionniste et conquérante, pour lequel Israël n’est que le Petit Satan, et les États-Unis, le Grand Satan.

Ne voyant pas d’autre choix que de présenter la nouvelle réalité sous son meilleur jour, Netanyahu a déclaré dans une vidéo, avant de regagner Israël mardi, que lui et Trump étaient d’accord pour dire que « l’Iran ne doit pas obtenir l’arme nucléaire. Cela peut se faire par un accord, mais seulement s’il s’agit d’un accord de type libyen », a-t-il précisé, dans lequel les responsables « entrent, font sauter les installations, démantèlent tous les équipements, sous supervision américaine et avec une exécution américaine. C’est une bonne chose ».

« La deuxième possibilité est que cela ne se produise pas et que l’Iran fasse traîner les pourparlers. Dans ce cas, l’option est militaire. Tout le monde le comprend », a déclaré le Premier ministre, ajoutant que Trump et lui avaient longuement discuté de cette éventualité.

Cependant, même un accord de type libyen, qu’il est hautement improbable que l’Iran accepte, serait insuffisant s’il n’était pas assorti d’un accès illimité aux sites, d’inspections fiables et d’une pression économique constante tant que les ayatollahs resteront au pouvoir. Car aujourd’hui, l’Iran dispose déjà de tout le savoir-faire et des ressources nécessaires pour recommencer à zéro.

Selon un reportage diffusé mardi par la chaîne N12, la « ligne rouge » posée par Israël à l’ouverture des pourparlers est que tout accord soit « à long terme », assorti de sanctions économiques sévères en cas de violation, et qu’il garantisse le démantèlement du programme nucléaire militaire iranien, empêche le développement et la fabrication de missiles balistiques, et interdise le financement ainsi que l’armement des mandataires de l’Iran au Moyen-Orient.

Mais la même chaîne a également rapporté que lundi, Trump n’a fourni à Netanyahu aucune garantie, ni sur la prise en compte de ses exigences, ni sur la réaction américaine en cas d’échec des négociations ou de violation de l’accord par l’Iran.

« Si la diplomatie échoue, a-t-on demandé à Trump lundi, les États-Unis, sous votre direction, sont-ils prêts à prendre des mesures militaires pour détruire le programme nucléaire iranien et éliminer cette menace ? »

Le président n’a fait aucune promesse de ce type – un autre revers pour Netanyahu, qui affirme depuis des années que la diplomatie avec l’Iran ne peut fonctionner que si les États-Unis brandissent une menace militaire crédible.

« Si les négociations avec l’Iran échouent, a simplement répondu Trump, je pense que l’Iran sera en grand danger. Et je déteste le dire. En grand danger, parce qu’ils ne peuvent pas avoir l’arme nucléaire. Ce n’est pas une formule compliquée. L’Iran ne peut pas avoir l’arme nucléaire. C’est tout. Il ne peut pas l’avoir. »

Ooh, je tremble, a répondu l’ayatollah Khamenei (comme on l’imagine…).

Le chef suprême de l’Iran, Ali Khamenei, tient un fusil alors qu’il prononce un sermon dénonçant Israël et justifiant les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre 2023 en Israël, à Téhéran, le 4 octobre 2024. (Crédit : Capture d’écran/X ; utilisée conformément à la clause 27a de la loi sur le droit d’auteur)

En 2015, je notais également que l’Iran n’était pas tenu, en vertu du JCPOA, à cesser d’inciter sa population à la haine d’Israël et des États-Unis, ni à mettre fin à ses appels répétés à l’anéantissement d’Israël. Naturellement, rien n’a changé. Ce type de question, pourtant fondamentale, n’a même pas été abordé lors des négociations.

Monsieur le Président Trump, peut-être faudrait-il, cette fois, ne pas l’ignorer.

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