Netanyahu et Abdallah II vivent désormais dans le monde de Trump. Et le Hamas ?
Alors que le roi de Jordanie priait pour que le sol du Bureau ovale l'engloutisse, le Premier ministre essayait de déterminer de quelle hauteur le président voulait qu'il fasse le grand saut. Qu'en est-il du côté des brutes du Hamas ?
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Lors de la conférence de presse de mardi dernier dans le Bureau ovale, alors qu’il anticipait une apparition devant les médias assez courte – une autre étant prévue dans la journée – le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait d’abord semblé irrité par le fait que les journalistes aient encore le temps de lui poser des questions, à lui et à son hôte, le président américain Donald Trump.
« Je pense que ça suffit », avait-il déclaré au début de ce qui s’était transformé en une séance de questions-réponses de quatorze minutes. Il avait ensuite accusé les journalistes israéliens présents dans la salle de s’approprier le point-presse, déclarant ensuite : « Je pense que je devrais parler au président Trump, d’accord ? »
Toutefois, il avait peu à peu réalisé que Trump savourait ce face-à-face – d’autant plus qu’il parlait d’expulser « définitivement » toute la population palestinienne hors de Gaza. Et si vous lisez la retranscription des échanges avec les journalistes, vous constaterez par vous-même que Trump a dominé le reste de la conférence de presse, Netanyahu se contentant de se placer en retrait.
Une semaine plus tard, le dirigeant étranger qui a reçu les honneurs du Bureau ovale, ce mardi, a été le roi Abdallah II de Jordanie. Contrairement à Netanyahu, le souverain a vécu une rencontre cauchemardesque de son arrivée jusqu’à son départ.
Le moment le plus difficile a certainement été lorsque Trump a insisté sur le fait que « nous aurons une parcelle de terre en Jordanie… une parcelle de terre en Égypte », où les Gazaouis exilés par le président « vivront très heureux et en toute sécurité ».
« Et y a-t-il une parcelle de terre en Jordanie que vous êtes prêt à céder aux Palestiniens… ? », a-t-il donc été très naturellement demandé à Abdallah.

« Eh bien, je pense que ce que nous avons dit… Je dois veiller aux intérêts de mon pays », a réussi à répondre le monarque, utilisant un langage aussi provocateur qu’il pouvait l’oser alors qu’il se trouvait face à l’imprévisible leader du monde libre dont dépend le soutien de sa monarchie – un leader qui insiste par ailleurs pour qu’il laisse entrer dans son royaume, qui se caractérise par une instabilité constante, un grand nombre de personnes qui seraient autant de facteurs de déstabilisation.
Tout au long de cette épreuve, Abdallah a ressemblé à un poisson – particulièrement élégant – se débattant désespérément après avoir avalé un hameçon, les traits figés dans un rictus, un tic nerveux soulignant son malaise, chaque mouvement de son corps trahissant son désir d’en finir et de partir enfin.
Mais Netanyahu a été lui aussi pris au piège par Trump, comme en a témoigné le drame qui s’est déroulé presque simultanément à Jérusalem. Alors qu’Abdallah se rendait à la Maison Blanche, le cabinet de sécurité israélien se réunissait, vraisemblablement à la suite de la déclaration faite lundi par le groupe terroriste palestinien du Hamas – qui avait fait savoir qu’il suspendait jusqu’à nouvel ordre les libérations d’otages auxquelles il s’était engagé dans le cadre du cessez-le-feu à Gaza. En réalité, cependant, Netanyahu et ses ministres tentaient de comprendre ce que Trump voulait très exactement dire par son ultimatum adressé au Hamas, lancé lundi et répété mardi, concernant la remise en liberté de « tous les otages » avant samedi midi, sous peine de voir « l’enfer » se déchaîner à Gaza.
Comme souvent, il est difficile de savoir ce que Trump avait à l’esprit lorsqu’il a parlé de « déchaîner l’enfer ». Il est aussi difficile d’imaginer comment on pourrait faire davantage de mal à Gaza et au Hamas sans porter atteinte aux Palestiniens « merveilleux » qui n’appartiennent pas au groupe terroriste et sans nuire aux otages eux-mêmes – dont 38 seraient encore en vie – ces otages dont le président se préoccupe profondément.

Mais il est clair que la frustration remarquable de Trump face à un accord en vertu duquel des otages « arrivent » de Gaza par groupes de trois, ressemblant à des « survivants de la Shoah », s’apparente, in fine, à un rejet non-dissimulé du cadre prolongé et progressif que Netanyahu avait supervisé, approuvé et transmis à l’administration de Joe Biden au mois de mai dernier, et que l’envoyé de Trump au Moyen-Orient, Steve Witkoff, a finalement réussi à concrétiser le mois dernier.
Netanyahu et sa coalition refusent, depuis le 7 octobre, d’envisager sérieusement un accord unique impliquant la libération de tous les otages en échange de la remise en liberté d’un grand nombre de prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité nationale en Israël et de la fin de la guerre.
Du mois de mai 2024 jusqu’au mois de janvier 2025, le Premier ministre avait passé des mois à condamner le Hamas qui rejetait le cadre progressif qu’il privilégiait, tout en niant avec fureur qu’il en empêchait la mise en œuvre. Mais mardi, Netanyahu et ses ministres ont rapidement rejeté leur propre accord, en faveur de l’approche « tous, maintenant » de Trump.
Alors qu’une succession de déclarations courtes, soigneusement rédigées et finalement contradictoires ont été publiées dans les médias par une ou plusieurs sources officielles qui ne doivent pas être identifiées et que Netanyahu a posté sa propre déclaration vidéo, le tout en l’espace d’environ deux heures, je me suis demandé si quelqu’un à la Maison Blanche appelait le bureau du Premier ministre après chaque déclaration et en lui disant, de plus en plus irrité : « C’est mauvais, recommencez. »
Nous sommes passés d’une déclaration anodine émanant d’une source officielle anonyme laissant entendre que les ministres avaient unanimement soutenu l’appel de Trump à la libération d’un nombre non-spécifié d’otages d’ici samedi, à une demande spécifique, à nouveau transmise par M. Sans Nom, demandant la libération des neuf otages encore en vie qui devaient être libérés lors de la première phase. Nous avons eu Netanyahu en personne qui a averti que le cessez-le-feu prendra fin et que les combats intensifs reprendront si « nos otages » ne sont pas libérés avant la date limite ; et enfin, nous avons également eu le même officiel anonyme qui s’est aventuré à prononcer le mot « tous » : « Le Premier ministre Netanyahu et le cabinet s’en tiennent au message du président américain Trump concernant la libération des otages : Autrement dit, ils sortiront tous ce Shabbat. »
Faire le grand saut, Monsieur le Président ? Bien sûr. Mais depuis quelle hauteur ?
Plus d’un membre du cabinet de sécurité est manifestement d’avis que l’ultimatum de Trump, finalement approuvé à la quatrième tentative, fonctionnera, du moins dans une certaine mesure. Selon un reportage de la radio de l’armée qui a été diffusé mercredi matin, le cabinet de sécurité s’attend à ce que le Hamas libère samedi plus que les trois otages qu’il est tenu de libérer en vertu de l’accord – des captifs dont il avait déclaré qu’il suspendait la libération.
Il convient de rappeler que la menace tout aussi inquiétante et vague de Trump de voir l’enfer se déchaîner si l’accord actuel n’était pas signé et scellé avant son investiture avait effectivement produit l’effet escompté – même s’il fustige aujourd’hui le même accord.

La question essentielle à se poser, cette fois-ci, c’est de savoir quel type de pression Trump peut exercer – ou que le Hamas craint qu’il puisse exercer – pour appuyer sa demande louable de libération immédiate de tous les otages.
Il a manifestement une influence sur le Qatar, qui détient des actifs vulnérables aux États-Unis, qui est un allié majeur des États-Unis en dehors de l’OTAN et qui accueille la plus grande installation militaire américaine au Moyen-Orient. Ce qui a permis au Hamas de prospérer financièrement pendant des années. En outre, le Qatar finance la chaîne Al Jazeera, qui a été interdite par intermittence par de nombreux alliés des États-Unis dans la région et au-delà, et qui est actuellement interdite par l’Autorité palestinienne (pour incitation à la haine) et par Israël (qui considère Al Jazeera comme une menace pour la sécurité nationale).
Mais est-il prêt à utiliser ce levier ? Lors de sa rencontre avec Netanyahu dans le Bureau ovale, il a déclaré que « le Qatar essaie absolument d’aider Gaza ». Et le Hamas se soucierait-il réellement si, en retour, le Qatar essayait de le presser ?
Comme à son habitude, Trump s’est montré confiant, mardi, en ce qui concerne les monstres terroristes de Gaza et son ultimatum. « Ils veulent jouer les durs, mais nous verrons s’ils sont vraiment durs », a-t-il déclaré.

« Ce sont des brutes. Le Hamas est une bande de brutes. Les plus faibles sont des brutes. »
Tout comme le roi Abdallah, qui a prié pour que le sol du Bureau ovale s’ouvre et l’engloutisse tout entier, Netanyahu, son gouvernement et, par extension, nous tous ici, vivons désormais dans le monde de Trump.
Nous sommes sur le point de découvrir si le groupe terroriste palestinien du Hamas l’est aussi.
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