Tsahal: Le test des équipages de chars entièrement féminins est un succès
L'armée de terre va nommer ses premières commandantes de char dans le cadre d'un programme pilote d'intégration des femmes, après des mois d'entraînement et de missions de combat
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
L’armée israélienne a déclaré jeudi que son programme pilote d’équipages de chars d’assaut entièrement féminins a été un succès, quelques heures avant que quatre des participantes ne suivent la formation de commandants de chars d’assaut du Corps des blindés.
« Le processus de formation a été un succès, tant du point de vue pédagogique qu’opérationnel. Les soldates ont atteint tous les objectifs qui leur avaient été fixés », a déclaré le lieutenant-colonel Benny Aharon, responsable de la formation au commandement du Corps des blindés.
Le programme pilote a été conçu pour déterminer si les femmes pouvaient former des équipages de quatre personnes nécessaires à la manœuvre d’un char dans le cadre d' »opérations de sécurité de routine » à l’intérieur des frontières d’Israël ou juste au-delà si nécessaire – et non pas dans des guerres ou dans des combats derrière des lignes ennemies avancées.
Jusqu’à présent, les femmes n’avaient pas le droit de servir dans les unités de blindés, car on estimait qu’elles ne pouvaient pas supporter physiquement les difficultés propres à ces unités. Des femmes soldats ont cependant servi comme instructeurs de chars.
« La question était de savoir si quatre femmes pouvaient servir dans un char d’assaut dans le cadre de missions de sécurité de routine. La réponse est affirmative », a déclaré Aharon aux journalistes lors d’une conférence de presse téléphonique jeudi.
Le programme pilote a fait l’objet de nombreuses critiques depuis son annonce en novembre 2016, d’anciens commandants du Corps des blindés de Tsahal s’opposant au projet et le qualifiant de conspiration des « tarés » de gauche pour affaiblir l’armée. D’autres, cependant, ont salué le programme comme étant un correctif nécessaire.
L’essai a débuté l’an dernier par un processus de sélection de quatre semaines, qui a permis d’attirer des candidates parmi les recrues qui sont entrées dans l’armée pour servir dans une unité combattante mixte.
Les soldates devaient faire preuve d’une « grande motivation pour servir dans des missions de combat », a dit M. Aharon.
Quinze soldates ont été choisies. Deux d’entre elles ont abandonné pendant l’entraînement de base de huit semaines qu’elles ont effectué avec d’autres recrues pour des unités combattantes mixtes.
Les 13 autres ont été envoyées à la base Shizafon du Corps des blindés dans le désert du Néguev. Elles y ont effectué six semaines de formation professionnelle, apprenant à utiliser le char de type Merkava Mark 3, suivies de 14 semaines de formation avancée.
La formation avancée des recrues féminines était quelque peu différente de celle de leurs homologues masculins, a indiqué M. Aharon.
Comme le programme pilote a été conçu pour tester uniquement leur capacité à assurer la sécurité de routine à la frontière, leur formation ne comprenait pas d’exercices de guerre complets, a-t-il précisé.
Au cours de cette période d’entraînement, trois autres soldates ont abandonné le programme. Selon Aharon, les cinq soldates qui ont été éliminées ont été jugées soit inaptes pour des raisons médicales, soit inaptes sur le plan professionnel.
Tout au long de la formation, elles ont été suivies par des nutritionnistes, des médecins et des coachs sportifs afin de déterminer si elles étaient en mesure de relever les défis liés à ce poste. L’armée leur remettait aussi régulièrement, ainsi qu’à leurs commandants, des questionnaires pour déterminer leur niveau de motivation.
L’armée a déterminé que « le pourcentage de soldates qui n’ont pas terminé le programme est raisonnable étant donné qu’il s’agissait d’un pilote », a ajouté le lieutenant-colonel.
Les autres candidates ont ensuite été déployées dans la 80e Division de l’armée, qui est responsable du sud du Néguev et du désert de l’Arava, et qui surveille les frontières Sud.
Les recrues féminines n’étaient pas officiellement intégrées dans les brigades de combat du Corps des blindés – comme les 188e, 7e et 401e Brigades de blindés – mais servaient plutôt dans le cadre du bataillon mixte Caracal.
Quatre d’entre elles ont ensuite été choisies pour participer à la formation des commandants de chars du Corps des blindés, un programme de formation éreintant qui enseigne aux soldats les principales techniques d’utilisation des véhicules blindés en temps de guerre.
Au cours de cette formation également, de légers changements ont été apportés pour tenir compte des différents types de missions que les commandants de chars féminins recevraient par rapport à leurs homologues masculins, a dit M. Aharon.
Les six autres femmes opératrices de chars d’assaut ont été envoyées avec le reste du bataillon de Caracal pour une mission en Cisjordanie, a dit l’officier de chars d’assaut.
Jeudi, le Corps des blindés organisera une cérémonie de remise des diplômes pour les commandantes de chars, présidée par le chef du Corps, le général de brigade Guy Hasson, qui avait initialement exprimé des réserves quant aux équipages féminins de chars d’assaut.
« Devenir l’une des premières femmes commandants de char dans Tsahal signifie non seulement que je peux remplir ma mission de défense du pays, mais aussi que j’ai la possibilité de faire entrer les femmes au combat et d’offrir aux générations futures la possibilité de défendre leur pays comme leurs homologues masculins », a déclaré le Sgt Charlotte Feld-Davidovici, l’une des quatre femmes qui ont suivi la formation.
Pour l’instant, les 10 premières conductrices de chars de l’armée seront absorbées en tant qu’infanterie régulière dans le bataillon de Caracal, « jusqu’à ce que notre général décide de la suite des opérations », a précisé M. Aharon.
Bien que le programme pilote ait été considéré comme un succès, Aharon a souligné qu’il s’agissait d’un essai de portée limitée.
Par exemple, dit-il, il y a un inconvénient à utiliser des équipages entièrement féminins, à savoir que si une ou deux des membres sont blessées, elles ne peuvent être remplacées que par d’autres femmes, et non par des hommes, qui sont beaucoup plus nombreux.
« Nous avons fait des exercices dans lesquels une des femmes soldats était blessée ou tuée, afin de voir comment elles réagiraient. Et elles s’en sont bien tirées », a-t-il dit.
Toutefois, a-t-il dit, si le programme est mis en œuvre intégralement, les militaires devront examiner comment s’assurer d’avoir non seulement suffisamment d’équipages pour remplir les chars, mais aussi suffisamment de remplaçantes en cas de blessures ou d’autres circonstances exceptionnelles.
« Ce n’est qu’un pilote. Si nous voulons que cela devienne quelque chose de régulier, nous devrons prendre des décisions, créer une unité de chars d’assaut entièrement composée de femmes », a-t-il dit.
Ce programme pilote s’inscrit dans le cadre d’une tendance croissante de femmes qui occupent des postes de combat dans l’armée israélienne. Au cours des cinq dernières années, le nombre de femmes soldats a presque quintuplé, passant de 547 en 2012 à 2 700 l’an dernier.
Les adversaires de l’intégration des femmes la décrivent souvent comme une expérience sociale dangereuse avec des ramifications potentielles pour la sécurité nationale, alors que les défenseurs la présentent généralement comme une mesure nécessaire depuis longtemps, une mesure qui a déjà été mise en œuvre dans de nombreux pays occidentaux.
Les détracteurs notent que certaines exigences ont été abaissées pour les femmes soldats combattantes – ce qui, selon eux, est un signe que l’efficacité est sacrifiée – et que les soldates souffrent davantage de traumatismes liés au stress.
L’armée insiste sur le fait qu’elle permet à un plus grand nombre de femmes d’occuper des postes de combat pour des raisons pratiques, et non pour des raisons sociales, affirmant qu’elle a besoin de toute la main-d’œuvre féminine et humaine dont elle dispose.
Le programme pilote concernant les blindés, en particulier, a connu une vive opposition.
En novembre, lorsqu’il a été officiellement annoncé pour la première fois, d’anciens officiers supérieurs et des mouvements religieux s’y sont fermement opposés.
Le général de brigade (rés.) Avigdor Kahalani, célèbre commandant de la 7e brigade de blindés de Tsahal, a déclaré à la station de radio Galey Israel que les chars d’assaut n’étaient pas le meilleur endroit pour les femmes.
« Le rôle d’une femme est d’être une mère, de mettre des enfants au monde », a-t-il dit.
L’ancien général de Tsahal et actuel chef de l’Israel Electric Corporation Yiftach Ron-Tal a affirmé que la proposition de permettre aux femmes de conduire des chars était un « scandale » et faisait partie d’une conspiration de « tarés » d’extrême gauche pour affaiblir l’armée. Il s’est rétracté par la suite et s’est excusé, dans un contexte de réactions hostiles.
Au sein du Corps des blindés, il y a également eu une certaine opposition à l’intégration des femmes.
Avant que l’armée n’annonce son intention d’autoriser les femmes à servir dans les brigades de chars d’assaut, le général Hasson a déclaré au Times of Israel qu’il craignait qu’un tel geste ne nuise à l’“image” de l’unité.
« Nous sommes des combattants. Nous essayons de garder une image de combattants », a-t-il dit.
« Il y a encore des gens qui nous regardent et disent, il y a l’infanterie et puis il y a les blindés. Vous êtes moins combattants. Vous l’êtes moins », a-t-il dit.