Un Canadien, arnaqué par des options binaires, menace de se suicider et demande l’aide israélienne pour retrouver son argent
Brian Roxborough affirme que Magnum Options lui a volé les économies de toute sa vie, soit 134 000 dollars, et que la police n'a pris aucune mesure
Simona Weinglass est journaliste d'investigation au Times of Israël
Le Times of Israel a récemment reçu un courriel dont le titre était : « JE VAIS ME SUICIDER ». Son auteur, Brian Roxborough, un Canadien âgé de 49 ans, y explique avoir perdu les économies de toute une vie, soit plus de 134 000 dollars. Une somme qui lui a été dérobée par une entreprise d’options binaires appelée Magnum Options – une entreprise qui a fermé ses portes et qui opérait depuis la région de Tel Aviv.
Le Times of Israel a également été contacté par un homme qui a perdu des dizaines de milliers d’euros, confiés à une autre entreprise similaire appelée Tradeo, et menace également d’attenter à sa vie.
Ces menaces surviennent un an après le suicide de Fred Turbide, père de quatre enfants.
Lui aussi avait été floué par une entreprise d’options binaires qui se trouvait en Israël. Son décès et le témoignage de sa famille à la Knesset, qui avait été arrangé par le Times of Israel, ont joué un rôle dans le processus qui a finalement mené à l’interdiction par le Parlement israélien de toute l’industrie des options binaires – une interdiction qui rentrera en vigueur le mois prochain.
Dans chacun des deux cas, ces hommes désespèrent de retrouver leur argent et n’ont pas pu identifier les ultimes bénéficiaires de l’escroquerie, à savoir les propriétaires des comptes bancaires sur lesquels leurs économies ont fini. Ils ont tous les deux demandé au Times of Israel de lancer un appel à l’aide au public.
Depuis que le Times of Israel a commencé à exposer cette industrie frauduleuse qui vole des milliards à des victimes dans le monde entier depuis une décennie, nous avons reçu un nombre constant de courriels de victimes qui réclament de l’aide, racontent comment leur vie a été détruite et demandent des informations sur les entreprises qui leur ont pris leur argent. Le Times of Israel n’a pas eu connaissance d’efforts significatifs livrés par les forces de l’ordre pour récupérer les milliards qui ont été volés et aucun Israélien n’a été condamné jusqu’à aujourd’hui pour escroquerie au sein de l’industrie des options binaires. Les fraudeurs offraient la promesse de retours sur investissements à court-terme très lucratifs, mais avaient recours à des ruses diverses et variées – des fausses déclarations, la manipulation de plateformes de trading et le refus de remboursement des sommes investies – pour arnaquer leurs victimes.
De multiples sources ont fait savoir au Times of Israel que depuis l’adoption de la loi interdisant l’industrie toute entière, de nombreuses entreprises d’options binaires ont commencé à déplacer leurs opérations à l’étranger. D’anciens opérateurs et d’anciennes firmes, nous a-t-on dit, se sont également lancés dans des escroqueries associées impliquant notamment les cryptodevises.
Ainsi, comme nous l’avions rapporté le 4 décembre, les panneaux des petites annonces en Israël à l’intention de ceux qui parlent des langues étrangères – qui regorgeaient de publicités pour les options binaires au cours de l’été – sont dorénavant pris d’assaut par des offres d’emplois recherchant des commerciaux « avides d’argent » pour qu’ils viennent travailler dans des centres d’appels qui offrent « les primes les plus élevées ». « L’expérience dans les options binaires est un avantage ! » écrivent certains recruteurs, qui n’ont pas été dissuadés – et à l’évidence, ce n’est pas non plus le cas des candidats – par le fait que cette industrie entière est dorénavant hors-la-loi.
La demande d’aide par courriel de Roxborough, écrite en lettres capitales, dit : « Le gouvernement israélien a permis aux entreprises d’options binaires non régulées d’opérer en Israël. Les entreprises d’options binaires non-régulées escroquent des gens dans le monde entier et Israël gagne beaucoup d’argent à partir de cette fraude, créée par les sociétés de vente d’options binaires. Mon épouse et moi même avons perdu les économies de toute notre vie le mois dernier, lorsque Magnum Options a clôturé sa boîte courriel et son site internet et nous a volé notre argent. »
Lorsque Magnum Options a baissé le rideau, a dit Roxborough, il avait 220 000 dollars canadiens sur son compte, soit 170 000 dollars américains, qu’il avait déposé et 50 000 dollars qu’il avait engrangé comme « bénéfices » par ses opérations. Chauffeur routier à la retraite, il a expliqué ne pas savoir vers qui se tourner pour retrouver son argent. Il a ajouté qu’un avocat israélien lui avait dit que maintenant que de nombreuses entreprises avaient mis la clef sous la porte, ils ne répondront pas aux lettres de demande – et que c’est aux victimes de traquer les propriétaires actuels et les traduire en justice.
Roxborough a indiqué avoir besoin de connaître les identités réelles des gestionnaires de son compte, « Olivia Williams », « Thomas Rogen » et « Aaron Phillips » qui, a-t-il dit, l’ont trompé, l’amenant à placer entre leurs mains les économies de toute une vie avec de fausses promesses d’importants retours sur investissement.
Après avoir reçu le courriel de Roxborough au mois d’octobre, le Times of Israel l’a communiqué à l’ambassade canadienne à Tel Aviv , à la commission des Titres du Manitoba et à la police israélienne.
Le gouvernement canadien a contacté la police aux Philippines, où Roxborough a récemment pris sa retraite, et plusieurs agents philippins se sont présentés à son domicile pour s’assurer qu’il n’avait pas mis sa menace à exécution. Ils ont alors pris une photographie de lui et l’ont renvoyée aux Canadiens.
La police israélienne a appelé le Times of Israel plusieurs semaines après que nous avons rapporté l’incident, demandant si nous avions les informations nécessaires pour entrer en contact avec Roxborough. Ce dernier nous a ultérieurement assuré que la police israélienne n’avait pas pris contact avec lui.
Il a reçu un courriel émis par le bureau du Premier ministre, auquel il avait également écrit, disant que le gouvernement israélien était impuissant face à l’argent confié à une entreprise privée.
Le 18 octobre, le gouvernement britannique a dissous deux entreprises que MagnumOptions.com et MagnumOptions.eu utilisaient pour opérer. Il s’agissait de Hampshire Capital Ventures Limited (Hampshire Capital), et de sa successeuse, Solaris Vision Ltd, une entreprise enregistrée en Bulgarie.
Selon un communiqué de presse transmis par l’Agence d’insolvabilité du Royaume-Uni, 41 plaintes ont été déposées auprès de la police britannique contre Magnum Options entre le mois de février 2016 et le mois de mars 2017. Le communiqué de presse évoquait notamment les pratiques de trading de Magnum Options.
« Les sites présentaient de nombreuses affirmations de retour d’investissement possibles, avec un taux de retour de 81 % par opération utilisé comme titre sur tous les sites », spécifiait le document. « Les enquêtes sur ces deux entreprises ont permis d’établir qu’elles ont attiré les clients à travers un marketing internet viral, offrant des retours fixes garantis à travers tous leurs sites. Les clients n’étaient pas informés des termes et des conditions mis en place sur le point de vente. Ces termes et ses conditions étaient conçus de manière à être onéreux et injustes pour les clients, exigeant d’eux qu’ils effectuent 30 ou 40 opérations sur leurs comptes afin d’effectuer des retraits ».
« Même lorsque les clients pouvaient en effectuer, aucun paiement n’était alors remis », a expliqué l’agence britannique. « Les clients qui cherchaient à faire des retraits ou à se rembourser sur leurs dépôts rencontraient principalement le silence des entreprises, qui ne pouvaient, après signature du client pour l’ouverture des opérations, n’être contactées que par courriel ».
Le service d’insolvabilité a également fait savoir que Magnum Options avait fait des retraits non-autorisés à partir des cartes de crédit des clients, et avait prétendu travailler depuis le Royaume-Uni alors que ce n’était pas le cas.
Lorsque Roxborough est entré en contact avec ce service, il s’est vu répondre que le gouvernement britannique ne savait pas comment faire pour récupérer l’argent des victimes.
« Les individus derrière ces entreprises ont pris des précautions considérables pour pouvoir dissimuler leurs identités », a dit un haut-responsable du service dans un courriel écrit à Roxborough. « Il n’a pas encore été possible d’entrer en contact avec les entreprises ou de retrouver les registres ou leurs actifs. En particulier, il n’a pas été possible d’établir les détails des comptes bancaires qui ont été utilisés par ces entreprises. De ce que nous en savons, il n’est pas probable qu’il y ait une redistribution financière aux créanciers. »
Le service d’insolvabilité du Royaume-Uni a précisé au Times of Israel qu’il serait heureux de recevoir des informations de la part du public sur les propriétaires et les comptes bancaires de Magnum Options.
Plusieurs anciens employés et autres sources ont fait savoir au Times of Israel que Magnum Options était l’une des entreprises du secteur opérées par une firme appelée Rushmore Marketing à Tel Aviv. Traderush, Boss Capital et 10Trade figurent armi les autres entreprises. Le propriétaire de Rushmore Marketing, selon le registre israélien des entreprises, est Jonathan Siennicki, résident de Kfar Shmaryahu. Dans le dossier des Panama Papers, les trois sociétés sont décrites comme appartenant à Iuliia Vasylchuk de Netanya, une immigrante ukrainienne en Israël.
Avant de s’impliquer dans les options binaires, Rushmore Marketing gérait plusieurs casinos en ligne, enregistrés au nom de la compagnie chypriote Isagro Holdings.
Isagro Holdings Ltd. a été fondé en 2006 par deux autres entreprises chypriotes, Paramac Ltd et Plenexus Ltd., selon le registre des entreprises de Chypre. Selon de nombreux articles parus dans les médias roumains, Paramac est la propriété d’un ressortissant roumain appelé Lucian Badescu et Plenexus appartient à Silviu Bogdan Mihalcea-Calinescu. Les deux hommes se sont retrouvés impliqués dans une affaire de corruption dans laquelle ils achetaient des ressources énergétiques à bas prix au gouvernement roumain et les revendaient au gouvernement roumain moyennant une prime, une opération rendue possible par les relations amicales qu’ils entretenaient avec des personnalités politiques de premier plan.
Durant l’année 2017, toutes les parts d’Isagro Holdings ont été transférées à deux Israéliens, Naphtali Goldman et Jonathan Siennicki. Goldman avait été arrêté par la police israélienne en 2009 pour avoir ouvert un casino en ligne qui aurait pris pour cible des Israéliens. Le partenaire présumé de Goldman dans cette affaire, était Asi Vaknin, personnalité réputée de la pègre israélienne et devenu témoin de la police contre la famille Abergil, connue dans les milieux criminels. Goldman avait été finalement disculpé, selon un communiqué de presse qu’il avait publié lui-même. Le Times of Israel n’a pas été pour sa part en mesure d’identifier de manière indépendante l’issue du dossier, les documents du tribunal étant « classifiés » et non disponibles pour le public. Au mois de novembre 2017, Siennicki est devenu l’unique actionnaire d’Isagro Holdings, ainsi que l’unique actionnaire de Rushmore Marketing.
Le Times of Israel a tenté, sans succès d’entrer en contact avec Siennicki pour obtenir une réponse à cet article.
Le compte bancaire où Roxborough a transmis l’argent était au nom d’une entreprise de Hong-Kong, « Valoris HK Ltd », à la banque Pekao de Varsovie, en Pologne.
Curieusement, une recherche en ligne de ce compte en banque – ou un compte au même nom à la banque Pekao – révèle qu’il reçoit encore activement des fonds. Le même compte bancaire a été utilisé pour accepter des paiements pour TD Markets, un site de trading en options binaires et en Forex, et QuadrigaCX, une bourse de bitcoins qui affirme être basée à Vancouver, au Canada. Il y a également une plainte en ligne déposée par une femme à qui il a été demandé d’envoyer de l’argent à Valoris HK Ltd pour acheter des produits pharmaceutiques vétérinaires.
Le 24 novembre, Roxborough a envoyé un deuxième courriel au bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu, rédigé comme suit : « Salut au gouvernement israélien. Vous avez refusé de me rendre mon argent qui a été volé par Magnum Options, même si j’ai dit que j’allais me suicider. Vous pensez probablement que légalement, vous n’avez aucune obligation de me rendre mon argent puisque j’ai donné mon argent à une entreprise et que vous n’avez aucune obligation de me le rendre. Mais votre gouvernement doit avoir l’obligation morale de me venir en aide ».
‘Je ne suis personne en Israël. Je ne suis qu’une cible non-humaine auprès de qui voler de l’argent, sans plus de sentiments’
« Mon sentiment, c’est qu’Israël ne fera rien », a-t-il continué. « Israël aime que les entreprises d’option binaires escroquent des gens dans le monde entier. Je ne suis personne en Israël. Je ne suis qu’une cible non-humaine auprès de qui voler de l’argent, sans davantage d’états d’âme. »
Interrogé sur la manière dont il a répondu aux courriels de Roxborough, le bureau du Premier ministre a fait savoir dans une déclaration que « le gouvernement a avancé une législation qui interdit entièrement la vente d’options binaires depuis Israël. La loi a été approuvée il y a environ un mois et elle rentrera en vigueur dans approximativement deux mois ».
Un porte parole de l’Autorité des titres israéliennes a expliqué que l’ATI serait heureuse d’aider le gouvernement britannique à retrouver les propriétaires de Magnum Options mais que, pour ce faire, une requête officielle devait être envoyée par l’Autorité des services financiers du Royaume-Uni.
La police israélienne n’a, pour sa part, pas répondu à la demande de commentaires du Times of Israel.