Une pièce de théâtre à succès déclenche une tempête d’antisémitisme
Depuis son lancement il y a un an, "One Jewish Boy" de Stephen Laughton raconte le parcours d'un couple mixte. Entretien
- Robert Neumark-Jones incarne Jesse et Asha Reid joue Alex dans la pièce de Stephen Laughton : 'One Jewish Boy.' (Autorisation)
- Robert Neumark-Jones incarne Jesse et Asha Reid joue Alex dans la pièce de Stephen Laughton : 'One Jewish Boy.' (Autorisation)
- Le dramaturge Stephen Laughton. (Autorisation)
- Robert Neumark-Jones incarne Jesse dans la pièce de Stephen Laughton : 'One Jewish Boy.' (Autorisation)
JTA – Stephen Laughton est un dramaturge juif britannique sur la voie de la célébrité. Sa troisième pièce, « One Jewish Boy », a reçu de très bonnes critiques il y a un peu plus d’un an lorsqu’elle a été jouée au Old Red Lion Theater.
Le succès a été tel qu’elle a obtenu un contrat pour une adaptation au cinéma, une tournée nationale et, à partir de mardi, une représentation dans un prestigieux théâtre du West End.
Autre chose : la pièce a également déclenché la rage des trolls antisémites.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
« J’ai été choqué », a déclaré Laughton, 39 ans, lors d’un entretien téléphonique avec la Jewish Telegraphic Agency depuis son bureau au Museum of Natural History de New York, où il est écrivain résident. « J’ai pensé que j’en aurais un peu. Mais je ne m’attendais pas à ce qu’ils soient aussi virulents ».
Les affiches de la pièce ont été défigurées, déchirées et arrosées d’urine. Des slogans antisémites ont été diffusés sur les réseaux sociaux : « Qui se soucie des Juifs. Ça a l’air merdique » ; « Peut-être pourriez-vous écrire une pièce sur les enfants palestiniens qui se font exploser par les Juifs » ; « Vous êtes un p****n de facilitateur. Vous, les Juifs, vous me dégoûtez. »

Il y a eu des menaces de violence physique et, pire encore, des fous ont découvert l’adresse de son domicile.
« Je recevais [des lettres] chez moi », a-t-il dit.
De façon ironique, cette haine viscérale et irrationnelle dirigée contre les Juifs est au centre même de « One Jewish Boy ». Le protagoniste Jesse est juif et marié à Alex, une femme métisse. Tous deux ont connu la haine, sous des angles différents.
Suite à une violente agression antisémite à Londres, la peur de Jesse envers le monde non-juif devient obsessionnelle et finit par affecter leur mariage.
« Ils tirent sur les Juifs dans les supermarchés de Paris« , dit Jesse à un moment donné. « Ils tirent sur des Juifs dans des écoles juives à Paris. »
La pièce aborde tour à tour leur première rencontre, la phase de séduction, le mariage, la parentalité et finalement la séparation. La relation explore différentes questions interconfessionnelles et interraciales – Alex admet qu’elle ne voudrait pas circoncire leur enfant et Jesse traverse la route après avoir vu un homme noir qu’il trouve menaçant.
Alex n’est pas la seule à être dérangée par l’attitude de Jesse. Sa fixation sur son angoisse intérieure le rend moins sympathique. Laughton est d’accord sur ce point et a même réécrit le rôle pour la version West End afin de rendre Jesse un peu plus agréable.

« Ça a marché dans la pièce. Le public l’a apprécié. Mais c’était un échec de ma part », a déclaré Laughton. « Je l’ai tenu trop près. J’ai seulement laissé la peur sortir de lui. Cette peur le mine. »
Laughton insiste sur le fait qu’il ne soit pas Jesse mais précise que « certaines de ses craintes sont potentiellement basées sur les miennes ».
Le dramaturge a été harcelé à cause de son identité, notamment lorsqu’il travaillait pour la BBC à l’été 2014, pendant le conflit armé entre Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas. Les tensions étaient vives dans les bureaux de la BBC, et le fait que des militants organisaient régulièrement des rassemblements pro-Israël et pro-palestiniens concurrents n’a pas aidé. Les deux parties ont accusé la BBC de partialité.
Une fois, il a été accosté lors d’un rassemblement. « Je marchais sur la place où se déroulait un rassemblement pro-palestinien. Un gamin, qui n’était absolument pas palestinien, il était caucasien, me tend un prospectus », se souvient Laughton. « Je le prends et il voit que j’ai un tatouage au poignet. C’est le mot hébreu « ‘herout », qui signifie « liberté ». Il me demande de quelle langue il s’agit et quand je dis que c’est de l’hébreu, il me demande si je suis juif, me saisit le poignet, le soulève en l’air et dit : « Nous avons un juif ». »
Laughton s’en est sorti indemne, mais la rage et la peur qu’il a ressenties sur le moment est resté. Ayant grandi à Worcester, en Angleterre, avec un père chypriote grec et une mère juive, il ne se sentait pas très lié au judaïsme ni à son identité juive.
Il dit qu’il a toujours « senti que c’était au fond de lui », mais ce n’est qu’après que Laughton a déménagé à Londres lorsqu’il avait une vingtaine d’années, où « il y avait plus de juifs dans les environs », que cela a commencé à émerger.
« Le côté juif en moi a commencé à l’emporter », a-t-il dit.

Ces jours-ci, Laughton pense que la rhétorique anti-immigrés entourant le Brexit a « donné une voix et une permission au racisme » et « rendu l’antisémitisme respectable ».
L’Angleterre a été secouée par une controverse antisémite qui dure depuis des années et qui implique le parti travailliste du pays, qui était jusqu’à récemment le foyer politique de la plupart des Juifs britanniques.
Laughton a essayé de contacter certains des antisémites qu’il a croisés en ligne. Lors de la course du Red Lion, il a même invité ceux « qui se sont attaqués à moi en ligne » à assister à son spectacle et à s’asseoir à côté de lui. Il pense que certains d’entre eux se sont présentés à des spectacles précédents.
Dans son invitation, Laughton leur a seulement demandé, s’ils avaient un problème avec lui, de se lever tranquillement et de partir sans déranger le spectacle.
Personne ne l’a fait.
Comptez-vous sur le Times of Israël en français pour vous informer de manière précise et pertinente sur Israël, le Moyen Orient et le Monde juif ? Si la réponse est oui, n'attendez plus pour rejoindre la Communauté du Times of Israël !
En contribuant avec la somme de votre choix, une fois par mois ou une fois par an, vous pouvez :
- soutenir un journalisme indépendant et de qualité
- profiter d'une lecture sans publicité sur le site, la version mobile et les e-mails
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cela que nous travaillons chaque jour : pour offrir aux lecteurs avisés, comme vous, une couverture médiatique pertinente sur Israël, le Moyen Orient et le Monde juif. Contrairement à de nombreux autres médias, notre contenu est accessible gratuitement - sans paywall surgissant dès le premier paragraphe. Mais notre travail s'avère de plus en plus coûteux. C'est pourquoi, nous invitons les lecteurs, qui le peuvent et pour qui le Times of Israël en français est devenu important, à nous soutenir en rejoignant la Communauté du Times of Israël en français. Pour la somme de votre choix, une fois par mois ou une fois par an, vous pouvez vous aussi contribuer à ce journalisme indépendant de qualité et profiter d'une lecture sans publicité.
C’est vous qui le dites...