Israël en guerre - Jour 478

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Analyse

Une semaine de raids et d’arrestations : aucune piste solide sur les ravisseurs

Israël cible le Hamas en Cisjordanie, mais les responsables de l’enlèvement des trois adolescents sont ailleurs

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Des soldats de l'armée israélienne à Hébron (Crédit photo : Yonatan Sindel/Flash90)
Des soldats de l'armée israélienne à Hébron (Crédit photo : Yonatan Sindel/Flash90)

Le groupe terroriste qui a été capable d’enlever 3 adolescents israéliens de l’arrêt d’auto-stop d’Alon Shvut jeudi dernier entrera certainement dans les annales du Shin Bet (service de sécurité intérieure d’Israël) et des agences israéliennes de renseignement comme l’une des cellules les plus dangereuses et les plus sophistiquées à avoir été active en Cisjordanie ces dernières années.

Naturellement, pour des raisons de confidentialité, peu de détails de l’opération ont filtré. Pourtant, la manière dont la cellule a été capable de couvrir ses traces indique que les terroristes ont préparé l’attaque des semaines, si ce n’est des mois, à l’avance.

Disparaître plus d’une semaine avec tous les services israéliens de renseignement et l’armée à sa poursuite n’est pas chose aisée. Une question se pose alors : cet enlèvement pourrait-il être une initiative locale par une cellule locale du Hamas agissant seule ou s’agit-il d’un enlèvement commandité par des responsables politiques du Hamas ou ses hauts dirigeants militaires ?

Dans un entretien avec des journalistes militaires mercredi, un officier haut gradé a cité une déclaration donnée en mai par le chef du bureau politique du Hamas, Khaled Meshaal, dans laquelle il parlait à un des importants prisonniers du Hamas enfermé dans une prison israélienne, Hassan Salame.

Meshaal lui avait dit que les dirigeants du mouvement avaient reçu sa lettre, et que l’aile militaire du groupe, les brigades Ezzedine al-Qassam, y répondrait. Le même officier israélien a également fait une allusion en laissant entendre que les mots de Meshaal seraient en réalité un ordre aux forces de terrain de réaliser un enlèvement.

Si cela est vrai, il n’est pas simple de comprendre pourquoi l’armée a concentré ses efforts intensifs sur les cibles du Hamas en Cisjordanie au cours de la semaine passée. Cette réponse israélienne à l’enlèvement était certainement la plus aisée à mettre en place, mais elle ne sera efficace que sur un très court terme.

L’armée et l’Etat d’Israël ont ciblé le plus faible car le Hamas n’a pas de présence forte et importante en Cisjordanie, les instructions de l’enlèvement ne sont donc certainement pas venues de là. On peut donc vraisemblablement penser que l’ordre est venu des dirigeants du Hamas à Gaza ou à l’étranger. Un officiel israélien de la sécurité a en effet mis en cause jeudi soir Saleh al-Azouri, caché à Ankara, qui informe Meshaal.

Pourquoi Israël concentre-t-il alors seulement ses efforts sur le Hamas en Cisjordanie ? Il n’y a pas d’infrastructure complexe et sophistiquée. Le mouvement n’y est pas vraiment puissant ces dernières années, et ses capacités militaires ne sont pas réellement efficaces. L’Autorité palestinienne traque ses membres et ses militants, tandis que la crise économique à Gaza a également laissé des traces en Cisjordanie.

A Gaza, la tactique de l’enlèvement a fonctionné malgré le prix fort payé par les résidents. En Cisjordanie, la population espère répéter la situation de l’enlèvement de Gilad Shalit en 2006, mais elle devra déjà payer le prix que les résidents de Gaza ont payé à l’époque. L’escalade militaire est effectivement la plus grande peur aussi bien à Gaza qu’en Cisjordanie. Cela entrainerait évidemment de graves conséquences sur la population, les villes et l’économie palestinienne.

Ce dernier point est crucial, et cela tout spécialement à la lumière de la date de l’enlèvement : 10 jours avant le début du mois du Ramadan, une période de vacances et de consommation que de nombreux marchands attendent toute l’année. Si Israël décide d’étendre ses opérations en Cisjordanie dans les prochains jours, il est difficile de s’avoir comment la popularité du Hamas en sera affectée. Si les préparations de la fête sont compromises par l’enlèvement, il n’est pas certain que le soutien du Hamas en Cisjordanie augmentera.

La décision d’Israël d’entreprendre une opération militaire d’envergure contre le Hamas en Cisjordanie est certainement due au fait qu’il n’a pas d’autre choix. Israël hésite en effet à se lancer dans des actions militaires contre les vrais responsables de l’enlèvement : les dirigeants du Hamas à Gaza ou à l’étranger. Une escalade de la situation à Gaza conduirait certainement à des tirs de roquettes sur Tel Aviv, ce dont aucun dirigeant israélien ne veut.

La fin du processus de réconciliation

Mercredi, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a réussi à surprendre le ministre des Affaires étrangères de la Ligue arabe, lors d’une rencontre en Arabie saoudite, critiquant l’enlèvement. Il y avait des signes d’avertissement : deux jours auparavant, un journaliste avait cité un haut responsable de l’Autorité palestinienne disant que si le Hamas s’avérait être derrière l’enlèvement, cela provoquerait une réelle crise dans les efforts de réconciliation. Personne au Hamas n’attendait pourtant une condamnation aussi forte de la part d’Abbas.

Selon les propres mots d’Abbas, l’enlèvement des « jeunes » (il a délibérément choisi cette expression qui insiste sur la jeunesse des adolescents, plutôt qu’habitants des implantations) pourrait détruire les Palestiniens et leur faire du mal. Il a ajouté une menace : quel que soit le parti responsable de l’enlèvement, « nous lui parlerons et agirons différemment envers lui ». Il n’a pas prononcé le mot « Hamas », mais tout ceux qui l’ont entendu ont compris ce qu’il voulait dire.

Le changement de position de l’Autorité palestinienne n’est pas sans raison.

Les hauts responsables du Fatah, et tout particulièrement Abbas, ont compris que le Hamas les a simplement manipulés. Le Hamas n’a respecté aucun de ses engagements, que ce soit l’arrêt des actions terroristes ou le respect de son retrait annoncé du gouvernement de la bande de Gaza.

Tout en demandant à Abbas de payer les salaires de 40 000 de ses anciens bureaucrates, le Hamas fait tout pour saper l’autorité d’Abbas. Cette attaque n’était pas seulement un coup contre Israël, mais aussi contre Abbas et les promesses qu’il a faites à la communauté internationale.

Lundi, Abbas et Netanyahu ont parlé au téléphone. Pour la première fois depuis longtemps, le ton de leur conversation était différent. Netanyahu n’a pas fait de menaces tandis qu’Abbas n’a pas essayé de rejeter la faute sur l’occupation. Il a promis de prendre des mesures pour ramener les jeunes.

Depuis lors, les deux parties ont effectivement parlé sur des tons différents : Netanyahu est resté limité dans ses critiques de l’Autorité palestinienne tandis qu’Abbas, de son côté, a menacé le Hamas.

Plusieurs hauts responsables du mouvement ont immédiatement répondu avec fureur contre Abbas en l’accusant de s’exprimer comme le « porte-parole de l’armée israélienne ».

Entre radicalisation et frustration

Mercredi après-midi, à Hébron, je me suis arrêté au niveau d’un jeune Palestinien à moitié endormi. Je lui ai demandé des indications pour mon chemin, et je lui ai demandé de monter avec moi. Il n’a pas réalisé que j’étais juif et a continué à écouter de la musique sur YouTube avec son portable.

Soudain, j’ai remarqué que la chanson était en hébreu. Je lui ai demandé des informations sur la musique, et il m’a dit que le chanteur s’appelait Nir Ben-Menahem. Un chanteur israélien juif de musique mizrahi [orientale] qui, semble-t-il, a su captiver l’intérêt de ce jeune de Hébron. Ce jeune, appelé Issam, était très critique à l’égard du Hamas et de l’enlèvement.

Le problème auquel Abbas et le Fatah font face est que, contrairement à Isaam, la plupart des résidents de la ville n’écoutent pas de la musique israélienne, et voient l’enlèvement comme quelque chose de positif.

Ils sont également très critiques vis-à-vis de l’Autorité palestinienne qui a accepté l’aide israélienne dans les domaines de la sécurité et des renseignements tandis qu’environ 250 prisonniers font une grève de la faim dans les prisons israéliennes.

C’est une ville pro-Hamas, les gens sont ici plus religieux et plus radicaux que n’importe où en Cisjordanie.

Mazen Al-Geith, propriétaire d’une boutique d’ustensiles de cuisine, est le frère d’un membre du Hamas, un prisonnier administratif qui fait une grève de la faim depuis 55 jours. Selon lui, le public israélien et le Shin Bet ne comprennent pas à quel point la grève de la faim des prisonniers a eu de l’impact. Et ce n’est encore rien, dit-il, comparé à l’impact des images diffusées il y a une semaine qui montraient les forces de sécurité palestiniennes en train de frapper cheikh Hassan Youssef, le plus haut responsable du Hamas en Cisjordanie.

« L’enlèvement est aussi contre l’Autorité palestinienne », a déclaré al-Gheith. Il a expliqué que peu de temps auparavant, il avait rencontré un agent du Shin Bet, le « Capitaine Adiv », qui était venu le voir chez lui. « Je lui ai dit : ‘ C’est dommage pour vous, pour vos enfants. Vos politiques ruinent les cœurs au lieu d’aider à la compréhension’. Je lui ai dit qu’ils devaient libérer mon frère. Je lui ai expliqué que Hébron était une ville d’hommes forts, qui n’ont peur de rien ».

Son ami Ahmad s’est mêlé à la discussion. « Les habitants de Hébron sont agressifs et têtus. Personne ne peut arrêter le Hamas ici. Pas même les mécanismes de sécurité. Tout le monde est Hamas ici, tout le monde soutient l’enlèvement ».

Khaled, âgé de 30 ans et coiffé d’une quantité impressionnante de gel dans les cheveux, est entré dans le magasin.

« Je ne suis pas d’accord », a-t-il dit. « Excuse-moi de dire cela, mais ce sont l’argent et la nourriture qui m’intéressent. Est-ce que je suis content de l’enlèvement ? Non, je ne suis pas content et je n’en veux pas ».

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