USA: Polémique autour d’un arbre de Noël et d’une ménorah dans une école publique
La mère d'une d'élève juive a porté plainte contre une école californienne qui avait refusé sa demande d'amener une hanoukkia gonflable à une cérémonie d'éclairage d'un arbre
J. The Jewish News of Northern California via JTA — Cela faisait un certain temps que Shel Lyons soupçonnait l’école élémentaire que fréquente sa fille de privilégier le christianisme au détriment des autres religions.
Et cette année, cette mère de famille juive a pensé avoir trouvé la preuve venant confirmer ses soupçons lorsqu’une cérémonie d’éclairage d’un arbre de Noël a été organisée au sein de cet établissement scolaire de la ville de Carmel, en Californie. Elle a alors demandé à pouvoir amener une hanoukkia gonflable géante qui serait installée près de l’arbre – une requête qui a été refusée par l’administration de l’école et par l’association des parents et des professeurs.
Trois jours avant cette cérémonie qui devait avoir lieu le 10 décembre, Lyons a décidé d’en appeler à la justice. Avocate de carrière, elle a porté plainte, dans le District du nord de la Californie, contre le district scolaire, contre le superintendant Ted Knight et contre le principal de la Carmel River School, Jay Marden, demandant une ordonnance temporaire de restriction qui aurait obligé l’école à accepter l’installation de la hanoukkia gonflable.
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Trois jours après le dépôt de la plainte, Lyons – dont l’un des enfants est en CE2 au sein de l’établissement et dont les deux autres enfants avaient fréquenté dans le passé la même école – a retiré volontairement sa plainte après qu’un juge a estimé que cette dernière ne répondait pas aux « standards élevés » nécessaires qui auraient justifié une ordonnance de restriction.
Ce conflit remet en exergue des questions, vieilles de nombreuses décennies, sur la manière d’inclure de façon appropriée les élèves de différentes confessions à l’école élémentaire et elle remet au goût du jour le débat national sur ce que signifie l’affichage d’une préférence pour une religion spécifique – ce qui est considéré comme inconstitutionnel dans une école publique, selon la clause d’établissement du Premier amendement.
Les responsables de la Carmel River School ont affirmé, de leur côté, que l’éclairage de l’arbre n’était pas une cérémonie religieuse par nature et qu’il n’était qu’une occasion donnée de célébrer la période des vacances de fin d’année. Lyons, pour sa part, continue à penser que la cérémonie du 10 décembre n’a rien eu de neutre au niveau religieux et que l’événement était bien lié au christianisme.
Les accusations « d’approbation systémique des croyances chrétiennes » sont « très graves » et « le sentiment d’exclusion vécu par des enfants mineurs est particulièrement troublant », a écrit la magistrate Beth Labson Freeman dans le jugement qui a rejeté l’ordonnance de restriction. En revanche, elle ne s’est pas exprimée sur la question plus large posée par la plainte de Lyons : L’école, dans les faits, a-t-elle accordé une préférence au christianisme ?
Cette cérémonie du 10 décembre avait été organisée par l’Association des parents et des professeurs de la Carmel River School, ce qui nécessitait que la direction de l’école donne son autorisation pour qu’elle puisse se dérouler dans l’enceinte de l’établissement. Même si elles avaient été décrites comme un éclairage d’arbre, les festivités comprenaient aussi la décoration de ce dernier, dans l’école, par les élèves.
Lyons considère qu’il s’agit là d’une cérémonie chrétienne, indiquant que si les symboles et des célébrations sur le thème de Noël ont envahi l’établissement, cela n’a pas été le cas concernant les symboles d’autres fêtes, comme Hanoukka et Kwanzaa, une fête créée par l’activiste afro-américain Maulana Karenga.
L’école avait bien tenté, dans le passé, d’inclure Hanoukka dans les fêtes. Mais quand une chanson de Hanoukka avait été entonnée lors du spectacle de musique des élèves auquel sa fille avait participé, il y a plusieurs années, explique Lyons, elle avait été présentée comme une chanson « israélienne » – ce qui signifie, selon elle, que les chansons de Noël auraient dû tout simplement être présentées des chansons « américaines ».
« J’ai dû leur expliquer que nous ne sommes pas Israéliens, ma fille ne parle pas l’hébreu », explique-t-elle.
Avant la cérémonie, l’Association des parents et des professeurs avait demandé aux familles d’apporter un objet de décoration « qui reflète votre famille, vos origines et/ou votre foi ».
Lyons note qu’elle et son mari ont « été choqués par l’ignorance et par le côté offensant de cette suggestion ». Ils n’ont pas voulu accrocher quelque chose de lié à leur judaïsme sur un arbre symbolique d’une fête chrétienne.
A la place, elle a demandé d’amener un objet de Hanoukka – une hannoukia gonflable de deux mètres environ, ou ménorah – à installer à côté de l’arbre.
L’Association des parents et des professeurs et la direction de l’établissement scolaire ont refusé cette requête, expliquant qu’ils avaient donné l’ordre aux élèves d’amener une décoration qui puisse être contenue dans un sac-repas en papier.
« Les gros objets gonflables n’ont jamais été utilisés dans l’enceinte de l’école dans le cadre des célébrations des fêtes du mois de décembre », a écrit Marden dans une déclaration soumise aux magistrats.
L’école a indiqué avoir offert à Lyons l’opportunité d’installer la ménorah gonflable ailleurs, « là où son usage ne gênera pas l’événement qui a été prévu ». Une offre qui, selon Lyons, lui a été faite après la fin de Hanoukka – et elle déclare que si elle lui avait soumise plus tôt, elle y aurait réfléchi.
Pour de nombreux Juifs, décorer un arbre au mois de décembre à l’aide d’un objet juif peut sembler étrange, voire improbable. Le rabbin Bruce Greenbaum, de la synagogue réformée de Carmel, déclare qu’il déconseillerait personnellement à ses fidèles de le faire.
Greenbaum a envoyé, dans le passé, ses enfants à la Carmel River School et il dit avoir téléphoné à l’établissement scolaire pour faire part de son mécontentement au sujet de la récente controverse.
« Ne transformez pas notre hanoukkia en décoration de Noël », a-t-il dit. « C’est une profanation de la Hannukiah. »
Il refuse l’idée que la cérémonie d’allumage de l’arbre n’aurait rien à voir avec Noël, même si l’arbre choisi est l’un de ceux qui se trouvent dans l’école.
« Je leur ai dit qu’une cérémonie d’éclairage d’un arbre, comme ils l’appellent, ça n’existe pas », continue-t-il. « Vous pouvez parler d’éclairage d’arbre, ça reste en définitive une cérémonie d’éclairage d’arbre de Noël ».
Le District scolaire de Carmel n’a pas répondu à une demande de réaction, citant les litiges en cours.
Légalement, la tâche de Lyons — qui a demandé aux juges de déclarer inconstitutionnelles les pratiques de la Carmel River School, réclamant également aux magistrats d’ordonner aux administrateurs de l’école de rectifier le tir – est ardue, et ce, depuis le début. C’est ce qu’affirme Charles Russo, professeur de droit à l’université de Dayton qui est spécialisé dans le droit de l’éducation et qui a été le co-auteur d’un article paru en 2015 sur les questions juridiques qui entourent les célébrations de la fête de Noël dans les écoles publiques.
Russo souligne le fait que, dans le dossier Alleghany v. American Civil Liberties Union qui avait été jugé en 2019 par la Cour suprême – l’ACLU poursuivait alors le comté de Pittsburgh en raison de l’exposition d’une ménorah, d’un arbre de Noël et d’une crèche sur des terrains municipaux – la Cour a maintenu que l’arbre de Noël « n’est pas un symbole religieux en lui-même ».
« Si les responsables de l’école n’ont pas installé de symbole chrétien explicite » – comme un petit Jésus ou une crèche de la nativité – « je ne pense pas que la plainte aille bien loin », explique-t-il.
Pour sa part, Lyons déclare qu’elle n’a pas renoncé à déposer une nouvelle plainte. Elle indique également avoir cherché à inscrire son enfant dans un autre établissement mais qu’il n’y a plus de place dans l’autre école élémentaire de son district. Elle dit enfin qu’elle a été indignée par la réponse apportée par la Carmel River School à sa plainte.
Si la loi autorise l’école à adopter l’approche qui est la sienne, « peu importe que ce soit une bonne ou une mauvaise approche, en fin de compte », déplore-t-elle. « Et peu importe si les enfants se sentent blessés ».
Une version de cet article a été publiée à l’origine dans le J. The Jewish News of Northern California, et il est une nouvelle fois publié ici avec l’autorisation nécessaire.
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