USA: Une enquête sur de jeunes juifs Massorti révèle une « culture hypersexualisée »
L’enquête, menée suite à des articles du ToI sur des abus, a répertorié 41 cas d’inconduite sexuelle par des adultes à l’USY, mais conclu que les problèmes ne sont pas systémiques
L’enquête demandée par le groupe de coordination du judaïsme conservateur sur la gestion de la maltraitance des mineurs par United Synagogue Youth (USY), organisation phare du mouvement aux États-Unis, a révélé qu’elle abritait une « culture trop sexualisée ».
Les conclusions ont été rendues après le recueil et l’analyse de dizaines de témoignages d’abus, d’inconduite ou de comportements problématiques.
L’enquête a par ailleurs conclu à l’absence de problème systémique au sein de l’USY, soulignant la quasi-totalité des cas d’inconduite étaient le fait de quelques personnes isolées.
L’enquête avait été commanditée par l’United Synagogue of Conservative Judaism (USCJ), en août 2021, suite aux révélations du Times of Israel sur les abus répétés commis, depuis des dizaines d’années, par un cadre supérieur de l’USY.
Ce ne sont pas moins de quatre procès au civil qui ont été intentés contre USY, qui est une branche de l’USCJ, pour sa mauvaise gestion des abus.
L’enquête a été menée par Sarah Worley, avocate indépendante qui a interrogé une centaine de victimes et témoins présumés.
Ses conclusions ont fait l’objet d’un rapport publié par l’USCJ mercredi.
D’après ce rapport, Worley s’est, pendant un an et demi, entretenue avec 22 victimes présumées et a identifié 18 autres victimes qui ne s’étaient jamais manifestées.
En tout, elle a recueilli des témoignages correspondant à 41 cas d’inconduite, une personne ayant signalé deux incidents.
Bien que le rapport, long de 20 pages, couvre les 70 années d’existence de l’USY, la plupart des accusations portent sur la période allant de 1987 à 2019 et sont circonscrits à la région de New York.
Leurs auteurs présumés ne sont plus affiliés à l’USY.
La majorité des cas signalés sont imputables à cinq personnes, a constaté Worley.
Le rapport ne donne aucun nom – pas davantage des accusés que des victimes -, et ne prend pas position sur les accusations en tant que telles.
Worley a toutefois déclaré que toutes les personnes qui avaient témoigné semblaient crédibles.
Le rapport signale que Worley « n’a pas trouvé de preuve d’abus systémique ou généralisé » et que l’USY a toujours traité de manière appropriée les accusations d’inconduite sexuelle.
Les témoignages qu’elle a recueillis font notamment état d’attouchements sexuels inappropriés de la part de membres du personnel de l’USY ou de bénévoles adultes, d’avances à caractère sexuel et de comportements inappropriés envers des mineurs.
Le rapport évoque l’existence une culture, au sein du groupe de jeunes, en vertu de laquelle les adolescents se sentaient tenus d’avoir des relations sexuelles les uns avec les autres.
Il parle d’un « système de points », permettant à ceux qui prenaient part aux activités de l’USY de recevoir une bonification, variable selon la position de ce membre dans le groupe de jeunes, pour avoir eu un rendez-vous avec un autre membre de l’USY.
Des systèmes similaires existent au sein d’autres groupes de jeunes juifs et cette culture adolescente n’est pas l’apanage de l’USY.
Même si ce jeu n’a pas été sanctionné, son existence était bien connue des membres du personnel, a constaté Worley.
« Des victimes et d’autres personnes ont fait part de leurs préoccupations concernant ce système de points, qu’ils ont présenté un témoignage de la culture hypersexualisée qui, selon eux, imprègne l’USY et ses programmes », lit-on dans le rapport.
« Certains ont expliqué que des « traditions » sexualisées s’étaient développées et transmises de génération en génération. Dans certains cas, les victimes ont déclaré s’être senties partagées entre leur réticence à participer à ces traditions et leur sentiment que, en tant qu’adolescents du mouvement conservateur, on attendait d’eux qu’ils y prennent part », précise le rapport.
Parmi les cas évoqués dans le rapport, il y a notamment celui d’une victime qui a déclaré qu’un membre adulte du personnel avait menacé de les faire chanter au moyen d’une photographie légèrement compromettante, alors qu’ils se trouvaient dans un camp d’été, dans les années 1980.
Dans les années 1990, un membre adulte du personnel aurait agressé sexuellement des adolescents à quatre reprises.
Cinq personnes ont signalé à Worley qu’un membre du personnel avait encouragé les adolescents à se masturber collectivement, lors d’un camp d’été, dans les années 2000.
Les cas signalés dans les années 2010 évoquent des attouchements sur un adolescent par un membre du personnel et la publication d’une vidéo assez crue.
Un seul cas d’inconduite sexuelle a été rapporté depuis 2020, impliquant un membre adulte du personnel qui faisait des avances à un adolescent par texto.
Last week @TimesofIsrael published reports of sexual abuse in USY and how they have been handled. The experiences reported absolutely do not reflect in any sense the values that we represent as a Jewish institution. Full statement: https://t.co/AQPb1fSUej
— USCJ (@USCJ) August 16, 2021
L’enquête du mouvement conservateur fait écho à un exercice similaire mené au sein du Mouvement réformé, qui a mené trois enquêtes sur l’inconduite sexuelle, dont une axée sur les programmes réformistes pour les jeunes.
Le rabbin Jacob Blumenthal, qui dirige l’USCJ, a déclaré dans un communiqué mercredi « condamner pleinement les errements passés signalés à Mme Worley et nous sommes plus que jamais déterminés à garantir un environnement sain et sûr aux adolescents juifs. »
Jordan Soffer, ancien membre de l’USY dont le témoignage, dans l’enquête d’août 2021, a permis l’enquête de l’USCJ, a déclaré jeudi être reconnaissant à Worley « du temps et du travail consacrés à s’assurer que les victimes soient entendues ».
« En dépit de cette mauvaise expérience, l’USY reste pour moi un fondement de mon identité juive. Je prie pour que ce soit la première étape sur le chemin de la guérison et du processus d’aggiornamento institutionnel de l’USY. J’espère qu’ils entendront notre appel à ce que cette sainte mission ne soit plus détournée par des prédateurs », a-t-il conclu.