Vous cherchez un talith ? Allez chez Old Navy
Quand les symboles juifs influencent la mode, les médias sociaux se réveillent
San Francisco, Californie – Dans un de ces moments excentriques de culture pop, Old Navy commercialise un chandail de femme qui ressemble au châle traditionnel de prière juif.
Ce que le géant des vêtements basé à San Francisco, une partie de Gap Inc., décrit comme « Women’s handkerchief-hem open-front cardigans”, [cardigans pour femme ouvert sur le devant] sont des chandails de couleur avec des rayures verticales noires drapés de l’épaule à la taille. Avec cette bande noire classique, l’article pourrait facilement se faire passer pour un « talith ».
Le « talith » Old Navy est le dernier sujet d’un débat sur les vêtements de tous les jours relatifs à la culture juive.
Alors que certains de ces événements sont relativement bénins, d’autres créent l’indignation du public, comme un fameux designer émettant des commentaires antisémites en public (à la John Galliano). Et quand ces questions enflamment les médias sociaux, le contrecoup viral coûte aux détaillants une perte financière importante, une publicité négative, et éventuellement une action en justice contre des politiques antisémites douteuses.
Le « talith » en question pourrait être considéré comme un contrepoint culturel au « sac croix gammée » et, plus répréhensible encore, « au Tee Camp de concentration. » Tous deux commercialisés par Zara, les croix gammées sur un sac à main et la combinaison choquante d’une étoile d’or et de rayures bleues sur un haut de pyjama ont provoqué l’indignation sur la Toile ces dernières années.
Cette erreur coûteuse a incité la société à être plus sensible envers la communauté juive. La véhémente répréhension et le PR négatif ont contraint le détaillant à retirer les articles des étagères et à présenter des excuses.

Mais Zara n’est pas le seul à commercialiser des articles douteux. Une autre chaîne de détail internationale, H&M, a subi des pertes similaires en mars 2014, lorsqu’il a vendu un débardeur graphique représentant un dessin de crâne humain avec une étoile juive bordée de rouge et noir.
Parmi les autres critiques, un bloggeur du Times of Israel faisant du shopping à Londres a porté l’affaire à l’attention du public.
La condamnation publique a conduit H&M à rapidement éliminer l’élément de son inventaire global et à émettre des excuses rapides. La société n’a jamais plus fait cette erreur.
« Nos clients passent en premier et leurs commentaires à ce sujet est la priorité numéro un pour H&M, » a déclaré un porte-parole de la compagnie au New York Daily News.
L’introduction du « talith » Old Navy n’est pas la première fois qu’un grand détaillant créé un article destiné à éveiller des comparaisons rituelles. En 2011, H&M avait dessiné un poncho pour femme qui ressemblait aussi au vêtement frangé noir et blanc.
Rappelons également le créateur Jean-Paul Gaultier, qui en 1993 a conçu un tailleur noir pour femmes inspiré du costume hassidique, incluant même un Shtreiml et une paire de fausses payes.
Le New York Times a appelé Gaultier le premier créateur à utiliser le judaïsme comme source d’inspiration pour un usage urbain. Son défilé de mode kitsch, « Chic Rabbis » comprenait des menorahs décoratives tapissant la piste, des coupes de vin Manischewitz et des mannequins coiffées de kippot.
Mais l’histoire d’amour entre la mode et le judaïsme a son côté sombre, évidemment.
En février 2013, le designer provocateur John Galliano est apparu en public dans un look que certains observateurs appellent « Hassidic-ish ». Son immense chapeau et sa longue redingote noirs accompagnaient des knickers et payes noirs.

La controverse a éclaté lorsque la maison de haute-couture de Christian Dior a renvoyé Galliano après la diffusion virale d’une vidéo dans laquelle le designer en chef de la société faisait des commentaires antisémites dans un bar de Paris en 2011.
Le « talith » de cet été fait irruption à un moment étrange dans l’actualité juive. Cette semaine, la sécurité au mur Occidental a refusé l’entrée à une femme juive américaine portant une calotte. Le rabbin du mur Occidental Shmuel Rabinovitch a ensuite émis des excuses à Linda Siegel-Richman, qui étudie cet été à la Yeshiva conservatrice de Jérusalem.
On se demande si le « talith » Old Navy risque de déclencher un épisode similaire, basé sur son étrange ressemblance avec un châle de prière. (Le Times of Israel a demandé Old Navy son avis sur la question, mais la compagnie n’a pas répondu.)
Une croix gammée signe de bonne chance
Le détaillant international Zara a été accusé d’antisémitisme et contraint de retirer un article décrit comme un « T-shirt shérif » de son inventaire. Le T-shirt ressemblait étrangement à l’uniforme imposé aux détenus juifs des camps de concentration nazis de la Seconde Guerre mondiale.
La société-mère de Zara, Inditex, leader mondial de vêtements et accessoires, a présenté des excuses rapides, mais seulement après la condamnation du public.
En 2007, la dissidence populaire a également forcé Zara à retirer de ses marchandises un sac à main coloré qui comportait une croix gammée.
Aussi étrange que cela puisse paraître, l’utilisation de la croix gammée comme élément décoratif ne choque pas ceux familiers du passé pré-Seconde Guerre mondiale du symbole. En Amérique du Nord et en Europe, la croix gammée est un rappel désagréable de génocide et de fascisme. Mais cela n’est pas vrai partout.
« C’était un symbole de chance commune, mais une fois que les nazis se l’ont approprié, les gens ont cessé d’utiliser en Occident, parce qu’il était associé avec les nazis », explique le chercheur Eddy Portnoy, professeur adjoint d’études juives à l’Université Rutgers dans le New Jersey.
« Dans des endroits comme l’Inde et l’Extrême-Orient, ils ont continué à l’utiliser car il faisait depuis longtemps partie de leur culture et n’avait aucun lien avec les nazis, donc cela ne leur posait aucun problème. Si vous allez en Inde d’aujourd’hui, vous verrez des croix gammées partout », dit Portnoy.
En fait, le mot croix gammée, swastika, est originaire de sanskrit, suggérant la bonne chance, dit Portnoy.
Alors que la croix gammée et les pyjamas évoquant ceux des camps de concentration commercialisés par Zara seraient des exceptions dans l’histoire de la société, les accusations d’antisémitisme ne s’arrêtent pas là.
La société-mère du géant de la mode, Inditex, est aujourd’hui confrontée à un procès anti-discrimination de 40 millions de dollars, initié par l’ancien avocat d’affaires de la société pour ses opérations en Amérique du Nord. Ian Jack Miller, le premier et le seul avocat d’entreprise pour les opérations américaines et canadiennes de Zara, est impliqué dans un procès à New York.
Les avocats de Miller, Sanford Heisler Kimpel LLP, ont intenté ce procès, alléguant que Inditex a harcelé puis renvoyé Miller, seul employé juif de la société, parce qu’il est juif, américain et gay.
Le procès accuse le milliardaire à la tête de la société, le fondateur Amancio Ortega, 4e plus riche individu de la planète, d’établir une atmosphère d’entreprise discriminatoire sur tous les échelons de la marque.
Les erreurs de la société vis-à-vis de l’imagerie antisémite, qui feraient partie de cette stratégie, pourraient également être soulevées devant l’audience.