12 langues juives rares enseignées à Oxford – la survie d’un héritage
Les cours, qui ont commencé cette semaine, sont à suivre en ligne sur la base d'une heure hebdomadaire et ils sont gratuits pour tous les étudiants
JTA — Au mois d’avril, l’application d’apprentissage de langues en ligne Duolingo a ajouté une quarantième langue à son offre : le yiddish.
Il y a environ deux décennies, il aurait été impensable pour un programme non-juif généraliste de ce type de proposer un cours vaste et approfondi de yiddish. Mais l’ajout sur Duolingo du yiddish reflète finalement l’intérêt croissant témoigné à l’égard d’une langue qui, dans le passé, avait été parlée par douze millions de personnes dans le monde.
Le ladino, la langue romane des Juifs séfarades encore utilisée par des centaines de milliers de personnes dans le monde, bénéficie également d’une attention accrue depuis quelques années. Les cours de ladino, que ce soit sur internet ou en présentiel, sont largement mis à disposition du public intéressé.
Mais si ces deux langues juives profitent d’une renaissance culturelle, de nombreuses autres – qui sont parlées en Crimée, à Bagdad, à Bakou et au-delà, qui avaient à la fois miraculeusement survécu et succombé à des périodes tumultueuses de l’Histoire du monde – sont restées, pour leur part, largement inaccessibles aux amateurs éclairés.
Une réalité qui change ce mois-ci.
L’école de langues juives rares d’Oxford (OSRJL), au Royaume-Uni, a lancé son trimestre inaugural de cours dans douze langues juives qui appartiennent aux familles de l’araméen, de l’arabe et du turc. Elles sont catégorisées en fonction du nombre de locuteurs – un nombre qui va de plus d’un million à aucun.
Les cours, qui ont commencé cette semaine, sont à suivre en ligne sur la base d’une heure hebdomadaire et ils sont gratuits pour tous les étudiants .
« Il y a actuellement de nombreux projets de recherche et de plateformes en ligne concernant les langues juives », estime la professeure Judith Olszowy-Schlanger, présidente du Centre d’Oxford d’études hébraïques et juives et créatrice du nouveau programme. « Ce qui manque, c’est la possibilité offerte à un nombre de plus en plus important d’étudiants intéressés d’apprendre ces langues, et c’est encore plus rare dans le cadre universitaire ».
Et c’est pour cela qu’elle considère le format de l’OSRJL – en ligne et gratuit – comme significatif : Il garantit que les cours seront accessibles à des étudiants du monde entier.
Le yiddish est l’une des douze langues proposées par l’OSRJL et avec environ 1,5 million de locuteurs dans le monde, c’est la seule langue présentée par le programme qui n’est ni morte, ni même en péril. Le yiddish, en fait, ne cesse de faire de nouveaux adeptes dans le monde entier.
En-dehors du monde yiddishophone, il y a cette idée fausse que la langue serait en train de disparaître. Ce n’est pas le cas. De plus en plus de personnes parlent le yiddish. Le yévanique, d’un autre côté, est une langue en cours d’extinction
« En dehors du monde yiddishophone, il y a cette idée fausse que la langue serait en train de disparaître », explique Kalman Weiser, professeur d’études juives modernes à l’université de New York, à Toronto. « Ce n’est pas le cas. De plus en plus de personnes parlent le yiddish. Le yévanique, d’un autre côté, est une langue en cours d’extinction ».

La mère de Weiser parle le yévanique mais malheureusement, cette langue – née dans l’empire macédonien – devrait disparaître au cours de cette génération en l’absence d’une intervention sérieuse. La majorité des langues offertes par l’OSRJL font face à un destin similaire. Plusieurs, notamment le sarphatique, le judéo-arabe classique et le judéo-persan, sont d’ores et déjà considérées comme mortes.
Daniel Amir, doctorant en histoire juive iranienne à l’université d’Oxford, a bien l’intention d’apprendre le judéo-persan. Il prévoit aussi de s’inscrire aux cours de judéo-araméen, une langue qui ne serait parlée que par environ 60 personnes aujourd’hui.
« Connaître une langue est une chose mais l’apprendre et s’améliorer dans cet apprentissage aux côtés d’autres personnes est une expérience à la fois enthousiasmante et motivante. J’entretiens un lien personnel fort avec ces langues », explique-t-il.
La famille d’Amir parle un dialecte issu de la langue juive néo-araméenne en déclin et il souhaite contribuer à mettre un terme à cette tendance. « Ce dialecte, je l’ai surtout utilisé en parlant et en écoutant ma famille et avoir aujourd’hui la chance de l’étudier officiellement est un grand privilège », explique-t-il.
Étudier une langue juive ouvre une nouvelle fenêtre sur l’Histoire diversifiée des Juifs du monde entier, note Weiser. Il mentionne une théorie proposée par le sociolinguiste Max Weinreich dans le livre The History of the Yiddish Language, qui suggère qu’une chaîne de langues juifs émanant de l’hébreu antique jusqu’à aujourd’hui ne s’est jamais rompue, dont le yiddish est le dernier chaînon.
Connaître une langue est une chose mais l’apprendre et s’améliorer dans cet apprentissage aux côtés d’autres personnes est une expérience à la fois enthousiasmante et motivante
« Une fois que vous optez pour cette approche, toute langue juive devient une partie vitale de la judéité », disait Weiser. « Vous commencez à un endroit et de là, vous commencez à deviner l’image d’ensemble ».
Même si les chances que le Karaim (une langue turque qui est aujourd’hui utilisée par approximativement 80 personnes) ou le judéo-italien (parlé par 250 personnes, une langue romane) appartiennent au patrimoine d’un individu en particulier sont minces de nos jours, les étudier peut être un exercice efficace pour comprendre l’expérience juive au sens large. Olszowy-Schlanger déclare à la JTA que l’OSRJL a pour objectif de renforcer le lien entretenu par les étudiants avec leur culture, à travers la langue mais aussi en offrant une grande variété de contenus en ligne autres – avec notamment des publications de blog sur des livres exceptionnels et des séries de conférence consacrées à la musique yiddish.
Les répercussions d’un programme tel que celui-ci ne concernent pas uniquement le champ juif. Weiser estime que de nombreuses initiatives linguistiques juives, dans le passé, se sont développées en tandem, ou ont influencé – et ont été influencées – par d’autres programmes linguistiques indigènes.
Les facultés qui ont fait revivre l’hébreu ont aussi influencé le processus de revitalisation de langues indigènes comme le Lushootseed et le Sami, et elles ont inspiré les initiatives de préservation de l’irlandais et du cornique.
« Ces communautés méritent nos recherches, notre curiosité et notre admiration – dans leur passé comme dans leur présent », commente Amir. « Et la langue est un point de départ parfait ».
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