À la rencontre du rabbin qui a passé un Kippour dans un palais de Saddam Hussein
Durant trois décennies, David Goldstrom a servi dans la marine américaine dans le Pacifique, en Irak et en Afghanistan ; il est désormais aumônier des vétérans rentrés chez eux

JTA – Vers le début de la guerre en Irak en 2003, David Goldstrom s’est retrouvé à la tête d’un office de Yom Kippour devant environ 50 soldats dans un ancien palais de Saddam Hussein à Tikrit, Irak.
Les livres de prières et les châles provenaient de sa réserve personnelle. Le rouleau de la Torah a été donné par une synagogue de Baltimore.
Goldstrom a animé une discussion sur la lecture du jour du Livre de Jonas, qui raconte l’histoire d’un prophète ayant reçu l’ordre de Dieu d’aller à Ninive – une ancienne ville dans ce qui est maintenant l’Irak – mais qui a tenté de fuir.
« Si quelqu’un est appelé à servir, s’enfuir est-il une option ? » demande Goldstrom à la Jewish Telegraphic Agency, se remémorant la discussion. « Quand on parle avec des soldats juifs, ils veulent invariablement changer les choses où que nous soyons. »

Aujourd’hui, Goldstrom, 53 ans, est le chef des aumôniers au Atlanta VA Health Care System [Hôpital des anciens combattants]. Sa carrière militaire s’est échelonnée sur plus de trois décennies et l’a mené du Moyen-Orient au milieu de l’océan Pacifique, et d’officier de la marine en service actif à rabbin sur les lignes de front.
Aujourd’hui, il est aumônier pour les soldats rentrés au pays et qui, dans bien des cas, luttent de nouveau, cette fois-ci pour réintégrer la vie civile.

« Quand on est juif et qu’on sert dans l’armée, on est un peu différent », dit Goldstrom.
« Du fait de ce cadre, on est coupé de la vie communautaire juive. On est en minorité dans une large mesure. Et pour les communautés juives, soutenir les militaires, c’est vraiment les relier à la communauté juive. »
Goldstrom a grandi dans une synagogue conservatrice du New Jersey. Il est le fils d’un survivant de la Shoah qui a ensuite servi dans l’armée américaine en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Ne voulant pas aller à l’université et décrocher un emploi de bureau, Goldstrom s’est enrôlé dans la Marine dès la fin de ses études secondaires. Il a servi dans le Pacifique pendant près d’une décennie.

Il n’y avait pratiquement aucune infrastructure religieuse en place pour les militaires juifs sur Diego Garcia, la petite île de l’océan Indien où il était stationné à la fin des années 1980. Avant Pessah, Goldstrom devait recevoir de la nourriture emballée – gefilte fish, matzah et boulettes de matzah – du Jewish Welfare Board, qui soutient les militaires juifs. Lorsqu’il a visité la chapelle de la base pour les offices juifs, il était le seul à s’être présenté. Un rabbin militaire en poste aux Philippines, qui se rendait occasionnellement à Diego Garcia, recruta Goldstrom pour organiser des activités religieuses juives sur la base.
Lorsque Goldstrom est retourné à la vie civile au milieu des années 1990, il a fréquenté l’université et est devenu enseignant dans une école publique, ce qu’il considérait comme une autre forme de service pour son pays. Cet intérêt pour l’éducation, le conseil et le service – combiné à un intérêt renouvelé pour le judaïsme – l’a finalement conduit à la yeshiva orthodoxe Ohr Somayach, où il a reçu l’ordination rabbinique.
En 2001, quelques mois à peine avant les attaques du 11 septembre, Goldstrom est retourné dans l’armée, cette fois comme aumônier.
Au cours des 13 années suivantes, Goldstrom a effectué trois tournées au Koweït et en Irak et une en Afghanistan. D’un côté, le travail était comme celui d’un rabbin à part entière, organisant les offices et s’occupant des préoccupations de ses fidèles. D’un autre côté, c’était totalement différent.
D’une part, il a conseillé des soldats de toutes les confessions – pas seulement des Juifs. Et il devait se contenter de ce qu’il pouvait transporter dans des endroits sans communauté juive locale. Il se souvient d’un pilote d’hélicoptère juif décrivant un office de Rosh Hashanah organisé par sa compagnie : il n’y avait que trois ou quatre personnes et aucun livre de prières.

« L’allumage a pris un certain temps, alors qu’un soldat s’efforçait d’allumer une lanterne au kérosène remplie d’huile d’olive parce qu’il n’y avait pas de kérosène disponible », a écrit Goldstrom pour JTA en 2007, décrivant une fête de Hanoukka en Irak.
Les enjeux étaient également beaucoup plus élevés. Goldstrom s’occupait régulièrement de questions de vie ou de mort à proprement parler. Et contrairement aux rabbins de son pays, il avait peu de collègues vers qui se tourner en temps réel s’il avait besoin de se faire aider. Il dit avoir trouvé du réconfort dans les prières – en particulier dans les psaumes écrits par le roi David, que la Bible décrit comme un guerrier qui cherchait la paix.
« Lorsque vous êtes l’aumônier d’une unité militaire et qu’un de vos soldats est tué, vous assurez les funérailles, vous travaillez avec les survivants dans des circonstances difficiles et vous n’avez parfois personne à qui parler », dit Goldstrom. « C’est beaucoup plus rare pour un rabbin ordinaire de voir des fidèles mourir dans ses bras. »
Goldstrom a rejoint son poste actuel au Atlanta VA en 2015. Il conseille toujours les soldats, mais maintenant, au lieu de faire face à une zone de guerre, ils essaient de se réadapter au front intérieur. Beaucoup s’en sortent très bien, dit-il. Mais certains ont du mal à trouver un emploi ou une maison. Il est particulièrement préoccupé par le suicide chez les anciens combattants. Selon l’Atlanta VA Health Care System, le taux de suicide des anciens combattants était 1,5 fois plus élevé que celui de tous les civils américains en 2017.
Une chose que Goldstrom a remarquée, c’est que même si les anciens combattants qu’il conseille sont loin des combats, ils peuvent se sentir moins en sécurité. Malgré tous les dangers qui accompagnent la vie militaire, cela donne aussi aux militaires un système de soutien.
Goldstrom peut le comprendre. Relativement peu de gens, dit-il, ont servi au combat et sont ensuite devenus aumôniers. Il se sent donc parfois plus à l’aise avec d’autres anciens combattants, même s’ils sont plus âgés d’une génération.
« Le soldat a une communauté militaire dans laquelle il est intégré et qui veille sur lui », dit-il. « Puis quand il est démobilisé, vous pensez que tout est fini, mais ce n’est pas fini. »
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