Israël en guerre - Jour 370

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À l’unanimité, la Cour somme Levin de convoquer un panel pour nommer son président

Le juge libéral Isaac Amit est en passe de présider la plus haute juridiction israélienne ; le ministre de la Justice s'engage à boycotter le nouveau président ; des ministres menacent de relancer la refonte

Le ministre de la Justice Yariv Levin assistant à une cérémonie de prestation de serment pour les juges nouvellement nommés aux côtés du président par intérim de la Cour suprême Uzi Vogelman, à la résidence présidentielle, à Jérusalem, le 23 juin 2024. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)
Le ministre de la Justice Yariv Levin assistant à une cérémonie de prestation de serment pour les juges nouvellement nommés aux côtés du président par intérim de la Cour suprême Uzi Vogelman, à la résidence présidentielle, à Jérusalem, le 23 juin 2024. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)

La Haute Cour de justice a porté un coup sévère aux efforts du ministre de la Justice, Yariv Levin, visant à renforcer son contrôle sur le système judiciaire. Elle a en effet décidé dimanche que le ministre devait convoquer la commission de sélection des juges et élire un nouveau président pour la Cour suprême dans les plus brefs délais.

Dans sa décision unanime, la Cour a rejeté l’affirmation de Levin selon laquelle la loi lui confère, en tant que président de la commission, un pouvoir discrétionnaire illimité lui permettant de convoquer la commission uniquement lorsqu’il le juge nécessaire. Les juges ont estimé qu’une telle affirmation lui donnerait un droit de veto sur le processus de nomination du président de la plus haute juridiction israélienne, ce qui n’a jamais été l’intention du législateur.

L’ordonnance de la Cour contrecarre, du moins pour l’instant, les efforts de Levin pour renverser le système d’ancienneté en vigueur depuis des dizaines d’années pour la nomination du président de la Cour suprême, qu’il avait cherché à modifier afin d’installer un conservateur intransigeant.

La Cour a ordonné à Levin de publier les noms des candidats au poste dans le journal officiel de l’État dans un délai de 14 jours et de convoquer la commission, qu’il préside, « peu après » la période d’attente obligatoire de 45 jours après la publication des noms des candidats.

Cette décision signifie que le juge libéral Isaac Amit sera presque certainement élu prochain président puisqu’il est le plus ancien juge de la Cour et que le camp libéral de cette dernière dispose d’une majorité au sein de la commission de neuf membres. La nomination d’un président ne requiert qu’une majorité simple.

Levin a dénoncé la décision comme étant anti-démocratique et « invalide », et a déclaré qu’il boycotterait le président entrant puisque la nomination serait « illégale » et « illégitime. »

Le juge Isaac Amit à la Cour suprême, à Jérusalem, le 4 janvier 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

La date fixée implique que l’actuel président par intérim de la Cour suprême, Uzi Vogelman, prendra sa retraite avant qu’un nouveau président ne soit choisi. Vogelman atteindra l’âge de la retraite le 6 octobre, et Amit, en tant que plus ancien juge de la Cour, deviendra président par intérim jusqu’à ce qu’un vote ait lieu au sein de la commission de sélection des juges dans le courant du mois de novembre, conformément au calendrier de la Haute Cour.

La Cour suprême a deux rôles : elle est la plus haute Cour d’appel d’Israël, mais elle siège également en tant que Haute Cour de justice pour entendre les recours contre la loi et les décisions administratives du gouvernement à différents niveaux.

Les présidents Yaël Wilner, Ofer Grosskopf et Alex Stein ont toutefois refusé d’ordonner à Levin d’organiser des votes sur la nomination de nouveaux juges à la Cour suprême, comme le demandait l’ONG à l’origine du recours, Mouvement pour un gouvernement de qualité (MQG) en Israël.

Levin avait tenté de faire nommer le juge très conservateur Yosef Elron à la présidence de la Cour, en violation du système d’ancienneté en vigueur depuis la création de la Cour, et Vogelman, s’y était fermement opposé.

La juge de la Haute Cour Yaël Wilner présidant une audience sur un recours demandant à la Cour d’ordonner au ministre de la Justice Yariv Levin de convoquer un vote au sein de la commission de sélection des juges pour nommer un nouveau président de la Cour suprême, le 18 juillet 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Parmi les trois juges présidant l’affaire, Wilner et Stein sont des conservateurs et Ofer Grosskopf est un libéral. Vogelman et la juge Daphne Barak-Erez ont été exclus du panel car, en tant que membres de la commission de sélection des juges, ils se trouvaient en situation de conflit d’intérêts.

Les opposants à la suppression du système d’ancienneté ont exprimé leur inquiétude quant à la politisation de la plus haute juridiction israélienne.

Mais cette décision a incité plusieurs membres du gouvernement et de la coalition à demander la relance du projet controversé de refonte du système judiciaire, qui visait à accroître le pouvoir du gouvernement sur le système judiciaire.

Le requérant, MQG, a qualifié la décision de « victoire la plus importante pour la démocratie israélienne et la séparation des pouvoirs » et a déclaré que Levin avait violé la loi « afin de se transformer en un acteur disposant d’un droit de veto et d’un pouvoir illimité ».

Dans la continuité de son programme de refonte judiciaire visant à affirmer un plus grand contrôle gouvernemental sur le pouvoir judiciaire, Levin a refusé de nommer un nouveau président de la Cour suprême depuis que l’ancienne présidente Esther Hayut a pris sa retraite en octobre de l’année dernière, en raison de son désir de voir le juge Elron prendre les rênes de la plus haute Cour d’Israël.

Le président par intérim de la Cour suprême, Vogelman, s’est toutefois fermement opposé à la suppression du système d’ancienneté, les opposants à Levin craignant que cela ne politise la plus haute juridiction israélienne.

Pour justifier son refus de nommer un nouveau président à la Cour, Levin a fait valoir qu’en temps de guerre, une telle nomination devait faire l’objet d’un « large consensus ». En réalité, le ministre avait cherché à renverser le système d’ancienneté avant même le pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre et la guerre qui s’en est suivie.

La juge conservatrice Wilner a rejeté l’affirmation de Levin selon laquelle il pouvait continuer à insister sur un « large accord » indéfiniment.

Le ministre de la Justice Yariv Levin arrivant à une réunion de faction du Likud, à la Knesset, à Jérusalem, le 5 février 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

« Le sens de la politique du ministre est de donner un pouvoir discrétionnaire total et exclusif à la considération de parvenir à un large accord […] tout en niant les autres considérations », a écrit Wilner dans l’avis central de la Cour, ce qui, selon elle, n’est pas conforme à l’objectif de la loi, qui était simplement de garantir que le poste de président serait pourvu.

« L’absence de cette nomination a causé un préjudice grave à l’intérêt public et au fonctionnement du tribunal, de l’autorité judiciaire et du système d’application de la loi », a-t-elle écrit.

Wilner a également noté que la Cour avait respecté le souhait de Levin d’obtenir un « large accord » en retardant une décision finale depuis l’audience qui s’est tenue à la Haute Cour sur le recours le 18 juillet.

À la fin de cette audience, la Cour a demandé à Levin de négocier avec les autres membres de la commission de sélection des juges pour trouver un compromis sur la question, de sorte qu’elle n’ait pas à se prononcer sur le sujet.

Les juges de la Cour suprême Yosef Elron et Isaac Amit lors de l’examen d’un recours contre le limogeage du directeur de la société postale israélienne, Mishael Vaknin, le 7 septembre 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

La proposition de Levin consistait soit à supprimer le système d’ancienneté et à nommer le Elron président, ce que Vogelman a refusé, soit à laisser Amit devenir président et à nommer l’un des deux universitaires conservateurs qui ont servi d’inspiration au programme de refonte judiciaire de Levin à l’un des sièges vacants de la Cour suprême.

Aucune de ces deux personnalités n’a jamais été juge et Vogelman aurait déclaré qu’elles n’étaient pas qualifiées pour la Cour suprême.

« Nous nous sommes abstenus d’intervenir dans le pouvoir discrétionnaire du ministre », a écrit Wilner dans l’arrêt rendu dimanche, mais Levin devait maintenant remplir « son obligation de convoquer la commission afin d’élire un président ».

Boycotts et retour à la refonte judiciaire

Réagissant à la décision, Levin a déclaré qu’il boycotterait le prochain président de la Cour suprême.

Levin : Cette ordonnance « piétine la démocratie »

« Un président de la Cour suprême nommé de manière coercitive et invalide porte le déclin de la confiance dans la Cour à un niveau encore plus bas », a fulminé le ministre de la Justice.

« Je ne pourrai pas travailler avec un président qui a été nommé illégalement par ses amis et qui est illégitime aux yeux d’une grande partie de l’opinion publique. »

« Cet ordre irresponsable foule aux pieds la démocratie et la voie vers les accords qui a été tracée ces derniers mois, et fait reculer Israël », a-t-il ajouté.

Le ministre d’extrême-droite des Finances, Bezalel Smotrich a promis que le gouvernement relancerait le programme de refonte du système judiciaire, qui avait été mis en suspens après le 7 octobre, qualifiant la décision de la Haute Cour de « déconnectée, scandaleuse et agressive ».

« Nous soutenons le ministre de la Justice Yariv Levin, qui se tient au nom de nous tous contre le seul organe du pays qui ne reconnaît pas les limites du pouvoir. Les amendements [que la coalition a cherché à apporter] au système judiciaire sont essentiels pour un Israël Juif et démocratique et nous y reviendrons immédiatement après la guerre », a ajouté Smotrich.

Soutenant que la décision unanime constitue « un grave conflit d’intérêts » de la part des juges, le ministre d’extrême-droite de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a déclaré que la seule conclusion que l’on pouvait tirer de cette décision était « qu’il est urgent de rétablir la refonte judiciaire dès que possible ».

Faisant suite à l’arrêt de la Haute Cour de justice, Benny Gantz, ancien ministre du cabinet de guerre, a exigé que le ministre de la Justice s’exécute ou qu’il démissionne.

« La responsabilité de ne pas entraîner l’État d’Israël dans une crise constitutionnelle en général, et en temps de guerre en particulier, incombe au Premier ministre [Benjamin Netanyahu] et il doit s’assurer que la loi est respectée et que l’arrêt de la Haute Cour est suivi », a déclaré le chef du parti d’opposition HaMahane HaMamlahti.

« Si [Levin] pense que c’est le moment de se battre pour le système d’ancienneté plutôt que contre le [groupe terroriste palestinien du] Hamas, cela indique qu’il a de mauvaises priorités et que lui et le Premier ministre n’ont rien appris de la faiblesse dans laquelle nous nous trouvions à la veille de la guerre », a-t-il ajouté – appelant Levin à suivre la décision de la Cour ou à « poser les clés et à démissionner ».

Affirmant que la volonté de Levin de remanier radicalement le système judiciaire a conduit au pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre, le chef de l’opposition Yaïr Lapid a exigé que le ministre de la Justice convoque instamment la commission de sélection des juges.

« Le coup d’État de Yariv Levin a conduit le pays au désastre du 7 octobre. Il doit convoquer la commission instamment. Sans État de droit, nous n’aurons pas d’État », a déclaré Lapid dans un communiqué, peu après l’annonce de la décision de la Cour.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à gauche), le ministre de la Justice Yariv Levin et le député Simcha Rothman, à l’arrière, à la Knesset, à Jérusalem, le 15 février 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le député Simcha Rothman, président de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset et l’un des architectes du programme gouvernemental largement controversé de refonte du système judiciaire, a, quant à lui, fait valoir que la Haute Cour agissait en violation de la loi en ordonnant à Levin, de convoquer la commission de sélection des juges et de choisir un nouveau président.

Afin de « s’assurer que le contrôle du processus de nomination des juges est entre les mains du peuple et de ses représentants élus, la loi stipule que le contrôle de l’ordre du jour de la commission est entre les mains du ministre de la Justice », a-t-il écrit sur le réseau social X.

« C’est le mandat législatif et dans un pays de droit, tout le monde doit obéir à la loi, y compris la Cour. »

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