À Saint-Cloud, l’une des dernières rescapées d’Auschwitz témoigne devant des adolescents
La mémoire toujours vive et la parole alerte, Esther Senot a raconté le quotidien de sa famille sous l'Occupation et jusqu'à la rafle du Vel d'Hiv, quand ses parents et son frère ont été déportés

« Vous n’êtes pas seulement une survivante, mais une combattante » : plus de 300 collégiens et lycéens de Saint-Cloud ont rencontré mardi Esther Senot, l’une des dernières rescapées d’Auschwitz-Birkenau âgée de 97 ans.
« Je compte sur vous pour que, lorsque nous ne serons plus là, nous qui avons connu les camps, vous puissiez témoigner en notre nom à tous face aux négationnistes et aux révisionnistes », lance la vieille dame avec énergie, assise sur la scène du cinéma-théâtre de la ville.
Derrière elle défilent des photos du camp d’extermination de Birkenau – rails menant à l’entrée, femmes au crâne rasé, piles de vêtements… – où l’adolescente alors âgée de 15 ans a retrouvé sa sœur Fanny.
Juste avant de mourir, celle-ci lui a fait une ultime demande : « Promets-moi, si tu as une chance d’en revenir, de raconter ce qui nous est arrivé, qu’on ne soit pas les oubliés de l’Histoire », raconte Esther Senot.
« C’est le moment qui m’a le plus marquée, j’ai lâché ma petite larme », confie à l’AFP Rachel Benmouhar, lycéenne de 18 ans, après la rencontre avec la rescapée de la Shoah.
La mémoire toujours vive et la parole alerte, elle raconte le quotidien de sa famille sous l’Occupation : l’inscription « juif » tamponnée en rouge sur les papiers d’identité, les compartiments séparés dans les transports en commun, les affiches « interdit aux Juifs et aux chiens » dans les jardins d’enfants, et jusqu’à la rafle du Vel d’Hiv, à la suite de laquelle ses parents et son frère ont été déportés.
« J’ai assisté à cette rafle de ma fenêtre, on entendait hurler d’étage en étage, on voyait des personnes âgées descendre sur des civières », raconte-t-elle.
Un appel solennel à la paix
Ce témoignage, Esther Senot le répète inlassablement depuis des années, se rendant dans des établissements scolaires ou au Mémorial de la Shoah, voire dans le camp d’Auschwitz-Birkenau où elle a passé 17 mois.

Une démarche cruciale pour elle, alors que les derniers témoins disparaissent peu à peu : « quand on voit ce qui se passe actuellement, la planète tourne à l’envers (…) c’est démoralisant ».
« Quand on est revenus, on a eu des années formidables d’après-guerre, je ne pouvais pas m’imaginer tout ce qui se passe actuellement alors qu’on a bataillé toute notre vie pour avoir une vie normale », explique celle qui a mis des années à livrer son témoignage.
« Quels sont, selon vous, les signes précurseurs qui doivent nous mettre en garde pour que cette tragédie ne se reproduise plus jamais ? » lui demande Gabriel, du collège Émile-Verhaeren.
« Les signes précurseurs, ça fait déjà un moment que ça a commencé », répond la rescapée, qui déplore que « l’antisémitisme a toujours existé, mais c’était dans des milieux intellectuels d’extrême droite, la parole n’était pas libérée comme maintenant, ça restait entre eux ».
« Pour moi, vous n’êtes pas seulement une survivante, mais une combattante », lance Manon, collégienne en classe de troisième.
Louis, 15 ans, remercie au micro Esther Senot. Car son récit est « plus qu’un témoignage. C’est un morceau d’histoire vécue et une leçon d’humanité », explique-t-il.
« On en parle en classe, on connaît les chiffres et les faits, mais avoir une personne qui l’a vécu, ça change complètement notre perception » affirme-t-il à l’AFP.
La salle écoute le long récit dans un silence attentif, ponctué d’applaudissements. À la fin de son témoignage, Esther Senot tient à lire un document.
« Aujourd’hui, je vous lance un appel solennel en faveur de la paix. Les guerres actuelles ne se déclenchent pas uniquement pour des raisons politiques. On voit qu’elles ont aussi des causes idéologiques, ethniques ou religieuses », lance-t-elle.