Abbas, exaspéré par Kerry pour la tentative de cessez-le-feu concurrente
Le Président de l’AP pense que le Secrétaire d’Etat Américain a "soumis le sang palestinien aux luttes de pouvoir régionales"
Elhanan Miller est notre journaliste spécialiste des affaires arabes

L’Autorité palestinienne en veut à John Kerry l’accusant d’essayer d’affaiblir l’initiative de cessez-le-feu égyptien soutenue par Israël et l’AP la semaine dernière, et rejetée par le Hamas, a rapporté un quotidien arabe dimanche.
Des sources palestiniennes ont confié au Al-Sharq Al-Awsat basé à Londres que Kerry avait d’abord accepté une proposition égyptienne pour un cessez-le-feu immédiat suivi de cinq jours de négociations entre Israël et l’AP, avec des garanties américaines pour accéder à certaines demandes du Hamas.
Mais vendredi soir, Kerry a produit un nouveau plan fondé sur des consultations avec le Qatar et la Turquie et conduit entre « l’Etat d’Israël » et « les factions palestiniennes », à l’exclusion de l’AP. Le cabinet israélien a unanimement rejeté le plan de Kerry.
« Kerry a essayé, à travers son dernier plan, de détruire l’effort de l’Egypte et les remarques palestiniennes à ce propos (le plan Abbas). Son initiative est une concurrente à la notre » a confié à Al-Sharq Al-Awsat, un responsable Palestinien anonyme. « Kerry est en fait en train de créer un accord-cadre concurrent à l’initiative égyptienne et notre compréhension de ce dernier, dans un sens qui apaise les Qataris et les Turcs ».
La source palestinienne a dit que les négociateurs de l’AP étaient « très proches » de finaliser un accord de cessez-le-feu qui assurerait la levée du blocus sur Gaza et « réaliserait toutes les exigences palestiniennes ».
Le document Kerry verrait les Israéliens et membres des factions palestiniennes convoqués au Caire dimanche, suivant un cessez-le-feu humanitaire de 48 heures afin de discuter l’ouverture des passages à la frontière avec Gaza, l’entrée de marchandises et de personnes, le transfert des fonds pour les salaires de fonctionnaires civils du Hamas et « toutes les questions de sécurité ».
Mais la source palestinienne s’adressant à Al-Sharq Al-Awsat a dit qu’un accord sur la plupart de toutes ces questions avait déjà été trouvé, dès mercredi, dans des discussions entre Egypte et AP.
« Si la question était de retirer le blocus, supprimer les zones tampon (à la frontière israélienne) et l’ouverture des passages et des zones de pêche, nous avons résolu tout cela depuis mercredi. Cela aurait dû être déclaré mais à la place, (le chef du bureau politique du Hamas Khaled) Meshaal est intervenu dans une conférence de presse et a détruit l’initiative. Alors Kerry a émergé avec une autre initiative ».
Le Fatah, le parti politique d’Abbas, a également critiqué la tentative apparente de Kerry pour l’exclure des négociations de cessez-le-feu.
« Personne ne représente le peuple Palestinien dans une tribune internationale sauf la douleur et le sang des Palestiniens » peut-on lire sur un message posté sur la page Facebook officielle du mouvement, en référence à la réunion de Kerry, samedi à Paris, en présence de représentants du Qatar et de la Turquie, mais sans l’Egypte ni l’Autorité palestinienne.
« Qui veut le Qatar et la Turquie pour les représenter peut émigrer et aller vivre là-bas. Notre seul représentant légitime est l’OLP ».
Un collaborateur d’Abbas a rapporté à Al-Sharq Al-Awsat le contenu d’une conversation téléphonique entre le Ministre des affaires étrangères Laurent Fabius et Abbas à la suite de la réunion à Paris.
« Abou Mazen (Abbas) a demandé à Fabius : ‘Israël a accepté le cessez-le-feu ?’ Il lui a répondu : ‘Non’. ‘Le Hamas a-t-il accepté ?’ Il a répondu : ‘Non’. Il l’a alors gêné en posant la question : ‘Donc qu’est-ce qu’on attend de moi maintenant ?’
« La conversation d’Abbas avec Fabius démontre le niveau de colère et de mécontentement par rapport au rôle de la France et des Etats-Unis » conclut l’article, avant de citer un responsable Palestinien : « Abbas considère l’initiative de Kerry pour ainsi dire morte après avoir été rejetée par Israël. Il est très en colère que le sang palestinien ait été manipulé et soumis aux luttes de pouvoir régionales ».