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Alexandre Kerensky, celui qui a aboli la Zone de Résidence en Russie en 1917

100 ans après la Révolution russe, les universitaires célèbrent l’architecte d’un document qui a assuré l'égalité des droits aux Juifs du pays

Photo prise en 1938 à Washington, DC : Alexander Kerensky examine le passeport d'un membre de la Croix Rouge américaine, qu'il avait signé en 1917. (Crédit : Domaine public)
Photo prise en 1938 à Washington, DC : Alexander Kerensky examine le passeport d'un membre de la Croix Rouge américaine, qu'il avait signé en 1917. (Crédit : Domaine public)

A l’automne dernier, la communauté juive en Russie a célébré une conséquence souvent négligée de la Révolution russe : l’obtention des droits égaux pour les Juifs du pays.

Il y a un peu plus d’un siècle, en 1917, le gouvernement russe a signé un décret établissant l’égalité entre toutes les religions et les ethnies. Ce décret a officiellement aboli la Zone de Résidence – le territoire limité sur lequel il était légal de résider pour les Juifs.

Mais ni Vladimir Lénine ni Léon Trotsky n’étaient derrière ces changements positifs que les Juifs russes ont accueilli avec beaucoup d’enthousiasme. Non, c’était un homme qui a presque été oublié par les historiens et par les Juifs : Alexandre Kerensky.

Kerensky, qui était alors un avocat âgé de 36 ans, est devenu le chef du gouvernement provisoire après que le tsar russe a été destitué en février 1917.

Alexander Kerensky en 1917. (Crédit : Domaine public)

Bien qu’il n’ait été au pouvoir que durant quelques mois avant que les Bolcheviks ne prennent le pouvoir en automne, c’est sous sa direction que la Russie s’est débarrassée des lois antisémites de l’époque tsariste. Cela a donné aux Juifs le droit de vivre comme ils le voulaient, y compris à Moscou et à Saint-Pétersbourg, et les enfants juifs étaient autorisés à aller dans les écoles publiques sans être limités par des quotas.

Signé par Kerensky le 20 mars 1917 à minuit, le décret stipule qu’il se « base sur la conviction que dans un pays libre, tous les citoyens sont égaux devant la loi, et sur la conscience que personne ne peut accepter qu’une discrimination contre un autre citoyen soit basée sur sa religion et son origine ethnique ».

Plus spécifiquement, le décret abolissait toutes les limitations discriminatoires qui avaient été placées sur les déplacements et le lieu de résidence, l’achat de terre, l’immobilier et la propriété, la participation dans le commerce et les affaires, le service dans des positions gouvernementales aussi bien au niveau militaire que civil, la participation aux élections, et l’acception dans les institutions éducatives.

Cela a également mis fin à la discrimination contre les « non Chrétiens » en matière d’impôts en accordant aux groupes minoritaires le droit d’utiliser leurs propres langues pour mener des affaires.

Le tabou du ‘juif’

Il est intéressant de noter que le mot « Juif » n’est jamais mentionné dans le document qui a aboli la discrimination contre les « non Chrétiens ».

C’est parce que le gouvernement provisoire craignait une réaction antisémite violente, explique Alexander Engels, responsable de l’ouvrage collectif La Ligne, un livre publié l’an dernier en l’honneur du 100e anniversaire de l’abolition de la Zone de Résidence.

« Au moment de l’abolition de la monarchie, les dirigeants du pays ont compris que les Juifs pourraient seulement obtenir des droits égaux dans le cadre d’un processus démocratique général. C’est pour cela que le décret a été adressé aux peuples de toutes les ethnies et de toutes les religions », a déclaré Engels au Times of Israël dans un courriel.

Pourtant, dans les faits, le décret signé officiellement par Kerensky a mis fin à la Zone de Résidence.

Carte extraite de l’Encyclopédie juive montrant le pourcentage de Juifs dans les différentes régions de la Zone de Résidence. (Crédit : domaine public)

« La Zone de Résidence pouvait seulement être abolie avec la monarchie elle-même, parce que le régime tsariste a maintenu son modèle répressif de traitement des non-Russes jusqu’à la toute fin, » explique Engels.

« Et cela s’est produit quand le gouvernement provisoire, avec l’effort du ministre de la Justice Alexander Kerensky, a préparé le document qui était intitulé ‘Concernant l’abolition de la discrimination basée sur la religion et la nationalité’. »

Ce décret révolutionnaire n’était pas la première campagne que Kerensky a menée au nom des juifs.

Son petit-fils, Stephen Kerensky, qui vit maintenant au Royaume-Uni, a déclaré au Times of Israël qu’en tant qu’avocat, il a souvent défendu des clients juifs.

Alexander Kerensky a soutenu Menachem Mendel Beilis, un Juif innocent jugé pour avoir commis un meurtre rituel à Kiev en 1913. Kerensky a été condamné à plusieurs mois de prison pour avoir publié un communiqué en défense de Beilis (même si la peine n’a pas été appliquée).

Durant l’Affaire Beilis, ces prospectus antisémites étaient distribués à Kiev pour avertir les Chrétiens de veiller sur leurs enfants aux périodes de la Pâque Juive. (Crédit : Beyond the Pale/Wikimedia Commons)

Lors de la Première Guerre mondiale, quand une rumeur s’est répandue selon laquelle des Juifs tiraient dans le dos des soldats russes, Kerensky a mené une enquête sur ces accusations et a découvert qu’elles étaient fausses.

Après que les Bolcheviks ont pris le pouvoir, Kerensky a fui la Russie et s’est finalement installé à New York.

Zvi Gitelman, professeur en Etudes judaïques et en Sciences Politiques à l’Université du Michigan, se souvient l’avoir rencontré à la réception annuelle de l’Institut russe de l’Université de Colombia dans les années 1960.

Photo prise dans les années 1910 : Menachem Mendel Beilis est arrêté pour « meurtre rituel. (Crédit : Domaine Public)

« Les gens murmuraient, ‘Vous savez qui c’est ?’ On s’approchait de lui, et il disait, d’un ton sardonique, ‘Aha ! Vous ne pensiez pas que j’étais vivant !’, a raconté Gitelman. C’était assez fascinant de voir un acteur historique important devant vos yeux ».

Kerensky est mort en 1970 à l’âge de 89 ans.

Des rumeurs d’héritage juif

Kerensky n’avait pas d’ancêtre juif, mais pendant longtemps, les gens qui ne l’aimaient pas ont essayé de le discréditer en affirmant qu’il était de toute façon juif.

« Kerensky luttait contre l’antisémitisme, et pour certaines personnes, c’était suffisant pour penser qu’il était juif », a déclaré Boris Kolonitsky, un professeur d’histoire de l’Université Européenne de Saint-Pétersbourg et auteur de Camarade Kerensky : la Révolution anti-monarchique, qui a été publié en Russie plus tôt cette année.

« Kerensky luttait contre l’antisémitisme, et pour certaines personnes, c’était suffisant pour penser qu’il était juif »

Kolonitsky s’intéresse aux rumeurs – auxquelles beaucoup d’habitants de Russie croyaient il y a 100 ans – voulant que Kerensky ait des antécédents juifs secrets, ou tout du moins qu’il ait été la victime d’un complot juif pour renverser la monarchie russe.

Réunion politique juive en Russie, au moment de la Révolution russe de 1917. (Crédit : Musée juif et centre de la tolérance de Moscou)

« Personne ne l’a jamais prouvé, mais cela n’a pas d’importance parce que beaucoup de gens le considéraient comme juif en 1917 », a déclaré Kolonitsky. « Certains journaux de droite ont, en réalité, bien accueilli les Bolcheviks en pensant que ‘Kerensky le Juif’ serait finalement évincé du pouvoir ».

Cent ans ont passé depuis la Révolution russe, mais la rumeur d’un Kerensky juif est toujours vivante.

En 2002, un livre publié en Russie et intitulé Le Peuple de l’Ombre a affirmé que le vrai nom de Kerensky était Aaron Gelfman, et qu’il était en réalité le fils de la femme terroriste juive Gesya Gelfman qui avait essayé d’assassiner le tsar, a expliqué Gitelman, qui a lu le livre après être tombé dessus à la bibliothèque de l’Université du Michigan.

« La focalisation principale du livre est la conspiration maçonnique juive. C’est absurde », a affirmé Gitelman. « Cela n’a pas de sens. L’auteur a simplement inventé tout cela. »

Stephen Kerensky, le petit-fils de Kerensky, a confirmé que tous ces éléments au sujet du soi-disant héritage juif de son grand-père sont du « non-sens », c’est « totalement sans pertinence ».

« C’était l’une de choses que les gens disaient pour le dénigrer. C’était tout simplement un moyen de minimiser son statut, a-t-il déclaré. Mon grand-père a passé son temps à combattre contre l’oppression du peuple juif, et c’est l’unique lien ».

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