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Analyse

Allemagne : CDU et SPD vont former une coalition, mais les divergences sur Israël pourraient les diviser

Si les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates soutiennent l'État hébreu, les futurs alliés devront trouver un terrain d'entente, notamment sur les ventes d'armes, l'UNRWA et le mandat de la CPI

Markus Soeder, leader de l'Union chrétienne-sociale (à gauche), Friedrich Merz, chef de l'Union chrétienne-démocrate (centre) et Lars Klingbeil, co-leader du parti social-démocrate, quittent une conférence de presse à Berlin le 9 avril 2025. (Crédit : Tobias SCHWARZ/AFP)
Markus Soeder, leader de l'Union chrétienne-sociale (à gauche), Friedrich Merz, chef de l'Union chrétienne-démocrate (centre) et Lars Klingbeil, co-leader du parti social-démocrate, quittent une conférence de presse à Berlin le 9 avril 2025. (Crédit : Tobias SCHWARZ/AFP)

DÜSSELDORF – Le vainqueur des élections allemandes, Friedrich Merz, a conclu un accord mercredi pour former un nouveau gouvernement réunissant son bloc conservateur de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et les sociaux-démocrates (SPD) de centre-gauche, après des négociations accélérées qui auraient été motivées par les inquiétudes concernant les droits de douane américains et la popularité croissante de l’extrême-droite.

L’accord vise à stimuler la croissance économique, à augmenter les dépenses de défense, à adopter une approche plus stricte de l’immigration et à rattraper le retard pris en matière de modernisation. Mais derrière cet accord se cachent des divisions politiques entre factions qui pourraient avoir un impact sur l’avenir des relations de l’Allemagne avec Israël, y compris sur les exportations militaires et le financement de l’agence controversée des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA.

Avant que Merz ne puisse prendre la tête du gouvernement, l’accord de coalition doit être approuvé par un vote des membres des sociaux-démocrates et par une convention, le 28 avril, de la CDU de Merz, qui s’est présentée dans un bloc commun avec le parti de l’Union chrétienne-sociale (CSU) lors des élections allemandes du 23 février.

Cette élection a marqué un important virage à droite pour le pays le plus peuplé de l’Union européenne, puisque le parti d’extrême-droite AfD est arrivé en deuxième position avec plus de 20 % des voix. Ces résultats n’ont laissé à Merz d’autre choix que de traiter avec le SPD. Il a exclu toute alliance avec l’AfD, citant ses liens avec l’extrémisme de droite, l’antisémitisme et le racisme.

De récents sondages ont montré que l’AfD gagnait du terrain sur l’alliance CDU/CSU au fur et à mesure que les négociations s’éternisaient, ce qui a incité Merz à conclure un accord rapidement, même si cela signifiait qu’il fallait gommer les divergences politiques avec le SPD.

La CDU/CSU et le SPD ont tous deux traditionnellement soutenu Israël, bien que le SPD ait été plus critique à l’égard des politiques du gouvernement israélien.

« Historiquement, certaines factions du SPD ont davantage soutenu la cause palestinienne et ont adopté une position plus critique à l’égard d’Israël, notamment en ce qui concerne son gouvernement de droite ou d’extrême-droite », a déclaré le professeur Stephan Marschall, politologue à l’Université Heinrich Heine. « D’autre part, [la CDU/CSU] s’est traditionnellement alignée plus étroitement sur les préoccupations d’Israël en matière de sécurité. »

Un char représentant le leader de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) allemande Friedrich Merz comme un âne essayant de tirer une charrette avec plusieurs poids politiques tels que l’immigration, le président américain Donald Trump, la récession, le parti d’extrême droite AfD, est photographié lors de la parade pour célébrer le lundi des roses (Rosenmontag) à Düsseldorf, dans l’ouest de l’Allemagne, le 3 mars 2025. (Crédit : Ina FASSBENDER/AFP)

Les experts avertissent que les tendances récentes pourraient creuser ce fossé, exacerbant les tensions entre Jérusalem et Berlin.

« La fragilité de la situation à Gaza, associée à la politique de colonisation menée par Israël, pourrait renforcer la position critique du SPD à l’égard du gouvernement israélien et de ses actions », a-t-il déclaré au Times of Israel.

« Cette perspective remet en question le soutien traditionnellement fort et largement inconditionnel de l’Allemagne à l’égard d’Israël, suscitant des débats sur la question de savoir si Berlin devrait adopter une approche plus nuancée. »

Les armes et le beurre

Au cours des négociations, qui devaient initialement se terminer après Pâques, l’un des points les plus controversés entre les parties concernait les réformes proposées à la politique d’exportation militaire de l’Allemagne vers Israël.

Actuellement, les ventes d’armes doivent être approuvées par le Conseil fédéral de sécurité, mais la CDU/CSU a cherché à supprimer cet obstacle dans le cadre d’une relation dans laquelle la sécurité d’Israël est une « raison d’État » allemande, un terme utilisé pour désigner l’engagement spécial de Berlin envers Israël à la suite de la Shoah.

Le professeur Stephan Marschall (Crédit : Susanne Kurz/Université Heinrich Heine)

« La levée des restrictions à l’exportation sur les livraisons d’armes à Israël à des fins d’autodéfense aurait pu entraîner un soutien militaire beaucoup plus important », a déclaré Marschall.

Toutefois, le SPD a rejeté ces changements, insistant sur le fait que les exportations militaires devaient rester soumises à un contrôle strict, ce que certains ont considéré comme un reflet de sa réticence à armer l’État hébreu. En 2024, Merz a accusé le gouvernement allemand dirigé par le SPD de mettre fin aux exportations d’armement à destination d’Israël.

Bien que l’ancien chancelier Olaf Scholz ait nié l’existence d’une telle politique, les données gouvernementales ont montré que les exportations d’armes vers Israël ont chuté de moitié entre 2023 et 2024 et l’arrêt apparent des ventes d’armes a alimenté le malaise concernant le leadership du SPD parmi de nombreux membres de la communauté juive d’Allemagne.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (deuxième à gauche), le président de l’époque Reuven Rivlin (troisième à gauche) et le ministre de la Défense de l’époque Moshe Yaalon (deuxième à droite) assistent à une cérémonie pour l’arrivée de l’INS Rahav, le cinquième sous-marin de la marine israélienne, au port militaire de Haïfa, le 12 janvier 2016. (Crédit : Jack GUEZ/AFP)

« En ce qui concerne ce que nous attendions de l’Allemagne, la déception a été grande, notamment en ce qui concerne les votes de l’ONU, l’embargo secret [sur les ventes d’armes] et bien d’autres mesures qui ont déçu les gens », a déclaré Jacob Horowitz, ancien membre du conseil d’administration de l’Union des étudiants juifs d’Allemagne.

Jacob Horowitz (Autorisation de Fran Friedrich)

L’accord de coalition scellé mercredi ne mentionne aucune réforme des exportations de défense, ce qui indique que le contrôle du Conseil fédéral de sécurité resterait en place.

Toutefois, Jeremy Issacharoff, ancien ambassadeur d’Israël en Allemagne, s’est montré confiant dans le fait que le commerce de défense entre les deux pays resterait solide.

« Les accords sur les grands projets de défense, tels que l’achat d’Arrow 3 à Israël et de sous-marins à l’Allemagne, se poursuivront probablement », a-t-il déclaré.

Les deux parties se sont également opposées sur le financement de l’UNRWA, qui fournit une aide humanitaire et d’autres services aux réfugiés palestiniens à Jérusalem-Est, en Cisjordanie, à Gaza, en Jordanie, en Syrie et au Liban.

En 2023, l’Allemagne était le deuxième plus grand donateur de l’agence derrière les États-Unis, lui envoyant plus de 200 millions de dollars. En janvier 2024, Berlin a rejoint d’autres pays pour suspendre l’aide après qu’Israël a publié des preuves montrant que plusieurs employés de l’UNRWA avaient participé à l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, mais a rétabli le financement quelques mois plus tard.

Le SPD a soutenu la poursuite du financement de l’UNRWA et a même condamné la décision d’Israël d’adopter des lois interdisant toute tentative de réduire les activités de l’agence en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Mais la CDU/CSU a exprimé des inquiétudes quant au maintien de ce financement, citant l’antisémitisme présumé de l’agence des Nations unies et ses liens avec le groupe terroriste du Hamas.

Un homme se couvre d’un drapeau israélien alors qu’il participe à un rassemblement de solidarité avec Israël à Berlin, en Allemagne, le 22 octobre 2023. (Crédit : John MACDOUGALL/AFP)

L’accord de mercredi contient une sorte de compromis sur la question, conditionnant le soutien futur à des « réformes globales » de l’agence onusienne, mais laissant une grande place à l’ambiguïté sur ce que ces réformes peuvent impliquer.

Marschall a prédit que le soutien de l’Allemagne à l’UNRWA resterait probablement inchangé sous la présidence de Merz.

« L’Allemagne est très attachée au multilatéralisme et au rôle des Nations unies, ce qui laisse penser que, malgré les discussions, il est peu probable que le soutien à l’UNRWA soit totalement supprimé », a-t-il déclaré.

Une danse à deux temps

Issacharoff a souligné que les deux partis étaient attachés à la sécurité d’Israël, conformément aux positions officielles exprimées à maintes reprises par leurs dirigeants.

Il a toutefois prévenu que les liens pourraient se distendre en réponse aux actions du gouvernement de droite du Premier ministre Benjamin Netanyahu, si celui-ci prenait des mesures qui compromettent la solution du conflit israélo-palestinien fondée sur la coexistence de deux États, en préconisant par exemple l’annexion de Gaza ou en étendant l’autorité d’Israël en Cisjordanie

De telles tensions, a-t-il noté, « pourraient […] créer des défis importants pour le nouveau chancelier allemand ».

L’ambassadeur d’Israël en Allemagne, Jeremy Issacharoff, pose devant une ménorah géante installée pour la fête des lumières de Hanoukka devant la porte de Brandebourg à Berlin, avant une interview avec l’AFP, le 17 décembre 2020. (Crédit :John MACDOUGALL/AFP)

L’accord de coalition comprend aussi l’engagement de continuer à faire pression en faveur de la création d’un État palestinien, qui était une revendication centrale du SPD.

« La perspective viable pour une coexistence pacifique entre Israéliens et Palestiniens est une solution négociée à deux États », peut-on lire dans le texte.

La responsabilité des affaires étrangères de l’Allemagne incombera à la CDU ; les deux candidats au poste de ministre des Affaires étrangères sont considérés comme très pro-israéliens. Boris Pistorius, du SPD, également considéré comme un grand ami d’Israël, conservera son rôle de chef de la Défense allemande.

Le ministre de la Défense Yoav Gallant (à droite) et son homologue allemand Boris Pistorius inspectent une garde d’honneur avant de signer une déclaration d’intention sur le système de défense antimissile Arrow 3, au ministère allemand de la Défense à Berlin, le 28 septembre 2023. (Crédit : Tobias Schwarz/AFP)

La mainmise de la CDU sur le ministère des Affaires étrangères sera probablement considérée comme une bonne nouvelle pour Benjamin Netanyahu.

Le 24 février, au lendemain des élections, Merz a suscité une controverse en invitant Netanyahu en Allemagne, déclarant publiquement que le Premier ministre ne serait pas arrêté malgré un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale pour des crimes de guerre liés à la guerre à Gaza.

À la suite de cette invitation, les dirigeants du SPD et d’autres responsables politiques ont accusé Merz de ne pas tenir compte du droit international, un autre point de désaccord dans les négociations de la coalition.

« Le respect du droit international est une préoccupation majeure pour toutes les parties impliquées dans les pourparlers de coalition et a été explicitement souligné dans la version préliminaire de l’accord de coalition, en particulier à un moment où une grande puissance démocratique mondiale telle que les États-Unis a remis en question certains aspects du droit international », a déclaré Marschall. « En ce qui concerne le Moyen-Orient, le débat central porte sur la question de savoir si, et dans quelle mesure, le gouvernement israélien viole le droit international. »

Un manifestant affiche une pancarte sur laquelle on peut lire : « L’Allemagne finance, Israël bombarde » lors d’une manifestation pro-palestinienne et anti-israélienne à Berlin le 19 octobre 2024. (Crédit : John Macdougall/AFP)

Il reste à voir dans quelle mesure l’accord de coalition orientera réellement la politique allemande à l’égard d’Israël, notamment sur des questions particulièrement épineuses telles que les implantations et la guerre à Gaza.

Dans ce cas, un compromis a été trouvé en « adoucissant le langage de l’accord final tout en conservant les mots clés », a déclaré Marschall. « Cela a permis aux deux parties de maintenir leurs positions sans compromettre les négociations de la coalition élargie. »

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