Amit Aisman : « Les accusés sont devenus les accusateurs »
L'éminent procureur qui a fustigé les attaques contre le système judiciaire, a indiqué que les menaces contre les procureurs et leurs familles empiraient
Le procureur de l’État Amit Aisman a eu des paroles acérées à l’encontre du Premier ministre Benjamin Netanyahu dans la journée de samedi, déplorant que « les accusés sont devenus les accusateurs ». Il a aussi mis en garde contre le dénigrement croissant du ministère public dans le discours politique.
« Il y a ce sentiment que certains cherchent à saper notre légitimité auprès du public israélien en général. Ces personnes cherchent à attribuer des motivations incongrues à nos décisions et aux actions que nous entreprenons. Aujourd’hui, il y a une réalité nouvelle où le suspect devient l’enquêteur de ceux qui enquêtent sur lui, où l’accusé devient l’accusateur et où le condamné devient la victime du système », a déclaré Aisman lors d’une conférence de l’Association israélienne de droit public.
Ces dernières années, Netanyahu s’en est pris avec force et à maintes reprises au système de la justice. Il est accusé de corruption dans le cadre d’un procès en cours tandis que son nouveau gouvernement présente en ce moment un projet de réforme judiciaire qui limiterait gravement le pouvoir des tribunaux.
Le Premier ministre doit répondre de corruption, de fraude et d’abus de confiance. Il n’a cessé de clamer son innocence, affirmant que les charges ont été fabriquées de toutes pièces dans le cadre d’un « coup d’État politique » initié par la police et par le parquet, même s’il n’a avancé aucune preuve permettant d’étayer cette affirmation hors du commun.
A LIRE – Etat d’Israël vs. Netanyahu : détails de l’acte d’accusation du Premier ministre
Aisman a aussi déploré les menaces planant sur les responsables du système judiciaire et sur les témoins amenés à comparaître dans les procès – des menaces qui planent aussi sur leurs familles – en disant qu’elles empiraient encore et toujours.
« Il semble que la société israélienne devienne plus violente », a-t-il noté. « Récemment, il y a eu des attaques contre les institutions du procureur de l’État et du ministère public… Au-delà du fait que ces attaques empirent au fil des années – quantitativement et aussi en intensité – il y a dorénavant des attaques personnelles lancées à l’encontre de procureurs spécifiques ».
« Ce comportement choquant ne s’arrête pas dans les prétoires et il s’exprime, bien sûr, avec plus de force encore sur les réseaux sociaux », a-t-il remarqué. « Les réseaux sociaux sont devenus depuis longtemps la nouvelle place publique, où les commentateurs, cachés derrière un clavier, peuvent écrire sans aucune limite absolument tout ce qu’ils veulent ».
Il a averti qu’un système où procureurs et témoins subiraient des menaces constantes serait gravement endommagé, réduirait le respect de la loi et encouragerait encore davantage les violences croissantes.
Cela fait longtemps que les procureurs et les autres responsables de la justice impliqués dans le procès de Netanyahu sont menacés et harcelés par les partisans du Premier ministre.
Liat Ben-Ari, la procureure qui dirige les poursuites contre Netanyahu, aurait envisagé de démissionner de son poste en raison des menaces et des propos au vitriol lancés par les soutiens de Netanyahu depuis le début du procès, en 2020. La sécurité a été renforcée autour d’elle, cet été, après que la police a été informée que ces menaces devenaient plus sérieuses.
Le mois dernier encore, Ben-Ari avait porté plainte pour incitation suite aux menaces proférées contre son fils par un membre du Likud.
Un certain nombre de témoins ont été menacés de violences dans le cadre de ce procès.
Le quotidien Haaretz a fait savoir jeudi que Hadas Klein, une témoin déterminante dans le procès en raison de son rôle d’assistante des milliardaires Arnon Milchan et James Packer, a dorénavant recours aux services d’une agence de sécurité privée après un certain nombre de menaces.
Selon le journal, au moins une mise en examen supplémentaire devrait être prononcée à l’encontre d’un individu impliqué dans des faits de harcèlement de témoin en lien avec le procès et d’autres « partisans du Premier ministre » devraient être interrogés par la police.
Cette semaine également, le procureur-général adjoint a ordonné au bureau du Premier ministre de réintégrer trois chauffeurs qui avaient été limogés peu de temps après le retour du pouvoir de Netanyahu, à la fin du mois de décembre. Selon les médias, leur renvoi avait été décidé parce qu’ils devaient témoigner en faveur du parquet dans le procès pour corruption du chef du Likud et qu’ils avaient contredit Netanyahu lors de leurs interrogatoires.