Après 70 ans, l’AIPAC va officiellement collecter des fonds pour les politiciens
Le lobby pro-israélien affirme que ce changement permettra de renforcer "l'implication de la communauté pro-israélienne dans la politique" américaine
WASHINGTON (JTA) – C’est depuis des décennies une confusion récurrente pour certains à Washington : l’AIPAC, le plus grand lobby pro-israélien du pays, a-t-il un PAC (comité d’action politique) ?
En tout cas, ce n’était pas le cas jusqu’à aujourd’hui.
Le PAC, dans AIPAC, est l’abréviation de Public Affairs Committee, et non de political action committee. Mais après d’innombrables explications au fil des ans, le groupe se lance aujourd’hui dans la collecte de fonds.
L’American Israel Public Affairs Committee a lancé jeudi un comité d’action politique ordinaire, qui achemine des dons d’un montant maximum de 5 000 dollars par campagne à des candidats désignés, et un super PAC, qui peut collecter des fonds illimités pour un candidat. AIPAC PAC sera le nom du PAC régulier, tandis que le super PAC n’a pas encore été baptisé.
« La création d’un PAC et d’un super PAC est l’occasion d’approfondir et de renforcer de manière significative l’implication de la communauté pro-israélienne dans la politique », a déclaré Marshall Wittmann, porte-parole de l’AIPAC, dans un courriel. « Les PAC travailleront de manière bipartisane. »
Wittmann n’a pas voulu faire d’autres commentaires. Mais l’une des fonctions des PAC pourrait être de permettre à l’AIPAC de soutenir plus vigoureusement les Démocrates qui sont proches du lobby pour contrer une impression qui a profondément troublé le groupe de pression ces dernières années – à savoir qu’il serait plus enclin à se battre avec les Démocrates qu’avec les Républicains. En outre, le fait de présenter une initiative qui soit résolument bipartisane est un moyen de rejeter les pressions exercées par les Républicains sur le lobby pour qu’il boude les Démocrates.
Le PAC traditionnel sera dirigé par Marilyn Rosenthal, qui, ces dernières années, a dirigé les activités de l’AIPAC auprès des progressistes. Un responsable de l’AIPAC a fait savoir que le super PAC sera dirigé par Rob Bassin, directeur politique de longue date de l’AIPAC.
Il s’agit d’un changement radical pour un lobby qui, depuis son lancement dans la première moitié des années 1950, a cultivé assidûment l’image d’un groupe au-dessus de la mêlée politique, du moins en apparence. La conférence politique annuelle, suspendue cette année et l’année prochaine en raison de la pandémie, est ouverte à tous, Démocrates et Républicains confondus, et les législateurs des deux partis qui ont eu des démêlés avec l’AIPAC ont été à peine mentionnés par leur nom lors des conférences précédentes. Les ennemis désignés ont été les gouvernements étrangers perçus comme menaçant Israël – l’Iran est un ennemi récurrent – avec l’idée dominante que l’AIPAC était là pour unir le Congrès contre ces acteurs malveillants.
Ces dernières années, l’AIPAC est devenu plus combatif sur le plan national, car un groupe de critiques d’Israël parmi les Démocrates progressistes s’est fait entendre. Deux candidats à la présidence, les sénateurs Elizabeth Warren (Massachusetts) et Bernie Sanders (Vermont), ont ainsi boycotté la conférence politique annuelle de l’AIPAC en 2020.
Dans ses publicités en ligne, l’AIPAC a récemment ciblé les critiques les plus sévères d’Israël à gauche, notamment les députées Ilhan Omar et Betty McCollum du Minnesota, Alexandria Ocasio-Cortez de New York et Rashida Tlaib du Michigan. Le lobby a également pointé du doigt le sénateur Rand Paul, un Républicain du Kentucky qui fait constamment obstacle à l’aide à Israël, bien qu’il présente son opposition comme étant dans l’intérêt d’Israël.
Dans les coulisses, l’AIPAC peut être percutant. Il a publié un guide de notation des candidats, mais s’est efforcé de faire en sorte que seuls les initiés et les donateurs de l’AIPAC y aient accès.
Les membres de l’AIPAC ont été, par le passé, également récompensés par des honneurs en fonction de la somme qu’ils ont pu donner à un candidat. À ces occasions, les politiciens ont pu organiser des collectes de fonds dans des hôtels et des restaurants qui ne se trouvaient pas sur le lieu d’un événement de l’AIPAC – lors de la conférence politique du groupe, par exemple – mais à une distance réalisable à pied.
De véritables PAC sont apparus, qui ont à peine tenté de cacher leurs origines – avec des personnalités affiliées à l’AIPAC : Pro-Israel America, lancé en 2019, est dirigé par deux anciens cadres supérieurs de l’AIPAC.
Dans une déclaration annonçant les nouveaux PAC, l’AIPAC a clairement indiqué que dans l’environnement polarisé actuel, ne pas s’engager n’était plus un luxe que le lobby pouvait se permettre.
« L’environnement politique de Washington a subi de profonds changements », indique le communiqué. « L’hyper-partisanerie, la rotation élevée des membres du Congrès et la croissance exponentielle du coût des campagnes dominent désormais le paysage. »
Le rival de l’AIPAC, J Street, gère également un PAC ordinaire adjacent, mais pas un super PAC, qui nécessite une infrastructure et un investissement plus importants.
L’AIPAC conservera son statut d’exonération fiscale 501(c)(4), qui lui permet de s’engager dans la politique tant que celle-ci n’est pas son activité principale. Une organisation affiliée, l’American Israel Educational Fund, qui subventionne des voyages en Israël pour des législateurs et d’autres personnes influentes, bénéficie du statut 501(c)(3), qui permet des exonérations fiscales plus importantes. Ce statut est limité aux organisations dont les objectifs sont éducatifs, religieux ou caritatifs.
Un responsable de l’AIPAC, qui s’est exprimé sous couvert de l’anonymat pour partager sa stratégie, a déclaré que le lancement des PAC faisait partie d’un effort de modernisation du lobby. Le responsable a noté la présence accrue de l’AIPAC sur les réseaux sociaux et a déclaré qu’une application AIPAC serait bientôt disponible.