Après la frappe meurtrière d’un drone, une ville arabe de Galilée reçoit enfin des abris
Le maire de Mazraa, Fuad Awad, avait demandé des abris peu après le début de la guerre ; ils serviront à une partie des 3 000 habitants qui n'ont aucune protection
MAZRAA – La ville arabe israélienne de Mazraa a reçu jeudi le premier des cinq abris anti-bombes temporaires qui lui ont été accordés, plus de neuf mois après la première demande du maire Fuad Awad.
Le premier abri a été livré deux jours après que le système d’interception du Dôme de fer a mal fonctionné lors d’une attaque de drone menée par le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, qui a frappé la Route 4, juste à l’extérieur de la ville, en Galilée occidentale. Quatre autres abris sont en cours d’acheminement.
L’attaque a fait 19 blessés, dont un homme de 27 ans qui est toujours dans un état critique à l’hôpital de Galilée.
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Six soldats ont été légèrement blessés par un des drones lancés par le Hezbollah ce jour-là qui a frappé le camp de Shraga, situé à environ un kilomètre de là. Les soldats ont été emmenés à l’hôpital pour des blessures mineures, dont des bourdonnements d’oreille dus à l’explosion.
« La situation est très dangereuse », a confié Awad au Times of Israel, l’air épuisé, les yeux rougis.
Au moment de l’attaque, un peu avant 13 heures mardi, des officiers du commandement du Front intérieur étaient en train de briefer Awad et le personnel municipal sur la façon de gérer les situations d’urgence en cas d’attaque du Hezbollah et de l’Iran contre Israël. Au beau milieu de la discussion, les sirènes ont retenti dans la ville.
Les tensions au Proche-Orient sont montées d’un cran la semaine dernière, après les assassinats du chef du groupe terroriste palestinien du Hamas, Ismail Haniyeh, à Téhéran, et du commandant du Hezbollah, Fuad Shukr, dans le quartier de Dahieh à Beyrouth.
L’Iran et le Hezbollah ont juré de riposter aux attaques, et une escalade importante est à craindre.
Depuis le 8 octobre, les terroristes du Hezbollah attaquent presque quotidiennement les communautés israéliennes et les postes militaires situés le long de la frontière, le groupe affirmant qu’il le fait en soutien à Gaza et la guerre en cours contre le Hamas au pouvoir dans l’enclave.
Jusqu’à présent, les affrontements ont causé la mort de 25 civils du côté israélien, ainsi que celle de 18 soldats et réservistes de l’armée israélienne. Plusieurs attaques ont également été lancées depuis la Syrie, sans faire de blessés. Selon Tsahal, environ 400 terroristes du Hezbollah auraient été tués lors des ripostes israéliennes.
Un centre commercial animé
La ville de Mazraa, qui compte quelque 5 000 habitants, est située entre Nahariya et Akko, à environ 12 kilomètres de la frontière libanaise et 2 kilomètres au sud de la zone évacuée.
La ville, majoritairement musulmane avec quelques chrétiens, s’est développée au fil des ans et est devenue un centre de commerce animé de la région. Les cafés, les boulangeries et les restaurants attirent les clients, en particulier le samedi, lorsque de nombreux magasins dans d’autres villes sont fermés.
La partie la plus ancienne de la ville est formée d’un groupe de maisons en pierre construites dans des rues étroites et sinueuses, adjacentes à un ancien aqueduc.
Selon les commandements du Front intérieur, les gens ont 30 secondes pour arriver jusqu’à une zone protégée.
Les maisons du nouveau quartier huppé de Mazraa sont toutes équipées de mamad (chambres renforcées), comme l’exige la loi. Mais environ 3 000 personnes, soit près de 70 % de la population, vivent dans la vieille ville, construite avant les années 1980, et ne disposent ni de chambres sécurisées ni d’abris anti-bombes publics.
Awad a expliqué qu’il avait demandé des abris temporaires peu après le 8 octobre, lorsque le Hezbollah a commencé à tirer, et encore une fois après les attaques de drones sur les champs près de Mazraa en juin.
« On nous avait promis des abris, mais nous n’avons rien reçu », a indiqué Awad.
Jusqu’à l’attaque de mardi, qui a souligné une fois de plus l’urgence de la situation.
« Nous n’avons pas entendu de sirène, juste une explosion », a raconté Ahmd Dabah, dont la boucherie familiale se trouve à l’entrée du village. « Après il y a eu des cris et une épaisse fumée ».
« Nous n’avons rien pour nous protéger », a expliqué Nasrin Sroji, une habitante de Mazraa, au Times of Israel.
« Les nouveaux abris sont bien, mais ils ne suffisent pas pour tout le village ».
Sroji, qui est Bahaï, est une « sabra », dit-elle, née à Nahariya. Son mari est un musulman de Mazraa. En cas de guerre, elle retournera dans sa maison familiale qui dispose d’un mamad ; son mari restera avec sa mère âgée, mais ils n’ont pas de mamad dans leur maison.
« Les gens disent qu’il faut s’en remettre à Dieu, mais il faut rester logique et trouver un moyen de se protéger », a affirmé Sroji.
Le Hezbollah se fiche de savoir s’il frappe des Juifs ou des Musulmans
« Le Hezbollah ne fait pas de distinction entre les Juifs et les Musulmans », a souligné Ibrahim Zina, qui a grandi à Mazraa et qui possède aujourd’hui un garage automobile à Shavei Zion, en face de Mazraa, avec son frère Haled.
Il a dit que mardi, ils étaient en train de travailler dans le garage quand ils ont entendu « les sirènes, les boums et les explosions ».
L’impact de l’intercepteur Dôme de Fer, qui a dysfonctionné, a endommagé l’autoroute et brûlé des arbres. Selon des témoins, la panique a provoqué des accidents sur la route. Des éclats d’obus ont été retrouvés éparpillés dans les avocatiers voisins.
« Nous vivons et travaillons ensemble », a expliqué Zina. « Lorsque les sirènes ont retenti, nous étions tous ensemble dans l’abri anti-bombes. »
Il a ajouté que le Hezbollah est une faction chiite et que « nous sommes sunnites, et ils nous haïssent encore plus qu’ils ne haïssent les Juifs ».
Haled, le frère de Zina, a quant à lui déclaré que le gouvernement israélien avait « oublié le nord, et oublié les citoyens arabes du nord ».
Les liens entre les habitants de Mazraa et des villes environnantes sont forts « depuis 80 ans », a-t-il déclaré.
Son père, Saleh, travaillait dans la ferme laitière de Shavei Zion et a élevé huit enfants, dont l’un est aujourd’hui médecin et l’autre qadi (juge religieux musulman) à la retraite.
Tout a changé
Depuis la frappe de drones, Hend et Fikri Yehie racontent que, comme d’autres parents, ils ne laissaient plus leurs enfants jouer sur le terrain de football récemment construit.
« C’est trop dangereux », a indiqué Yehie, debout devant sa maison dans le nouveau quartier de Mazraa.
« C’est le plus beau pays du Moyen-Orient, il n’y a pas la paix », ajoute-t-il.
Juste après le pogrom perpétré par le Hamas du 7 octobre, durant lequel
3 000 terroristes ont assassiné près de 1 200 personnes dans le sud d’Israël et en ont enlevé 251, Yehie raconte qu’il s’est rendu à son travail comme jardinier dans le quartier de Shavei Zion. Un bénévole qui gardait la porte d’entrée « m’a regardé avec intensité », jusqu’à ce qu’il explique qui il était.
Yehie a dit que par la suite l’homme s’est excusé et que depuis il lui envoie des messages WhatsApp à l’occasion des fêtes.
École ou pas école ?
Eeman Nasra raconte que la première question que pose l’un de ses neveux chaque matin est de savoir s’il y a école ou non.
« Les neuf derniers mois ont été très durs pour nos âmes », explique-t-elle.
Lorsque l’attaque a eu lieu mardi, elle était avec sa petite-nièce âgée d’un an.
« Elle a pleuré et j’ai pleuré », a confié Nasra.
Après ses courses, elle est restée près de l’abri anti-bombe nouvellement installé et a dit « être heureuse pour les gens de cette rue ».
Le premier abri anti-bombe sera placé près de la Kupat Holim, la clinique locale. Les quatre autres seront placés dans d’autres rues.
« J’espère que nous nous en sortirons », a-t-elle ajouté.
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