Après la mort d’un enfant, Washington appelle Israël à réévaluer l’usage de la force
Le Département d'État a présenté ses condoléances à la famille de Mohammed Tamimi et appelé Israéliens et Palestiniens à faire preuve de responsabilité
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Les États-Unis ont vivement recommandé mardi à Israël d’ouvrir une enquête sur l’usage de la force meurtrière pendant les opérations militaires qui visent accidentellement des civils, au lendemain de la mort d’un petit Palestinien de trois ans pris par erreur pour cible par les soldats pendant des échanges de coups de feu la semaine dernière en Cisjordanie.
« Nous faisons part de nos condoléances à la famille de Mohammed Tamimi. Nous exhortons Israël à évaluer tout usage de la force meurtrière impliquant des victimes civiles et nous appelons les dirigeants israéliens et palestiniens à assumer leurs responsabilités en entreprenant des actions qui viseront à mettre un terme au conflit », a fait savoir le Bureau américain des Affaires palestiniennes dans un communiqué.
Jeudi dernier, Tamimi, trois ans, et son père avaient été blessés par des tirs alors que les soldats ripostaient à des hommes armés palestiniens qui avaient ouvert le feu dans leur direction, dans l’implantation de Neve Tzuf. Le père, Haitham Tamimi, avait été pris en charge par les secours palestiniens et amené dans un hôpital de Ramallah, et le petit enfant avait été héliporté par l’armée à l’hôpital Sheba de Ramat Gan. Arrivé dans un état critique, il a succombé lundi à ses blessures.
L’armée israélienne a évoqué un accident, ajoutant qu’elle avait ouvert une enquête.
Dans un point-presse qui a eu lieu mardi, le porte-parole du Département d’État américain, Vedant Patel, a déclaré que « nous avons cru comprendre que l’armée enquête actuellement sur l’incident et, de manière plus générale, nous recommandons que des investigations aient lieu lors de toutes les opérations qui entraînent des victimes civiles ».
Un appel similaire avait été lancé, l’année dernière, par les États-Unis suite à la mort de la journaliste palestino-américaine Shireen Abu Akleh pendant un raid de Tsahal en Cisjordanie, au mois de mai 2022. A ce moment-là, le Département d’État avait appelé Israël à réexaminer ses règles d’engagement – les règles qui encadrent les tirs à balle réelle. Des propos qui avaient entraîné la colère en Israël, notamment de la part du Premier ministre de l’époque, Yair Lapid, qui avait dénoncé une tentative visant à « dicter » les politiques israéliennes.
Suite à ces réactions négatives, le Département d’État avait paru revenir sur sa demande initiale, avançant des requêtes plus vagues portant sur la nécessité de rendre des comptes.
Dans le sillage des coups de feu de la semaine dernière, l’armée a indiqué dans un communiqué que le père et le fils avaient été probablement blessés par erreur, ajoutant qu’elle « regrette toute atteinte aux civils et qu’elle œuvre à prévenir de tels incidents ».
« Cet incident fait actuellement l’objet d’une enquête en profondeur », a dit Tsahal au Times of Israel suite à une demande de réaction, lundi. « Au terme des investigations initiales et au vu des conclusions qui seront tirées, une décision sera faite concernant l’ouverture d’une autre enquête ».
La mère de Tamimi, Marwa, 32 ans, avait confié à l’AFP, pendant les funérailles de son fils, que les soldats avaient ouvert le feu sur son mari alors que le père et le fils étaient installés dans la voiture familiale. Elle avait précisé que son époux était sorti pour déplacer son véhicule parce qu’il craignait qu’il ne soit endommagé par les militaires israéliens.
« Mon mari a mis la voiture en marche et mon fils était à côté de lui, et les tirs sont arrivés dans sa direction quand il a allumé les phares », avait-elle raconté. « Les soldats israéliens ont ouvert le feu sur eux pendant un moment et ils ne pouvaient pas sortir de la voiture… Je me suis donc réfugiée à l’intérieur de la maison ».
L’enquête préliminaire sur l’incident n’est pas encore terminée. Les investigations portant sur la conduite des soldats n’ont pas encore été soumises au Bureau du procureur militaire pour réexamen, même si les poursuites intentées contre les soldats ayant pris pour cible des Palestiniens sont rares, en particulier lorsque les faits se déroulent au cours d’une opération.
Marwa Tamimi, pour sa part, a dit ne pas avoir confiance dans l’enquête menée par l’armée israélienne. « Je veux un procès à l’international. Ça suffit. A chaque fois qu’on entend parler d’un enfant devenu un martyr, c’est toute une famille qui est martyrisée », a-t-elle déclaré.
Hussein al-Sheikh, un haut-responsable palestinien, a exprimé mardi soir sa colère dans un tweet. « Tamimi est mort sous les balles des soldats de l’occupation israélienne !!! Que diront les autorités de l’occupation à son sujet ? Diront-elles que c’était un terroriste ?? Diront-elles qu’il mettait en péril la vie de leurs soldats ? »
D’autres condamnations ont été émises par les Nations unies et par l’Union européenne.
Après les funérailles de Tamimi, qui ont eu lieu mardi, des affrontements ont opposé les soldats israéliens et des Palestiniens. Plusieurs Palestiniens auraient été blessés.