Attentats de Bruxelles: un couple dont les deux enfants sont morts raconte « l’énorme vide »
Le père d'Alexander et Sacha évoque ses origines juives et le génocide nazi qui a privé ses deux parents de leurs proches. "Maintenant je n'ai plus d'enfants non plus..."

Frère et soeur de 29 et 26 ans, Alexander et Sacha ont été tués sur le coup quand le premier kamikaze a déclenché sa bombe le 22 mars 2016 à l’aéroport de Bruxelles. Leurs parents ont raconté mercredi « l’énorme vide » laissé dans leurs vies.
Ce matin-là, les deux jeunes gens s’apprêtent à embarquer dans un vol pour New York où Alexander, installé là-bas pour finir ses études, doit rejoindre son épouse Cameron. Sacha a décidé d’accompagner son frère.
« Elle allait prospecter pour un emploi », explique le père, Edmond Pinczowski, dans le silence de la cour d’assises.
Dans le box ont pris place six jihadistes jugés pour ces attentats qui ont fait 32 morts. Un septième, le Français Salah Abdeslam, est absent. Deux autres accusés comparaissent libres.

La famille Pinczowski vient de Maastricht, aux Pays-Bas. A l’époque, en 2016, les époux sont installés de l’autre côté de la Meuse, sur la rive belge. C’est à Hasselt qu’Edmond conduit vers 06H00 ses enfants au train qui les mènera à l’aéroport de Bruxelles-Zaventem.
Cette dernière conduite est gravée à jamais dans sa mémoire. « On était juste à l’heure à la gare, Sacha a couru, mais a pris le temps de me faire un signe de la main, le dernier signe », poursuit cet homme de 76 ans.
Il raconte aussi qu’une fois rentré à la maison, il s’est interrogé sur une facture à payer et a appelé son fils sur son portable.
Alexander était alors dans le hall des départs, prêt à enregistrer ses bagages. L’appel coïncide avec l’instant de la première explosion. « A 07h58 et vingt secondes sa voix a disparu », ajoute le témoin.
L’attentat a lieu un mardi matin. Les Pinczowski n’auront que le vendredi la confirmation officielle que leurs enfants comptent parmi les victimes.
Pendant trois jours ils ont fait « le tour des hôpitaux avec des photos » pour tenter de les retrouver. « Mon épouse n’a jamais compris », dit Edmond Pinczowski.
Au détour d’une phrase, le père évoque ses origines juives et le génocide nazi qui a privé ses deux parents de leurs proches.
« Ils étaient les seuls survivants dans leurs familles respectives, je n’ai jamais connu ni grands-parents, oncles, tantes ou cousins. Maintenant je n’ai plus d’enfants non plus… ».
Désormais à la retraite, le chef de famille a eu une carrière de directeur d’hôtel pour des grandes chaînes multinationales qui a mené les siens aux quatre coins du monde.
La curiosité, l’ouverture d’esprit des enfants, leur goût des voyages et de la diversité imprègnent tout le récit du couple.
« Tout est littéralement parti en fumée », lâche Marjen Pinczowski, 70 ans.
« Nous avons perdu nos enfants et le monde deux magnifiques jeunes personnes (…) Ne jamais devenir grands-parents, c’est un de nos rêves qui ne deviendra jamais réalité ».
Assurant qu’elle « ne pardonnera pas » aux accusés, auxquels elle souhaite « la perpétuité en enfer », la mère a des mots de remerciements pour les enquêteurs qui ont proposé à l’été 2016 de visionner des images de vidéosurveillance sur l’instant fatal.
Lors de la première des deux explosions de l’aéroport (une troisième attaque-suicide a eu lieu dans le métro), Alexander et Sacha étaient juste à côté du kamikaze Ibrahim El Bakraoui.

Grâce aux images, les parents ont pu se rendre compte que leurs enfants ont été « instantanément tués ».
D’après les enquêteurs, le frère et la soeur ont sans doute fait office de « boucliers » pour une famille qui se trouvait derrière eux et a eu la vie sauve.
« Connaissant Alexander et Sacha je suis sûre que cela les aurait rendu fiers », veut croire leur mère.
Neuf membres de la cellule jihadiste déjà à l’origine des attentats de novembre 2015 à Paris (130 morts) comparaissent à ce procès qui doit durer jusqu’à l’été. Un dixième, présumé mort en Syrie, est jugé en son absence.