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Analyse

Au lieu de l’immunité, Netanyahu pourrait-il juste virer le procureur général ?

La loi autorise la révocation du procureur général en cas de divergences importantes et continues, mais le Premier ministre manque de temps et de justification, pour un tel combat

Jacob Magid

Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à gauche) et le procureur général Avichai Mandelblit lors d'une réunion du gouvernement en juillet 2015, quand Mandelblit était secrétaire du cabinet. (Crédit : Emil Salman/POOL)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à gauche) et le procureur général Avichai Mandelblit lors d'une réunion du gouvernement en juillet 2015, quand Mandelblit était secrétaire du cabinet. (Crédit : Emil Salman/POOL)

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu pourrait-il congédier le procureur général qui doit l’inculper en attendant une audience prévue pour octobre ?

Cela peut sembler improbable, voire insultant pour les politiciens au pouvoir, mais certains analystes juridiques commencent à spéculer qu’il pourrait s’agir de la prochaine mesure du Premier ministre, maintenant que les négociations de coalition, qui ont échoué, compliquent, sinon condamnent ses efforts visant l’adoption et la promulgation par le parti d’une loi qui le protégerait des poursuites et empêcherait la Cour suprême de rejeter cette immunité.

M. Netanyahu fait face à des accusations de fraude et d’abus de confiance dans trois affaires, et de corruption dans l’une d’elles. Il a nié tout acte répréhensible et affirme que les accusations de corruption sont une chasse aux sorcières politique visant à le chasser de ses fonctions. Avec peu de temps pour adopter une loi sur l’immunité après les élections du 17 septembre – qui tombent trois mois avant que le bureau du procureur général Avichai Mandelblit a fait savoir qu’il voulait présenter sa décision sur le fait de porter une accusation, on attend généralement du Premier ministre qu’il envisage d’autres moyens pour éviter des poursuites. (Un porte-parole de Netanyahu n’a pas répondu aux demandes de commentaires à ce sujet).

L’une de ces options serait de limoger Mandelblit. Seul le procureur général – qui est nommé pour un mandat de six ans par un vote des ministres du gouvernement, après approbation non contraignante par un comité de juges – est autorisé à signer une mise en accusation contre le Premier ministre. Et il n’y a pas de substitut prêt à l’emploi à moins que le gouvernement ne nomme un procureur général par intérim.

La destitution de Mandelblit, qui a été nommé en 2016, permettrait au cabinet actuel – qui comprend trois autres ministres qui pourraient avoir besoin d’une immunité contre les poursuites – de choisir un successeur qui leur conviendrait mieux. Ce substitut serait alors en mesure de réévaluer les allégations contre le Premier ministre, et peut-être de les atténuer ou de les rejeter complètement.

Est-ce que cela a déjà été fait ?

Avant d’écarter cette possibilité en raison de son impudence, il convient de noter qu’il existe un précédent. En 1986, le gouvernement de Shimon Peres a limogé le procureur général Yitzhak Zamir après que ce dernier ait insisté pour faire avancer une enquête sur la conduite du service de sécurité du Shin Bet dans l’affaire dite du Bus 300. Cette enquête a révélé que le directeur de l’agence à l’époque, Avraham Shalom, avait ordonné à deux de ses agents d’exécuter deux terroristes palestiniens capturés après le détournement d’un autocar transportant 41 Israéliens. Shalom et d’autres hauts responsables de la sécurité ont ensuite tenté de dissimuler les exécutions en prétendant que les terroristes capturés avaient été tués plus tôt, pendant le raid lui-même.

Avraham Shalom, ancien directeur du Shin Bet, le 27 janvier 2011. (Yossi Zamir/Flash90)

La veille du jour où il a appris la nouvelle de l’affaire du Bus 300, Zamir avait informé le public de son intention de démissionner après sept ans en tant que procureur général. Malgré son retour en arrière et son insistance à rester en position de mener l’enquête à terme, le gouvernement de Peres a utilisé l’annonce initiale de Zamir contre lui, le forçant à partir au cours de l’année 1986 et le remplaçant par le peu connu Yosef Harish. Ce dernier a ensuite accordé le pardon à Shalom, qui avait accepté de démissionner, et aux autres agents du Shin Bet impliqués.

Bien que les règles relatives à l’embauche et au congédiement d’un procureur général ont changé radicalement depuis, l’affaire du Bus 300 n’est pas la raison pour laquelle les nouveaux critères existent maintenant.

Pour cela, Netanyahu a lui-même, au moins partiellement, à dire merci.

Bar-On pour Hébron

Au cours de son premier mandat de Premier ministre en 1997, le gouvernement de Netanyahu a nommé le militant du Likud Roni Bar-On au poste de procureur général. Ce choix a immédiatement suscité un tollé d’indignation de la part de l’opposition, qui a déploré la nature politique de la mission, s’opposant en particulier à l’insistance du ministre de la Justice de l’époque, Tzachi Hanegbi, selon laquelle le président de la Cour suprême, Aharon Barak, avait donné son feu vert à cette nomination lors de consultations privées malgré son opposition publique à celle-ci.

Le député travailliste Ophir Pines a demandé au tribunal de bloquer la nomination, mais cela s’est avéré inutile : Bar-On a démissionné 48 heures seulement après avoir accepté le poste.

Dix jours plus tard, la télévision publique a rapporté qu’au cours d’une réunion avec le président du Shas Aryeh Deri avant sa nomination, Bar-On avait promis au député ultra orthodoxe, qui était alors poursuivi par des soupçons de corruption, d’accepter de plaider coupable pour lui permettre de rester en politique. Deri a ensuite fait pression sur Netanyahu pour qu’il nomme Bar-On, présentant sa nomination comme une condition pour que Shas soutienne les protocoles de Hébron, que le Premier ministre a signés avec Yasser Arafat, président de l’OLP, renonçant au contrôle sur certains quartiers de la ville de Cisjordanie.

Le ministère public a par la suite ordonné l’ouverture d’une enquête sur la nomination de Bar-On et Netanyahu est devenu le premier Premier ministre israélien à être enquêté pour suspicion d’avoir commis une infraction pénale. La police a finalement recommandé qu’il soit mis en accusation pour abus de confiance, de même que Deri, Hanegbi et Avigdor Liberman, qui était le directeur du cabinet du Premier ministre à l’époque.

Roni Bar-on, alors député de Kadima, pendant une réunion de la commission des Affaires étrangères et de la Défense à la Knesset, le 3 mars 2011. (Crédit : Kobi Gideon/Flash90)

Le successeur de Bar-On, Elyakim Rubinstein, a ensuite classé les dossiers contre Netanyahu, Hanegbi et Liberman, établissant qu’il n’y avait aucune preuve qu’ils savaient que Deri avait rencontré Bar-On.

Deri a par la suite été reconnu coupable de corruption – mais pas dans l’affaire Bar-On – et a passé près de deux ans en prison.

À la suite du fiasco, Hanegbi a ordonné la création d’une commission publique spéciale dirigée par l’ancien président de la Cour suprême, Meir Shamgar, qui préciserait les critères requis pour qu’une personne soit nommée procureur général et formulerait toute autre recommandation qu’elle jugerait nécessaire sur cette question.

Trois ans plus tard, le gouvernement du Premier ministre Ehud Barak a adopté les conclusions de la Commission Shamgar sous la forme d’une décision du Cabinet en août 2000.

En ce qui concerne le congédiement d’un procureur général, le rapport Shamgar n’a pas désavoué le gouvernement de son droit, mais il a fourni une série précise de conditions préalables pour prendre une telle mesure.

La décision du Cabinet stipule que la même commission de juges qui a examiné un candidat du gouvernement au poste de procureur général avant sa nomination doit être réunie si la coalition souhaite congédier le procureur général. Plus important encore, le seul raisonnement acceptable pour un tel congédiement – au-delà de la perpétration d’un crime par le procureur général lui-même – « sont les divergences d’opinion entre le gouvernement et le procureur général, qui créent une situation dans laquelle une coopération efficace est impossible à obtenir ».

Le juge Menachem (Meni) Mazuz, de la Cour suprême, a précisé plus tard qu’il doit y avoir « des divergences d’opinion substantielles et prolongées ».

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, (à droite), s’entretient avec le ministre de l’Intérieur Aryeh Deri lors d’une séance plénière à la Knesset, le 11 janvier 2016. (Miriam Alster/Flash90)

Ok, donc il peut le faire ?

Bien qu’assez étroit, le règlement post-Bar-On laisse encore de la place en théorie au gouvernement de Netanyahu pour révoquer Mandelblit.

Mordechai Kremnitzer, éminent spécialiste israélien du droit pénal et constitutionnel, a averti que toute tentative de congédiement visant à empêcher des poursuites pénales contre Netanyahu pourrait constituer une entrave à la justice.

Lors d’une conversation avec le Times of Israel, Kremnitzer, le vice-président chargé de la recherche à l’Institut israélien de la démocratie, a comparé dimanche un tel scénario aux événements en cours aux États-Unis impliquant le procureur spécial Robert Mueller.

« Parmi les questions qui ont fait l’objet d’une enquête [Mueller] concernant des accusations d’obstruction à la justice contre Trump figuraient diverses mesures prises par le président pour renvoyer le procureur spécial – mesures qui n’ont finalement pas été prises parce que les personnes à qui il avait donné l’ordre de les exécuter ont refusé. Mais il a déterminé qu’en principe, ces ordonnances pouvaient tomber sous l’accusation d’obstruction à la justice », a dit M. Kremnitzer.

Quant au critère des « divergences d’opinion substantielles et prolongées », il a fait valoir qu’il n’y avait pas actuellement de fondement à l’affirmation selon laquelle une telle friction existe entre Mandelblit et le gouvernement.

De plus, Kremnitzer a déclaré que Netanyahu devrait attendre qu’un gouvernement permanent soit formé après les élections de septembre pour soutenir qu’il y a un tel conflit, car le gouvernement intérimaire ne jouit pas officiellement de la confiance de la Knesset.

Le professeur Mordechai Kremnitzer. (Kobi Gideon/Flash90)

Citant la décision prise la semaine dernière par la Knesset de s’auto-dissoudre, il a fait valoir que le fondement de la légitimité du gouvernement intérimaire est si étroit qu’il n’est autorisé à faire que ce qui est absolument nécessaire pour que le pays continue à fonctionner, et rien au-delà tant que le nouveau gouvernement ne sera pas formé.

Quant à savoir quel désaccord continu avec le procureur général pourrait servir de prétexte à Netanyahu pour le révoquer, le sénateur Kremnitzer a noté l’opposition de Mandelblit à une loi de février 2017 visant la légalisation des avant-postes.

Mandelblit a refusé de défendre la loi au nom de l’État à l’époque, faisant valoir qu’elle violait les droits des Palestiniens. Le gouvernement a alors été contraint d’engager un avocat privé pour présenter son opinion devant la Cour suprême dans le cadre d’audiences qui sont toujours en cours.

Toutefois, la coopération entre Mandelblit et le gouvernement s’est poursuivie dans tous les autres cas depuis, a fait remarquer M. Kremnitzer, et dans aucun autre cas le procureur général n’a déclaré qu’il ne défendrait pas une mesure législative si elle était contestée devant les tribunaux.

Kremnitzer a reconnu que « ces derniers mois de la politique israélienne ont prouvé que rien n’est impossible » – avec l’incapacité de Netanyahu à former une coalition majoritaire après les élections d’avril, le vote de la dissolution de la Knesset la semaine dernière, la tenue de nouvelles élections en septembre, et le maintien d’un gouvernement de transition depuis que la Knesset se soit dissoute pour la première fois en décembre dernier et que le ministre de l’Éducation Naftali Bennett et la ministre de la Justice Ayelet Shaked ont été congédiés dimanche dernier par Netanyahu. Mais le professeur de droit a prédit qu’un gouvernement Netanyahu ne tenterait pas une mesure aussi extrême que le renvoi du procureur général quelques semaines seulement avant que Mandelblit ne prenne sa décision sur l’inculpation du Premier ministre.

« Pour moi, tout cela me semble être du domaine de la fantaisie sauvage. Si une telle mesure était prise, Israël deviendrait une république bananière, et je pense que même ce gouvernement le comprendrait », a-t-il conclu.

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