Au théâtre, Ludmila Mikaël fait revivre une scientifique juive oubliée de l’Histoire
A l'affiche du Théâtre Hébertot à Paris avant une tournée l'an prochain, la comédienne, 77 ans et sociétaire honoraire de la Comédie-Française, campe la scientifique Lise Meitner (1878-1968)

« On en a rêvé et c’est comme on l’a espéré »: pour la première fois, les acteurs Ludmila Mikaël et Pierre Arditi sont réunis au théâtre dans « Le Prix », un face à face puissant inspiré d’une histoire vraie, celle d’une scientifique oubliée de l’Histoire.
A l’affiche du Théâtre Hébertot à Paris avant une tournée l’an prochain, la comédienne, 77 ans et sociétaire honoraire de la Comédie-Française, campe la scientifique Lise Meitner (1878-1968).
Co-découvreuse de la fission nucléaire, elle a été dépossédée de ses recherches au profit de Otto Hahn (1879-1968), chimiste allemand avec qui elle collaborait.
Malgré leurs recherches communes pendant trente ans, c’est seul que ce dernier a reçu le Prix Nobel de chimie en 1944.
Née d’une famille juive autrichienne, Lise Meitner, déjà victime de misogynie par ses pairs scientifiques à Berlin, a été obligée de fuir l’Allemagne nazie, trouvant refuge en Suède.
Dans une mise en scène de Tristan Petitgirard, « Le Prix », pièce de Cyril Gely, raconte la dernière rencontre entre Lise Meitner et Otto Hahn au Grand Hôtel de Stockholm, quelques heures avant la cérémonie du Nobel. Elle est venue régler ses comptes, espérant que Otto Hahn demande que le prix leur soit décerné conjointement.
Elle est « déterminée à obtenir ce qu’elle veut. Cette scientifique fait partie des oubliés de l’Histoire. Elle est amère… Lui sait qu’il lui a sauvée la vie en l’encourageant à quitter Berlin pour Stockholm », souligne à l’AFP Ludmila Mikaël, Molière 1992 de la meilleure comédienne et deux fois primée par le Syndicat de la critique, de retour au théâtre après six ans d’absence.
De mère en fille
« J’aime énormément ce personnage de femme. J’ai à cœur de la défendre, même dans ses outrances. Elle dit des choses terribles, mais en même temps il y a une telle souffrance », ajoute la 454e sociétaire de la Comédie-Française depuis 1975, qui a joué les plus grands rôles du répertoire classique.
Au cinéma, l’actrice a tourné de nombreux films dont « Vincent, François, Paul et les autres » de Claude Sautet. Tout récemment, elle a été vue dans le film à succès « En Fanfare ».
« C’est la première fois que je joue avec Pierre Arditi. On y pensait depuis longtemps mais on cherchait la belle occasion. Ce rôle de Lise Meitner restera important pour moi. C’est lui qui me l’a proposé », confie Ludmila Mikaël.
« Depuis que je suis sortie du Français (la Comédie-Française, ndlr), j’ai fait peu de théâtre. Après avoir tellement joué, j’avais besoin d’air. Je suis devenue sélective, peut-être trop… Je choisis des aventures singulières, un texte d’abord mais aussi des partenaires », ajoute la comédienne dont le jeu maîtrisé et subtil, prend le pas sur Pierre Arditi, 80 ans.
« Pierre m’a dit que je suis devenue avec cette pièce +son meilleur souvenir de théâtre+. C’est extrêmement émouvant… Chaque soir est un cadeau », dit encore celle qui a pourtant « de plus en plus le trac ».
Le théâtre est une affaire de famille: Marina Hands, sa fille également sociétaire de la Comédie-Française, est sur scène dans « Le Soulier de Satin » de Claudel, dans une mise en scène d’Eric Ruf, jouant le rôle tenu par sa mère quarante ans plus tôt.