Avec le retrait de Biden, la fin d’une ère de présidents démocrates profondément attachés à Israël
Pendant toute sa carrière politique, le président a affirmé être sioniste et il a exprimé un soutien sans faille à l'Israël - un point de vue qui ne domine plus au sein de son parti

JTA – S’il y a une anecdote qui définit la relation tissée par Joe Biden avec Israël pendant toute sa carrière politique, c’est bien celle qui avait impliqué Golda Meir.
Lors d’un événement organisé pour Yom HaAtzmaout à l’ambassade israélienne en 2015, l’homme qui était à l’époque vice-président des États-Unis avait raconté l’histoire qu’il partage toujours avec la même émotion depuis 42 ans.
Il était alors tout jeune sénateur du Delaware en déplacement en Israël. Il avait à peine 30 ans. En cet automne 1973, elle était une Première ministre avisée qui fumait cigarette sur cigarette. Il lui avait confié qu’il avait le sentiment que les ennemis d’Israël étaient sur le point de lancer une guerre et elle aussi avait affiché son pessimisme (l’attaque qui avait déclenché la guerre de Yom Kippour devait avoir lieu dans les jours suivants). Elle lui avait demandé s’il voulait prendre la pose à l’occasion d’une photographie et ils étaient sortis du bureau de la cheffe du gouvernement.
« Elle m’a dit : ‘Vous semblez très troublé, sénateur’, » avait raconté Biden. « Et je lui ai répondu : ‘Eh bien, mon Dieu, madame la Première ministre’… Je me suis retourné pour la regarder. Je lui ai dit : ‘Avec l’image que vous venez de me dépeindre’… »
« Elle m’a alors déclaré : ‘Oh, ne vous inquiétez pas. Nous avons’ – je pense qu’elle n’a dit ça qu’à moi… Elle m’a déclaré : ‘Nous avons une arme secrète dans notre conflit avec les Arabes. Vous voyez, nous n’avons nulle part ailleurs où aller’. »
Ce discours prononcé en 2015 avait eu pour objectif d’apaiser les tensions qui étaient apparues dans les relations entre son patron de l’époque, le président Barack Obama, et le Premier ministre Benjamin Netanyahu, des tensions entraînées par l’accord sur le nucléaire qui était en cours de négociations avec l’Iran, cette année-là.
Il y avait eu une prophétie à la fin de son allocution – une prophétie faite par un homme qui était alors vice-président et qui devait se réaliser une fois qu’il était entré à la Maison Blanche : L’Amérique, avait affirmé Biden, mettrait à la disposition d’Israël toute sa puissance militaire si cela devait s’avérer être nécessaire.

« Nous œuvrerons toujours à garantir que les Juifs du monde entier auront toujours un endroit où aller », avait-il juré. « Nous œuvrerons toujours à assurer qu’Israël conservera un avantage militaire qualitatif. Et indépendamment du prochain président qui sera élu – qu’il soit républicain ou démocrate – cela ne changera pas parce que le peuple américain, les Américains sont engagés aux côtés d’Israël. Les Américains comprennent ».
En 2023, le président Biden avait tenu cette promesse, prenant dans ses bras Netanyahu dans le sillage du pogrom commis par le Hamas, le 7 octobre, lorsque près de 1 200 personnes avaient été tuées et que 251 personnes avaient été kidnappées et prises en otage dans la bande de Gaza. Il avait alors fait une promesse solennelle : « Tant que les États-Unis seront avec vous – et ils seront toujours avec vous – nous ne vous laisserons jamais seuls ».
Au cours des neuf derniers mois et de la guerre à Gaza qui a suivi le massacre, cette promesse a passé l’épreuve du feu – avec une administration américaine qui a mis en suspens une livraison de bombes lourdes qui étaient destinées à Israël et qui a averti de manière répétée que la contre-attaque lancée par Jérusalem risquait d’aller trop loin.
Le ministère de la Santé à Gaza, qui est placé sous l’autorité du Hamas, affirme que plus de 38 000 Palestiniens ont été tués. Des chiffres qui ne peuvent être vérifiés et qui ne font pas de distinction entre civils et hommes armés. De son côté, l’État juif explique avoir tué plus de 15 000 terroristes à Gaza en plus d’un millier d’hommes qui avaient été abattus sur le territoire israélien, le 7 octobre.
La guerre aura beaucoup entamé le capital politique de Biden – avec une rébellion parmi les électeurs pro-palestiniens qui ont voté « désengagés » dans diverses primaires et avec la colère, du côté de la droite et de divers groupes d’intérêts pro-israéliens, qui ont considéré que toute retenue ou toute entrave à la campagne militaire israélienne équivalait à une haute trahison de l’allié le plus proche des États-Unis au Moyen-Orient.
Pendant presque toute sa carrière politique, Biden aura représenté, sur la question israélienne, le point de vue qui dominait largement au sein du parti Démocrate dans le passé : Alors qu’Obama exerçait des pressions sur Israël concernant l’Iran et d’autres dossiers, Dennis Ross, négociateur pour la paix au Moyen-Orient de longue date, avait estimé que Netanyahu « a compris que Biden sera en désaccord avec lui sur beaucoup de choses mais il n’a jamais remis en doute l’amitié fondamentale de Biden ».
Biden revendique son sionisme depuis longtemps – et il l’a encore rappelé la semaine dernière quand il a dit : « Pas besoin d’être Juif pour être sioniste et être sioniste, c’est une question qui vise à déterminer si Israël est un asile sûr ou non pour les Juifs en raison de leur Histoire et des persécutions dont ils ont été victimes ». Il a aussi déclaré penser que de nombreuses personnes ne connaissaient pas la signification du terme que les pro-palestiniens utilisent de plus en plus en y apportant une connotation péjorative.

La relation entre Biden et Israël remonte à la visite qu’il avait effectuée dans le pays en 1973. Une histoire personnelle qui fait de lui le dernier représentant de toute une génération de politiciens américains.
« Ces personnalités qui siégeaient au sein du gouvernement américain en 1973 ne sont plus impliquées en politique en 2020 », avait commenté David Makovsky, membre de l’équipe de l’administration Obama qui avait essayé de négocier un accord de paix israélo-palestinien en 2013 et en 2014 et qui travaille dorénavant au Washington Institute, dans un entretien accordé en 2020. « Biden garde en mémoire un Israël qui n’était pas seulement une startup nation mais qui devait faire face aux guerres ».
En se retirant de la course à la Maison Blanche à l’issue de plusieurs semaines angoissantes de défiance et d’indécision, Biden devient au moins ce trait d’union avec la prochaine génération qu’il avait promis d’être. Mais il semble improbable qu’un président Démocrate, quel qu’il soit, puisse à l’avenir témoigner du même attachement générationnel et personnel à l’égard d’Israël – si la plate-forme Démocrate soutient l’État juif et que c’est également le cas de la majorité des députés du parti, le sentiment anti-israélien prend de l’ampleur chez les jeunes Américains et dans l’aile progressiste du parti Démocrate. Et même certaines personnalités mainstream de la formation ont, dans le contexte de la guerre, prôné des politiques qui auraient été absolument inenvisageables dans le passé, comme le conditionnement de l’aide à Israël.

La vice-présidente Kamala Harris, favorite dans la course à la nomination Démocrate dans la course à la Maison Blanche, a inquiété les électeurs pro-israéliens en paraissant être plus virulente que Biden dans ses dénonciations de ce que l’administration américaine considère comme des excès de la part du gouvernement de Netanyahu.
Au mois de mars, elle avait été la première, à la Maison Blanche, à réclamer un cessez-le-feu « immédiat » et elle avait utilisé un langage dur pour évoquer la nécessité de laisser entrer les aides humanitaires dans la bande.
« Il n’y a aucune excuse », avait dit Harris. « De nouveaux postes-frontières doivent impérativement être ouverts. Aucune restriction inutile ne doit peser sur la délivrance des aides. Les Israéliens doivent garantir que les personnels, les sites humanitaires et les convois ne seront pas pris pour cible ».

Harris, dont la nomination a été soutenue par Biden, dimanche, lorsqu’il a annoncé son retrait de la course, est mariée à Doug Emhoff, un Juif qui a été une voix forte dans la lutte contre l’antisémitisme pendant tout le mandat de vice-présidente de son épouse. Emhoff s’était rendu pour la toute première fois en Israël en 2017 aux côtés de son épouse qui siégeait alors au Sénat, représentant la Californie.
De nombreux politiciens, en Israël, ont évoqué le fort soutien apporté par Biden à l’État juif lorsqu’ils ont appris son retrait – et Netanyahu, qui doit rencontrer Biden pendant une visite à Washington, cette semaine, a fait une déclaration depuis le tarmac de Ben Gurion.
« Le président Biden est un véritable ami d’Israël qui a pris notre défense dans les moments les plus difficiles pour nous », a écrit l’ancien Premier ministre Naftali Bennett dans un post écrit sur X. « Pendant mon mandat de Premier ministre, j’ai été personnellement témoin de son engagement sans faille en faveur d’État d’Israël. Merci pour tout ».
Une ancienne députée de gauche, Stav Shaffir, a pour sa part écrit sur X : « Président Biden, vous laisserez le souvenir de l’un des plus grands dirigeants de notre temps. Merci pour le soutien inébranlable que vous avez apporté à notre pays, pour vos efforts constants visant à préserver la démocratie, merci pour votre courage et pour votre sens des responsabilités. Le monde a désespérément besoin de plus de leaders comme vous ».
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.
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